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Monde - Syrie

À Alep et Idleb, les civils pourchassés « par la mort de tous les côtés »

Les civils cherchent par tous les moyens à fuir les zones bombardées, s’amassant au plus près de la frontière turque.

Des déplacés dans un camp à Sarmada, hier, dans la province d’Idleb. Rami al-Sayed/AFP

« J’en suis à mon cinquième déplacement », raconte Baraa via WhatsApp. Le journaliste originaire de Maarret al-Naaman ramasse le peu d’affaires qu’il lui reste et se prépare à fuir Sarmada avec ses parents. « Il nous faudra au moins cinq heures pour rallier Azzaz », dit-il. La ville proche de la frontière turque n’est qu’à 70 km de chez lui. Là-bas, il pourra compter sur la solidarité d’un ami, qui lui a fait un peu de place dans son appartement. Les routes sont prises d’assaut par une population qui fuit en masse la province sud d’Alep et la province d’Idleb, toutes deux soumises à d’intenses bombardements du régime et de son allié russe depuis plusieurs mois. Les témoignages et les SOS lancés depuis ces régions se succèdent alors que la communauté internationale semble avoir détourné le regard. La fuite de ces centaines de milliers d’habitants a comme des airs de déjà-vu. Avec, à chaque fois, l’impression qu’un nouveau palier est franchi dans la déshumanisation des civils vivant dans les régions rebelles.

Selon les dernières estimations de l’ONU hier, plus de 900 000 personnes ont été déplacées depuis le 1er décembre, en vaste majorité des femmes et des enfants. « Ils sont traumatisés et forcés de dormir dehors par des températures glaciales car les camps (de réfugiés) sont pleins. Les mères brûlent du plastique afin de réchauffer les enfants. Des bébés et de jeunes enfants meurent à cause du froid », s’est insurgé hier le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock.La situation humanitaire désastreuse résulte de la politique de terre brûlée du régime qui vise volontairement les infrastructures civiles afin de faire fuir la population. Le président syrien Bachar el-Assad s’est engagé hier, dans une allocution télévisée, à poursuivre l’offensive dans le nord-ouest du pays pour « libérer » l’ultime grand bastion tenu par les jihadistes et les rebelles. « La bataille pour la libération des provinces d’Alep et d’Idleb se poursuit, indépendamment des discours criards vides qui viennent du nord », a-t-il lancé, en allusion aux avertissements répétés de la Turquie voisine, marraine des rebelles.Selon les Casques blancs, deux hôpitaux ont été visés hier par des raids aériens russes à Dar Te’zat, une petite bourgade de la province d’Alep frontalière de celle d’Idleb.

Abdelkafi Alhamdo s’apprêtait à quitter la ville où il avait trouvé refuge chez sa belle-famille, lorsque des roquettes ont tout fait exploser juste à côté de chez lui. « Tout est devenu noir et les enfants se sont mis à pleurer. On a fui sans rien prendre avec nous », raconte-t-il. Il se retrouve sur le bord d’une route avec son épouse et leurs deux enfants sur une moto. « Je n’ai aucun plan B. On s’est réfugié chez un ami à Atmah. Mais si le régime parvient à prendre Dar Te’zat et les alentours, toute la région sera en grave danger », confie-t-il via WhatsApp. Les forces loyalistes ne seraient plus qu’à une quinzaine de kilomètres de là, vers Deir Semaan. Cette avancée pourrait couper Idleb de la région nord sous contrôle turc, unique porte de sortie des civils. Souad Taqad, une professeure d’anglais, a elle aussi fui dans la précipitation avec les siens, quelques heures après le bombardement des deux hôpitaux de sa ville. La veille, elle confiait à L’OLJ être « pétrifiée » par le fracas des bombardements et des affrontements qui s’intensifiaient à sa porte. « Tout le monde fuit vers l’inconnu. La mort nous pourchasse de tous les côtés. Je pars maintenant. Priez pour nous », écrivait-elle dans un dernier message avant son périple.


(Lire aussi : Ankara baisse le ton face à Moscou)



« Il va arriver un moment où les gens vont traverser de force »
Dimanche, les forces pro-Assad sont parvenues à engranger des gains considérables dans la province d’Alep, prenant le contrôle d’une grande partie de la région tenue par les rebelles. Près d’une quinzaine de villes et villages ont ainsi été repris par Damas en quelques jours. Anwar a fui Kabtan al-Jabal, une ville à une vingtaine de kilomètres du centre-ville d’Alep, qui devrait être l’un des prochains objectifs des forces terrestres syriennes. « Bonjour, je viens aux nouvelles car ce sera peut-être la dernière fois que je te parle », écrivait hier après-midi cet anesthésiste qui avait fui Alep en 2016.

« Dimanche matin, ça tirait tellement que j’ai sauté dans une voiture sans trop savoir où atterrir. J’ai de la chance, car beaucoup fuyaient à pied. Mais je n’ai rien pu emporter avec moi », disait-il. Anwar, accompagné de ses sœurs et de ses neveux, n’a pu trouver qu’une place sous une tente dans un camp de déplacés en pleine montagne, mais totalement à découvert. Le camp aurait été monté ces dernières semaines et abriterait quelques milliers de déplacés. Anwar envoie une photo de ses neveux sous la tente, âgés de 9 ans à 6 mois, peu vêtus et visiblement épuisés et terrorisés. « Il n’y a que très peu de lait ou de couches disponibles dans le camp. On doit absolument sortir d’ici le plus vite possible », dit-il. Pour fuir les zones bombardées, chaque famille doit d’abord débourser entre 50 et 100 dollars pour être transportée par un pick-up. « Les gens vendent leurs derniers bijoux pour payer leur fuite », raconte Yasser, un habitant d’al-Dana. La majorité des déplacés cherchent à gagner le nord de la province d’Alep, mais les logements sont saturés et des familles s’entassent parfois à 5 ou 6 dans une cinquantaine de mètres carrés. Dans un communiqué publié le 7 février, l’ONU estime que les personnes déplacées ne sont pas en mesure de trouver des abris appropriés et que 80 000 d’entre elles vivent dans des bâtiments inhabitables.

Omar a fui la semaine dernière Atareb avec femme et enfants, en direction de Afrine. « Un agent immobilier m’a proposé de louer pour 20 dollars par mois un appartement dans un immeuble en construction, uniquement en parpaing. J’ai filmé la scène tellement c’était hallucinant », raconte-t-il. « Un ami nous héberge le temps qu’on se retourne, mais il y a beaucoup de gens qui n’ont d’autre choix que de vivre dans des carcasses d’immeubles vides, ouvertes aux vents. Le soir quand je sors dans la rue, je vois des familles dormir dans leur voiture », poursuit Omar. Cet instituteur qui avait fui Alep en 2016 espère trouver un camping-car d’occasion, dans les 1 000 dollars, dit-il, une alternative moins coûteuse et plus sûre au cas où ils devraient fuir à nouveau. Mais pour aller où ? La Turquie, très critiquée par les habitants des régions sous le feu du régime pour son incapacité à stopper l’offensive, s’obstine à maintenir sa frontière fermée. « Il va arriver un moment où les gens vont traverser en masse de force », estime Omar. Des amis de Yasser ont tenté à cinq reprises d’entrer illégalement sur le territoire turc, mais ils se sont fait attraper par les gendarmes lors de leur dernier passage et ont été renvoyés en Syrie. Fuir à travers champs est non seulement dangereux, mais aussi financièrement hors de portée pour la plupart. À cause de la forte hausse des demandes, les passeurs exigeraient aujourd’hui entre 1 500 et 2 000 dollars par personne pour rejoindre la Turquie.


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commentaires (3)

C'est ce qui arrivera chez nous au Liban au cas où la rage continue

Chucri Abboud

15 h 58, le 18 février 2020

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Commentaires (3)

  • C'est ce qui arrivera chez nous au Liban au cas où la rage continue

    Chucri Abboud

    15 h 58, le 18 février 2020

  • 900 000 personnes en fuite.. Si le tyran marionnette de Damas avait la moindre légitimité aux yeux de ces 900 000 personnes, alors sans nul doute ils fuiraient en direction des zones sous contrôle du "régime". Sauf que là ils fuient en direction opposée, vers une frontière fermée gardée par un régime turc envers lequel ces réfugiés n'ont que très peu de sympathie à cause de ses trahisons multiples envers la rébellion-résistance depuis le début. Et sont obligés de dormir à ciel ouvert. L'oxy-dent hypocrite a fait cent fois plus pour cent fois moins. Par exemple pour le Kosovo avec le déplacement des populations albanaises par le régime de Milosevitch. Là le bourreau ce n'est même pas un régime digne de ce nom mais un étranger au pays en question, Poutine digne successeur de George W Bush dans son interventionnisme à tout va sous prétexte de "guerre contre le terrorisme" et l'Axe de l'imposture qui prétend défendre les musulmans en s'associant à la guerre impérialiste de Poutine qui est bien pire que celle de Bush. Non seulement l'axe de l'imposture est associé à cette invasion étrangère mais c'est lui-même qui l'a demandée par le voyage de son cerveau Qassem Soleimani en Russie en 2015. Un tel nombre de personnes qui fuient devant le "régime" syrien comme devant les Huns ou les Mongols au Moyen-Age, avec des villes entières désertées, cela est une preuve par A+B que ce régime a perdu toute légitimité. Le nier devrait être puni de la même façon que le négationnisme.

    Citoyen libanais

    10 h 39, le 18 février 2020

  • Aux turcs et à leurs alliés occidentaux de l'otan de s'occuper de ces pauvres civils premières victimes de leur mauvais calcul d'avoir voulu chasser un héros syrien de son trône légitime par un odieux complot.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 53, le 18 février 2020

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