Le Conseil international des monuments et des sites du Liban (Icomos-Liban), une filière de l’ONG internationale œuvrant pour la conservation des monuments et des sites historiques et archéologiques dans le monde, a fait part de sa préoccupation face aux risques encourus par le site archéologique de Nahr el-Kalb, inscrit depuis 2005 sur le registre de la Mémoire du monde de l’Unesco et qui risque aujourd’hui de perdre ses chances de figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, alors qu’il est inscrit depuis juillet 2019 sur la liste indicative des sites du patrimoine mondial de l’organisation onusienne.
Dans un communiqué publié vendredi, Icomos-Liban indique que le site est « menacé par la construction d’un complexe de bâtiments qui servira de siège à un parti politique, le CPL ». « La mise en œuvre de ces bâtiments va complètement et irréversiblement défigurer les lieux. Elle représente une intrusion dans le paysage historique », selon le texte qui rappelle que le complexe se situe seulement à quelques mètres des stèles historiques.
« Ce promontoire, confié à l’ordre maronite libanais depuis des centaines d’années, est aujourd’hui estropié à cause d’une décision politique, prise sans aucun respect d’une zone tampon minimale qui aurait dû être définie par les autorités en charge. Avec cette intrusion directe, le site des stèles perdra toutes ses chances d’être inscrit au patrimoine mondial », dénonce Icomos.
Sur la liste indicative soumise à l’Unesco par la délégation libanaise permanente auprès de cette organisation, il est clairement précisé que pour protéger ces stèles, la Direction générale des antiquités (DGA) a classé ce secteur en zone non constructible (non aedificandi). Le projet de réhabilitation, financé par la Fondation nationale du patrimoine et réalisé à l’époque, y est exposé en même temps que les initiatives futures pour la préservation du site. En 2003, les travaux exécutés comprenaient le nettoyage des stèles, l’aménagement des sentiers, la clôture d’une partie du site et l’installation des panneaux signalétiques explicatifs.
Le plan de gestion, élaboré par la DGA et présenté à l’Unesco, comprend entre autres un éclairage de l’ensemble du site, une conversion de la bifurcation actuelle du tunnel, un aménagement d’une zone de stationnement, une acquisition et une restauration de la maison située sur le lot 76 de la région de Zouk el-Kharab en vue de la transformer en musée.
Icomos-Liban réclame « l’arrêt immédiat du projet de construction et un réexamen urgent de la relocalisation du complexe avant qu’il ne soit trop tard », critiquant vivement le non-respect du patrimoine culturel national par les autorités du pays.
Le site de Nahr el-Kalb est caractérisé par la présence de 22 stèles, reliefs et inscriptions commémoratifs datant du IIe millénaire avant J.-C. (XIIIe siècle) jusqu’au IIe millénaire de notre ère (XXe siècle).
(Lire aussi : Le CPL s’estime visé par une campagne de diabolisation pour faire passer de grandes concessions, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Journée de sensibilisation
Hier, un mouvement de protestation contre ces travaux a été organisé sur le site. Quelques dizaines de contestataires et d’écologistes ont manifesté dans la matinée sur le promontoire de Nahr el-Kalb pour protester contre les travaux de construction controversés du nouveau siège du CPL près des stèles.
Selon notre photographe sur place João Sousa, l’armée a été massivement déployée sur les lieux de la marche, qui a débuté au bas du promontoire jusqu’au grillage entourant le chantier de construction.
« C’est une journée de sensibilisation contre la corruption et les partis politiques, qui détruisent nos océans, nos montagnes et l’environnement », déclare une des organisatrices de cette marche, Ange-Marie Akiki. « Nahr el-Kalb est un site historique unique au Moyen-Orient. Ils veulent construire illégalement un bâtiment et nous convaincre que cette construction est légale. C’est un cri d’alarme que nous poussons », a-t-elle ajouté.
Samedi, le CPL avait de nouveau assuré avoir obtenu toutes les autorisations requises pour la construction de son nouveau quartier général dans ce secteur non constructible.
Le site avait été considéré comme « non-constructible » en 2003 par la Direction générale des antiquités. En 2003, une réhabilitation des lieux, financée par la Fondation nationale du patrimoine, avait été menée. Le site a été classé par les décrets n° 166/ L.R. de novembre 1933 et n° 225 du 28 septembre 1934 sur la liste nationale des monuments historiques de l’Unesco, avant d’être inscrit en 2005 sur le registre de la Mémoire du monde de l’organisation onusienne.
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commentaires (12)
Reste à savoir si (im) Bassil a monnayé la signature d’autorisation ou s’il l’a simplement exigé en temps que gendre du roi zéro.
Sissi zayyat
10 h 31, le 25 février 2020