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Lifestyle - Coolitude

Ode picturale au corps des femmes enceintes

Les « Instagram moms » font florès pour annoncer aux quatre vents et à coups de ventres arrondis que, célébrité ou pas, elles attendent un enfant. Alors que pendant des siècles, la grossesse se devait plutôt d’être dissimulée, ces images sont à présent au musée.

Beyoncé devant l’objectif d’Awol Erizku ose tout, même enceinte. Photo tirée de sa page Facebook

Aujourd’hui, une femme enceinte assume pleinement sa situation de future mère, mettant bien en évidence son corps, sous toutes ses formes, et partageant son épanouissement au fil des neuf mois. Cet affichage n’était pas de mise autrefois, comme le relève une exposition qui explore la représentation des femmes enceintes via l’art du portrait, dans une période s’étalant sur 500 ans jusqu’à nos jours. Intitulée « Portraying Pregnancy: From Holbein to Social Media » (« Portraits de femmes enceintes : de Holbein aux réseaux sociaux »), elle est organisée par le Foundling Museum de Londres. L’idée revient à la curatrice de cet accrochage, Karen Hearn, auteure, historienne de l’art et de la culture des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles anglais. Il y a une vingtaine d’années, elle avait collaboré à l’acquisition pour la Tate Gallery d’un portrait d’une femme enceinte datant de l’époque élisabéthaine. « J’ai alors réalisé, explique-t-elle, que ce genre n’avait pas encore été étudié. » Et avait vu là l’occasion exceptionnelle de placer les aspects identitaires, émotionnels et l’empowerment des femmes contemporaines par rapport au contexte passé. Elle a ainsi réuni des peintures, des gravures, des photographies, des objets et des vêtements datant du XVe siècle jusqu’à nos jours qui reflètent la manière dont on dépeignait la grossesse qui à ces époques-là était un état presque permanent.


Presque tout le temps enceintes

« Historiquement, de la puberté à la ménopause, les femmes étaient presque tout le temps enceintes », précise Karen Hearn. Mais elles étaient réticentes à poser avec un ventre bien arrondi par conservatisme et aussi parce qu’elles étaient angoissées par la perspective d’une mort en couches, ce qui arrivait souvent. Certaines se sont attelées à la rédaction de testaments destinés à leurs enfants à naître au cas où elles perdraient la vie avant de les voir. Ce fut le cas d’une femme, Theresa Parker, qui avait posé pour le peintre Joshua Reynolds avant de décéder en donnant naissance à une fille en 1775. Pareil pour la princesse Charlotte de Galles, fille du roi George IV d’Angleterre et héritière du trône, qui a perdu la vie en accouchant d’un garçon mort-né en 1817. Un artiste de l’époque, George Dawe, avait juste peint une robe verte de style russe qu’elle portait avant le drame pour cacher sa grossesse.

Cet éclairage de Mme Hearn amplifie la perception des chefs-d’œuvre proposés. Arrêt sur un dessin délicat signé Hans Holbein, (1527), qui trace le portrait de la fille du philosophe Thomas More, Cicely Heron, au regard lointain et au corps épanoui de femme enceinte. Plus loin, Marcus Gheeraerts a représenté dans Portrait of a Woman in Red (1620) une jeune femme resplendissante vêtue d’une robe rouge élaborée, les mains posées sur un ventre bien mis en relief.


Annie Leibovitz, le déclic

De 1560 à environ 1630, les portraits de femmes enceintes étaient chose courante, mais ils se sont faits plus rares au cours des siècles suivants, sans doute par souci d’une plus grande intimité. À la fin de l’ère victorienne, elles commencent à se sentir bien dans leur nouvelle peau épanouie et pleine de promesses. Le peintre Auguste John a fièrement fait le portrait, dans les années 20, de son épouse Ida, toute jeune et apparaissant heureuse de son état de future mère. Il faudra attendre l’avancée du XXe siècle pour que tombent les tabous et qu’apparaisse pleinement en art une approche plus franche des merveilles et des tribulations de la grossesse. Le célèbre peintre Lucien Freud a immortalisé son épouse Kitty, qui attendait leur enfant, dans une pause symbolique, une rose avec des épines sur son ventre. En 1984, la peintre britannique Ghislaine Howard a réalisé son autoportrait, se montrant dans la dernière phase de sa grossesse, assise fatiguée sur une chaise.

Cependant, le vrai grand tournant dans ce domaine a été effectué par la célèbre photographe Annie Leibovitz avec son portrait, en 1991, de l’actrice Demi Moore nue alors qu’elle était enceinte de sept mois. Ce cliché, par ailleurs sublime, avait fait la couverture du magazine Vanity Fair. Certaines librairies, choquées, avaient refusé de mettre la revue sur leurs rayons. « Néanmoins, rétorque un responsable du musée, c’était là un virage culturel qui a initié ce courant, cette célébration par l’art du nu féminin portant un enfant. » En témoigne l’initiative de la superstar Beyoncé qui a demandé à son photographe attitré, Awol Erizku, de lui imaginer un visuel suffisamment beau et fort qui puisse annoncer la bonne nouvelle. À travers l’objectif de l’artiste, la chanteuse, arborant un grand voile, apparaît agenouillée, auréolée d’un arrangement floral et caressant son ventre. Postée sur Instagram, la photo a été la plus likée de l’année 2017. La championne de tennis Serena Williams, elle, avait confié dans les médias les moindres détails de cette grossesse à très haut risque qu’elle a vécue en 2017. Une ode de plus dédiée sans réserve au corps d’une mère porteuse de son propre enfant.


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