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Politique - Décryptage

Sans enterrement officiel, la fin attendue du « compromis présidentiel »

C’est dans une bien triste atmosphère pour le courant du Futur que sera célébrée aujourd’hui la commémoration du quinzième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Son fils et héritier politique n’est plus à la présidence du Conseil et il se retrouve bien seul sur la scène politique. Il ne peut même plus compter sur l’appui indéfectible de Dar el-Fatwa et du mufti Abdellatif Deriane, qui a dû faire preuve de pragmatisme et s’incliner devant la réalité, en recevant le nouveau Premier ministre Hassane Diab, juste après le vote de confiance du Parlement.

À cet égard, il faut préciser que dès le départ, lorsqu’il a été désigné le 19 décembre, et contrairement à ce qui avait été dit à l’époque, Hassane Diab n’avait pas sollicité un rendez-vous du mufti, préférant attendre de former le gouvernement et que celui-ci obtienne la confiance du Parlement pour se rendre à Dar el-Fatwa en position de force. C’est ce qu’il a fait. Mais certaines sources bien informées font le lien entre l’accueil chaleureux réservé par le mufti au chef du gouvernement et la visite il y a quelques jours de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Dar el-Fatwa. Selon ces mêmes sources, l’ambassadeur Walid Boukhari aurait pavé la voie à la rencontre entre Abdellatif Deriane et le Premier ministre en conseillant au mufti de ne pas s’opposer à la personnalité qui occupe le poste sunnite le plus important au sein de l’État libanais, pour l’encourager à préserver les droits de la communauté. D’ailleurs, en tant que Premier ministre en exercice, puis plus tard en tant qu’ancien Premier ministre, Hassane Diab fait désormais partie de facto du Conseil chérié islamique relevant de Dar el-Fatwa. Les sources proches du courant du Futur ont eu beau affirmer que la rencontre entre le mufti Deriane et le président du Conseil était purement protocolaire, cela n’a rien ôté à son impact sur la scène sunnite.



(Lire aussi : Diab face à un premier casse-tête : concilier les exigences internationales et les desiderata du Hezbollah)



C’est donc dans cette atmosphère confuse et relativement désenchantée que Saad Hariri devra prendre la parole cet après-midi devant ses partisans. Selon les milieux du courant du Futur, il devrait établir devant ses partisans un bilan des trois dernières années, notamment depuis la conclusion du fameux « compromis présidentiel » qui devait en principe durer jusqu’à la fin du mandat du chef de l’État. On se souvient que cet accord avait été conclu au cours de l’été 2016 et avait abouti deux mois plus tard à l’élection de Michel Aoun à la présidence en contrepartie de la désignation de Saad Hariri à la tête du gouvernement. À ce moment-là, la base populaire du courant du Futur – qui avait passé des années à critiquer le CPL et son chef ainsi que le chef du groupe parlementaire du Changement et de la Réforme à l’époque, Michel Aoun – avait été surprise par cette volte-face et n’avait pas réellement adhéré à ce compromis.

Il a fallu l’épisode de la démission forcée à Riyad le 4 novembre 2017 et le retour émouvant de Saad Hariri à Beyrouth le 22 novembre de la même année, ainsi que l’accolade chaleureuse entre lui et le chef de l’État au cours de la cérémonie pour la fête de l’Indépendance pour que la rue sunnite regarde d’un œil différent le fameux compromis présidentiel. Mais ce rapprochement n’a pas vraiment duré, car entre les deux partenaires de ce compromis, les divergences étaient régulières. Michel Aoun avait souvent exprimé des reproches au président du Conseil, notamment au sujet de la lenteur de l’action du gouvernement et de sa productivité réduite, et, à chaque fois, il fallait organiser un long entretien de réconciliation entre Saad Hariri et le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil pour renflouer le compromis présidentiel. De son côté, Saad Hariri ne cachait pas son irritation devant ce qu’il appelait la tendance du chef de l’État et du ministre Bassil à vouloir empiéter sur les prérogatives du Premier ministre, ce qui était de nature à affaiblir sa popularité au sein de la rue sunnite.



(Lire aussi : 14 février : le « come-back » souverainiste de Saad Hariri)



S’il est vrai que les deux parties prenaient soin de garder une relative discrétion au sujet de leurs différends, les fuites dans les médias étaient nombreuses et c’est dans ce contexte qu’est soudain apparue une nouvelle structure, celle des anciens Premiers ministres (Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam), créée dans la foulée d’un voyage en Arabie saoudite et dont le rôle était officiellement d’appuyer le Premier ministre face à l’omniprésence du chef de l’État et de son camp. Mais en réalité, ces trois anciens Premiers ministres avaient clairement pour mission d’empêcher Saad Hariri de faire trop de concessions à Michel Aoun et au CPL. Il faut préciser que, dans cette mission, ils avaient un allié inespéré en la personne du président de la Chambre, qui avait, lui aussi, de nombreux reproches à faire au camp présidentiel, mais estimait qu’il ne pouvait pas vraiment compter sur le Premier ministre pour s’opposer à lui.

Le « compromis présidentiel » aurait malgré tout pu durer jusqu’en 2022 (date de la fin du mandat). C’est en tout cas ce que voulaient Michel Aoun et son camp. Mais c’était sans compter sur le déclenchement du vaste mouvement de protestation le 17 octobre dernier, qui avait rendu la situation du Premier ministre tout à fait intenable. En choisissant de démissionner le 29 octobre, sans en avertir au préalable ses partenaires au sein du fameux compromis, Saad Hariri a porté un coup fatal à l’accord, selon le camp présidentiel. Mais les deux formations chiites, Amal et le Hezbollah, continuaient à soutenir sa candidature pour former le prochain gouvernement, par crainte d’une discorde sunnito-chiite. Elles ont donc attendu jusqu’à ce que Saad Hariri décide lui-même de renoncer à assumer cette responsabilité pour accepter d’aller vers un autre choix, celui de Hassane Diab. Mais même aujourd’hui, avec un gouvernement en pleine fonction, Nabih Berry reste attaché à l’option Hariri. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ancien Premier ministre ménage plus ou moins Amal et le Hezbollah, réservant ses critiques à Gebran Bassil et au CPL. Selon ses proches, il aurait déclaré récemment qu’après le gouvernement Diab, qui ne devrait pas rester en place plus de quelques mois, il compte revenir à la présidence du Conseil, que ce soit après des élections législatives anticipées ou non. Mais il faudrait pour cela qu’il renoue avec le chef de l’État et son camp, lesquels annoncent qu’une nouvelle étape a commencé avec Diab. Le discours de Saad Hariri aujourd’hui devrait donner un indice sur la suite des événements.


C’est dans une bien triste atmosphère pour le courant du Futur que sera célébrée aujourd’hui la commémoration du quinzième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Son fils et héritier politique n’est plus à la présidence du Conseil et il se retrouve bien seul sur la scène politique. Il ne peut même plus compter sur l’appui indéfectible de Dar el-Fatwa et du mufti...

commentaires (9)

Je n'ai pas compris ce que veut Saad Hariri? Je sais qu'il est bien vu des Européens et USA

Eleni Caridopoulou

18 h 27, le 14 février 2020

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Commentaires (9)

  • Je n'ai pas compris ce que veut Saad Hariri? Je sais qu'il est bien vu des Européens et USA

    Eleni Caridopoulou

    18 h 27, le 14 février 2020

  • Saison 2 , épisode 1

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 17, le 14 février 2020

  • JE CONSEILLE QU,ON LAISSE LES CHOSES TELLES QUELLES. LE MORT EST DEJA MORT ET INHUME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 14 février 2020

  • mechants les revolutionnaires du 17 Oct. c eux et seulement eux qui ont mis a mal la relation de aoun et de hariri ! mais pas d'inquietudes a se faire : les 2 vont se rabibocher bientot !

    Gaby SIOUFI

    10 h 04, le 14 février 2020

  • les gens prennent 3 semaines de vacances et travaillent les 49 autres. Saad Hariri fait l'inverse: 49 semaines de vacances et 3 travaillées. Ce Monsieur a planté tout ce qu'il a touché : le business famliale, le Parti, Le groupe media, l'economie Libanaise, les relations politiques internes, les alliances internationales, etc... Que peut-il offrir ?

    Lebinlon

    09 h 42, le 14 février 2020

  • parfois ,la solitude politique est plutot signe de bonne santé! J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 24, le 14 février 2020

  • Je crois qu’il rit dans sa barbe de ne pas être premier ministre en ces temps sinistres. Il laisse les autres assumer le coût des décisions prises par toute la clique. C’est carrément machiavélique car être responsable d’un navire qui coule comme l’est le président n’est pas très joyeux ni très vendeur auprès du public. Je ne le croyais pas capable d’une telle manœuvre, chapeaux!

    Michael

    09 h 17, le 14 février 2020

  • Vous savez Monsieur Hariri, dans la vie il y a d'autres plaisirs que la politique. Il est temps pour vous de passer à autre chose.

    Brunet Odile

    09 h 00, le 14 février 2020

  • "Son fils et héritier politique n’est plus à la présidence du Conseil et il se retrouve bien seul sur la scène politique" Intéressante lecture de la situation de Hariri...toutefois en regardant de plus près on verra que Hariri s'est enfin libéré d'un deal maudit depuis sa signature car l'accord, sans le nommer, imposait un chef omnipotent sur les signataires les soumettant ainsi à son joug et à ses désirs. Par contre le chef de l'etat se retrouve isolé face à ce puissant maitre sans le soutien de ces alliés d'antan ni, et surtout pas, de celui de son peuple. Tel est prit qui croyait prendre mais celui qui en paie le prix??? Notre Patrie le Liban! Tout ces politiciens et caïds minables de ruelles délabrées: sûrement qu'ils partiront un jour. Un jour que l'histoire attend impatiemment et qu'elle verra d'un très bon œil!! Allah yitawil rouhak ya watanna!!

    Wlek Sanferlou

    00 h 58, le 14 février 2020

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