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Culture - Exposition

Sur les chemins intimes de la femme

Une quinzaine de photographies signées Rania Matar, aux cimaises de la spacieuse galerie d’art de l’AUB. Sous l’objectif de la caméra, la femme, de petite fille à femme adulte, aussi bien occidentale qu’orientale, dans son environnement. Témoignage et réflexion. Mais aussi éclat de beauté.

« Lea », Beyrouth, Liban, 2019, par Rania Matar.

Il s’agit là de la cinquième exposition solo de photographies à Beyrouth pour Rania Matar qui présente une quinzaine de photographies (1,50m x 1m) en couleurs aux cimaises de la spacieuse Galerie d’art de l’AUB à l’Ada Dodge Hall. Le compagnonnage et la complicité de la caméra avec elle ne datent pas, par conséquent, d’aujourd’hui. Et les amateurs du genre ainsi que les férus des flashs et clics de l’appareil qui fixe les instants éphémères connaissent l’importance de cette riche alliance et cette complicité du regard humain et de l’œil impassible de la caméra.

Rania Matar, qui a toujours eu un témoignage original, affectueux et éloquent sur l’univers féminin, ne déroge pas à son inspiration. Née libano-palestinienne, cette femme qui possède également la nationalité américaine est aussi mère et s’offre le plaisir, une fois de plus, de suivre le cheminement féminin, de la prime jeunesse à l’âge mûr en passant par l’adolescence. Résultat : un reportage en photos intimes intra muros, dans un coin de chambre, au bas d’un escalier intérieur, au bout d’un lit pour une rêverie ou un moment d’abandon, au bout d’un balcon aux murs décrépits, aux bras d’un fauteuil confortable dans un salon avec des peintures aux murs, en l’occurrence ici, la peinture de Leila Jureidini…

Matar donne ainsi à voir la vulnérabilité, la force, l’imperfection, l’universalité humaine, l’essence de la féminité, la texture, l’individualité, l’identité, la beauté… Bien plus qu’un hâtif « selfie » sur Instagram…

Elles s’appellent Siena, Charlotte, Lavinia, Alia, Maryam, Leila, Souraya, Léa, Stéphanie, Molly-Kate, Christina ou Aya. Ces femmes voilées ou aux cheveux libres, au visage lisse ou maquillé; aux tenues vestimentaires modernes, farfelues, sages ou dictées soit par une certaine convention sociale surtout orientale, soit par la tyrannie de la mode occidentale et son frénétique consumérisme, composent une joyeuse et curieuse ronde qui ne manque ni d’attrait et encore moins d’intérêt… Comme un grand livre ouvert sur la société, ses diktats, ses rigueurs, son laxisme, ses paradoxes, ses tentatives d’échappées belles, sa soumission, sa révolte.


Esthétique et éloquence
Ces images, d’une impeccable beauté esthétique (avec des allures parfois de véritables tableaux de peinture, où le souffle d’un artiste au pinceau semble avoir laissé son empreinte) ont une éloquence particulière et offrent une lecture sous-jacente ouverte. Elles révèlent l’ascendant de la société sur l’être tout aussi bien que l’interaction de la femme avec son environnement et sa lutte pour sa liberté, son identité, sa féminité, son parfum et son essence profondément féminins. Ongles laqués, bracelets aux poignets et aux pieds, jupes près du corps, cheveux sous écharpe, cheveux libres en boucles cascadant sur les épaules ou en rideaux lisses, lunettes sophistiquées sur le nez comme une star, en mode cool ou tirée à quatre épingles, tout cet attirail et ces accessoires sont le signe et les témoins de sa gestuelle lovée, sensuelle, distante, impliquée, détachée, libérée, libératoire…

Qu’elles soient dans un environnement oriental (Beyrouth, Jounieh, Khiyam, Rabieh, Bourj el-Brajneh, Batroun) ou outre-Alantique (Brooklyn, Allston dans le Massachusetts), ces filles d’Ève composent une ronde charmante, parfaitement panachée et aux décors révélateurs d’un mode de vie. Tel un kaléidoscope sur le parcours de la féminité.

Une œuvre autobiographique certes que cette exposition intitulée « An Image and Her Woman » (un titre donné par le curateur Rico Franses), confie l’artiste, inspirée par ses filles qui grandissent et se transforment de petites filles en belles jeunes femmes à travers le temps depuis 2009 jusqu’en 2019.

Les « shootings », ces séances où le modèle (ici toujours fruit du hasard des rencontres et du besoin de témoignage) et le photographe composent presque au pif une atmosphère, mènent en toute liberté et toute désinvolture le fil de l’inspiration. Et ces photographies sont nées de plusieurs projets concepts élaborés par l’artiste dans son cursus polymorphe.

Les reflets des êtres et les jeux de miroir dans cette galerie de personnages exclusivement féminins, qui se mettent en scène, par-delà leur simplicité, leur prosaïsme ou un grain d’audacieuse rêverie ou pose, interpellent.

Galerie d’art de l’AUB

« An Image and Her Woman » (Une image et sa femme), photographies de Rania Matar à l’Ada Dodge Hall jusqu’au 15 février 2020.


Pour mémoire
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