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À La Une - Questions-Réponses

Nucléaire iranien : l'accord international ne tient plus qu'à un fil

L'Iran fait preuve d'une prudence stratégique en évitant de dénoncer frontalement ce texte qui lie le pays aux grandes puissances, laissant à tous les acteurs une ultime marge de manoeuvre dans un contexte régional explosif.

Les centrifuges IR-8 dans la centrale de Natanz en Iran, le 4 novembre 2019. Photo d'archives AFP / HO / ATOMIC ENERGY ORGANIZATION OF IRAN

L'accord sur le nucléaire iranien de 2015 est presque vidé de sa substance après que Téhéran a annoncé dimanche la levée de toute limite à son équipement en centrifugeuses, utilisées pour la production de combustible nucléaire. L'Iran a cependant fait preuve d'une prudence stratégique en évitant de dénoncer frontalement ce texte qui lie le pays aux grandes puissances, laissant à tous les acteurs une ultime marge de manoeuvre dans un contexte régional explosif, selon les analyses recueillies par l'AFP.


Quel effet immédiat de l'annonce ?

"C'est plutôt un soulagement, Téhéran reste dans la continuité" de ses précédentes annonces, a réagi auprès de l'AFP un diplomate bon connaisseur du dossier. L'Iran est "politiquement très prudent" car "il ne dit pas +nous quittons l'accord+", note l'expert Robert Kelley, un ancien directeur des inspections de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).

Après plusieurs mois durant lesquels la République islamique a pris une série de mesures de désengagement de l'accord signé à Vienne en 2015 pour garantir la nature pacifique de son programme nucléaire, la communauté internationale appréhendait la nouvelle annonce de ce pays. L'escalade des hostilités entre Téhéran et Washington, après l'assassinat du général iranien Kassem Soleimani, tué vendredi par une frappe aérienne américaine à Bagdad, a encore dramatisé l'enjeu.

La décision de lever toute restriction sur les centrifugeuses "est moins dure que celle redoutée sur le passage à un enrichissement de 20%", écrit sur twitter Ali Vaez, directeur du projet Iran à l'International Crisis Group.

En vertu de l'accord de 2015, l'Iran n'a le droit d'enrichir de l'uranium qu'à hauteur de 3,67%, bien en deçà des 90% requis pour fabriquer une bombe. En rétorsion au retrait des Etats-Unis de l'accord en 2018 et au rétablissement de sanctions économiques, le pays s'est affranchi de ce plafond et enrichit actuellement à 5%, niveau permettant d'alimenter les centrales pour la production d'électricité. Enrichir à 20% laisserait suspecter des visées militaires.

Autre point clé pour les défenseurs de l'accord de Vienne : Téhéran a réaffirmé dimanche poursuivre sa collaboration avec les inspecteurs de l'AIEA qui vont donc continuer d'avoir accès aux sites nucléaires du pays. "Le JCPOA (sigle de l'accord) est peut-être un zombie mais il n'est pas encore mort", selon Richard Johnson de l'ONG américaine Nuclear Threat Initiative (NTI).



(Lire aussi : Le Moyen-Orient post-Soleimani : 10 points pour comprendre les enjeux)



Des centrifugeuses, pour quoi faire ?

Les centrifugeuses sont indispensables à la production d'uranium enrichi. Après l'accord de Vienne, l'Iran avait réduit à 5.060 le nombre de ses centrifugeuses en activité (contre plus de 19.000 auparavant), s'engageant à ne pas dépasser ce nombre pendant dix ans. En septembre, le pays a revu ces dispositions en lançant, en nombre limité, sur son site nucléaire de Natanz des centrifugeuses de technologie avancée proscrites par l'accord. En novembre, il a relancé l'enrichissement dans les centrifugeuses de l'usine de Fordo.


Quelle dimension va donner Téhéran à ses installations après sa nouvelle annonce ?

"On va rentrer dans une période d'attente où l'on va voir ce que les opérateurs font sur le terrain", explique la source diplomatique, selon laquelle "c'est en fonction des éléments techniques que les Iraniens fourniront à l'AIEA qu'on pourra se faire une idée" du potentiel d'enrichissement.

Pour l'analyste Kelsey Davenport, de l'institut Arms Control, il faut voir "combien de centrifugeuses supplémentaires va installer l'Iran et combien vont être utilisées pour produire de l'uranium enrichi". L'assemblage des centrifugeuses en cascades -montées en séries, qui améliorent et accélèrent le processus d'enrichissement- sera aussi déterminant.



(Lire aussi : Pour ou contre Soleimani ? Telle n’est pas la question, le commentaire d'Anthony Samrani)



Pourquoi le temps presse ?

L'objectif de l'accord était de porter à au moins un an le temps nécessaire à l'Iran pour se doter de la bombe atomique si le pays en avait l'intention, ce qu'il a toujours nié. Le compte à rebours est virtuellement engagé depuis que l'Iran a lancé son plan de désengagement de l'accord et recommencé à accumuler de l'uranium enrichi au-delà la limite autorisée.

Après les multiples mesures de révision des contraintes prises par Téhéran, ce délai, connu sous le nom de "breakout time", est passé à un peu moins d'un an, selon l'analyste Kelsey Davenport. Si l'Iran passait à un taux d'enrichissement de 20% combiné à une augmentation significative de la capacité de ses centrifugeuses, il se réduirait encore.

"Il n'y a plus aucun obstacle entravant le programme nucléaire de la République islamique d'Iran sur le plan opérationnel", qu'il s'agisse de "la capacité à enrichir, du niveau d'enrichissement, de la quantité de matériau enrichi, ou de la recherche et développement", a déclaré Téhéran dimanche.

Le pays a de nouveau à souligné que ces mesures de désengagement sont réversibles si les sanctions américaines rétablies en 2018 sont levées. L'impasse diplomatique actuelle rend ce scénario peu probable, mais l'Iran "joue le jeu jusqu'à la toute, toute fin, de façon à dire +nous n'avons jamais quitté l'accord+", estime Robert Kelley. 



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