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Monde - Interview express

Le Sahara à nouveau terrain de conflit entre Madrid et Rabat

Samir Bennis analyse le vote parlementaire marocain sur les eaux du territoire disputé.

Le Sahara occidental possède quelque 1 000 kilomètres de façade maritime. Fadel Senna/Archives AFP

Le Maroc a tenu une nouvelle fois à affirmer sa pleine souveraineté sur le Sahara occidental, un territoire disputé dont le statut n’est toujours pas défini par l’ONU. Le Parlement marocain a voté à l’unanimité – le mercredi 22 janvier – deux lois qui intègrent les eaux du Sahara occidental à son espace maritime. Une décision vite contestée par le Front Polisario, le mouvement politique et militaire qui réclame l’indépendance des Sahraouis, et l’Espagne (présente dans l’océan Atlantique au large de la côte du Sahara). Une motion proposée le vendredi 31 janvier par les partis Nueva Canarias, Podemos et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a exprimé le « rejet total » de la décision du Maroc.

D’abord colonie espagnole, puis annexé en 1975 par la Mauritanie et le Maroc, ce territoire désertique grand comme la moitié de la France est réputé pour ses riches ressources naturelles (phosphate, fer, cuivre, manganèse, titane et potentiellement du gaz et du pétrole). Mais son sol n’est pas le seul à susciter les convoitises, ses quelque 1 000 kilomètres de façade maritime lui valent d’être considéré comme l’une des eaux les plus poissonneuses au monde.

Samir Bennis, spécialiste de la politique étrangère marocaine et ancien conseiller politique auprès des Nations unies, analyse pour L’Orient-Le Jour le vote parlementaire du Maroc sur les eaux du Sahara.

Pourquoi le Parlement marocain vote-t-il ces lois maintenant ?

La mise à jour des lois marocaines sur les eaux du Sahara occidental était en réalité attendue depuis longtemps. Ces votes sur la nouvelle zone maritime du royaume, économique et exclusive (ZEE), relèvent d’une stratégie calculée de Rabat pour perturber le bon déroulement de la demande de l’Espagne à la CNUDM (Convention des Nations unies sur le droit de la mer). Le pays européen avait pour objectif d’établir via ses îles Canaries une zone maritime au-delà de 200 milles au large des côtes du Sahara occidental. Que le Maroc ait rejeté cette revendication et imposé cette semaine ses droits souverains sur la zone affaiblira sans doute la demande espagnole. Ces lois freinent l’ambition espagnole pour l’instant, et constituent une volonté marocaine de forcer Madrid à relancer les négociations sur les limites maritimes de chaque royaume.

Quelle a été la réaction des différents acteurs se disputant le Sahara occidental ?

Une chose est certaine, la décision du Parlement marocain n’est pas passée inaperçue en Espagne. Les partis politiques espagnols ont unanimement rejeté cette décision et appelé leur gouvernement à clarifier sa position sur la souveraineté des eaux du Sahara occidental. Adhérant à leur position intransigeante à l’égard du Maroc concernant la délimitation de sa zone maritime, les médias espagnols ont rapidement sonné l’alarme et averti sur une crise diplomatique imminente entre le Maroc et l’Espagne. Certains médias espagnols, comme le journal monarchiste et conservateur ABC, ont même accusé le Maroc de vouloir envahir les îles Canaries et empiéter sur la souveraineté de l’Espagne sur sa zone maritime.

Le Front Polisario quant à lui prend part au débat liant les deux royaumes et remet à l’ordre du jour l’exploitation – illégitime selon lui – des ressources naturelles du Sahara par le Maroc. Le mouvement indépendantiste a qualifié la décision marocaine d’acte « d’expansionnisme qui affecte la région ». Les revendications du Polisario n’auront à mon sens aucune incidence sur les négociations qui devraient avoir lieu entre Rabat et Madrid afin de trouver un terrain d’entente qui puisse satisfaire les intérêts des deux pays.

Ces lois laissent-elles craindre un regain de conflit en Afrique du Nord ?

Bien que certains médias espagnols aient tenté de dramatiser la situation entre les deux pays, nul doute qu’aucun des royaumes n’a intérêt à ce que leurs relations bilatérales soient affectées par ce dossier. Les deux pays ont besoin l’un de l’autre sur le plan économique, politique et sécuritaire. L’Espagne est devenue le premier partenaire économique du Maroc durant les cinq dernières années devant la France, avec une balance commerciale qui lui est toujours favorable. De plus, le Maroc joue un rôle primordial dans la mise en œuvre de la politique migratoire espagnole. De plus, le Maroc a bénéficié durant la dernière décennie d’un appui tacite de l’Espagne en ce qui concerne la question du Sahara.

Par ailleurs, suite aux verdicts de la Cour de justice européenne qui ont invalidé les accords de pêche et d’agriculture entre Rabat et Madrid sous prétexte que le Sahara n’est pas sous souveraineté marocaine, l’Espagne au même titre que la France ont fait pression afin que l’UE fasse appel des verdicts de la Cour afin d’inclure le Sahara dans le nouvel accord signé en juillet 2019.

Par conséquent, aucune des deux parties n’aura intérêt à ce que leurs relations bilatérales entrent dans une zone de turbulence à cause de la délimitation de leurs espaces maritimes respectifs. À défaut de parvenir à un règlement définitif de ce contentieux, Rabat et Madrid trouveront à plus forte raison un modus operandi qui leur permettra de le gérer dans un esprit d’entente et de coopération.

Le Maroc a tenu une nouvelle fois à affirmer sa pleine souveraineté sur le Sahara occidental, un territoire disputé dont le statut n’est toujours pas défini par l’ONU. Le Parlement marocain a voté à l’unanimité – le mercredi 22 janvier – deux lois qui intègrent les eaux du Sahara occidental à son espace maritime. Une décision vite contestée par le Front Polisario, le...

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