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Nos Lecteurs ont la Parole - Daniel RIBANT

Carlos Ghosn, mon premier libanais

J’ai fait la connaissance de Carlos Ghosn à Paris, un jour de septembre 1975. Nous nous inscrivions tous deux à Sciences Po. Je fus tout de suite séduit par son aisance naturelle, sa faconde, mais aussi sa simplicité. Je ne savais pas encore qu’il souhaitait fréquenter cette école pour compléter un emploi du temps jugé trop peu contraignant à l’École polytechnique ! Nous devînmes amis, tout au moins durant les trois ans de ma scolarité dans la capitale française.

Carlos était le premier Libanais que je rencontrais et je ne savais pas encore combien ma vie serait marquée par ce pays du Levant. Ses étudiants d’abord qui, fuyant la guerre « civile », rejoignaient les universités françaises et la Cité universitaire où je vivais ; ceux ensuite, collègues et clients, qu’il me fut donné de rencontrer durant plus de trente-huit ans au sein de la filiale belge d’une institution bancaire libanaise.

Je devins rapidement un intime de la famille Ghosn qui habitait un appartement du XIIIe. Entouré de sa mère et de deux de ses sœurs, Carlos était l’homme de la maison tant son autorité semblait naturelle. Il était surnommé le « petit baron », la plénitude du titre étant laissée à son père, Georges, qui visitait sa famille de temps à autre. Carlos pétillait d’intelligence, et sa capacité d’appréhender les situations était époustouflante. Il fallait le suivre et je compris très vite que mon premier Libanais appartenait à une autre galaxie.

À son invitation et dans l’enthousiasme de mes vingt-cinq ans, je me rendis à Beyrouth en septembre 1977. La ville était meurtrie par les combats, mais la présence d’une force arabe d’interposition maintenait un calme relatif. Carlos faisait un stage à Électricité du Liban. En dépit de la guerre, je fus une nouvelle fois accueilli comme un hôte de marque dans l’appartement familial d’Achrafieh. Évitant toute interprétation communautaire, Georges Ghosn mit un point d’honneur à me faire comprendre la complexité du conflit libanais. Et c’est en sa compagnie que je pus visiter un camp de réfugiés palestiniens. Cette ouverture d’esprit était aussi une marque de fabrique du clan Ghosn.

Une fois les études terminées, nos relations amicales se distancièrent naturellement. Carlos fut engagé chez Michelin et s’établit à Clermont-Ferrand. Il y fit ses premiers pas dans un monde taillé pour ses compétences et ses ambitions. De longues années plus tard, je repris contact avec lui. Sa secrétaire prit correctement le message et monsieur « Gone » (traduction « hexa-ghosn-ale » de son patronyme) me rappela sur-le-champ. Nous nous revîmes le temps d’un après-midi. Bien qu’appartenant déjà à ce « sixième continent » composé de la superélite mondiale, il me reçut avec chaleur et simplicité.

L’arrestation du président de Renault-Nissan et les accusations qui se déversaient au fil des révélations me furent naturellement pénibles. On ne s’attaquait pas seulement à un patron renommé, mais aussi et surtout à quelqu’un qui avait gagné mon estime. Mon premier Libanais était-il celui que la presse décrivait complaisamment comme ce personnage froid, autoritaire et cupide ? Partageait-il avec certains de ses compatriotes ce goût immodéré pour les richesses matérielles ? Était-il à ce point avide de reconnaissance, cette quête si souvent présente chez les déracinés ?

Carlos Ghosn a décidé de fuir la justice japonaise. Je peux comprendre ce choix audacieux au vu du traitement qui lui était réservé. Mais je suis surtout heureux qu’il puisse désormais nous révéler sa part de vérité et défendre son honneur. J’en attends beaucoup tant j’aimerais qu’il demeure ce premier Libanais qui fut mon ami.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

J’ai fait la connaissance de Carlos Ghosn à Paris, un jour de septembre 1975. Nous nous inscrivions tous deux à Sciences Po. Je fus tout de suite séduit par son aisance naturelle, sa faconde, mais aussi sa simplicité. Je ne savais pas encore qu’il souhaitait fréquenter cette école pour compléter un emploi du temps jugé trop peu contraignant à l’École polytechnique ! Nous devînmes...

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