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Économie - Interview

« Résoudre la crise prendra du temps », estime Charles Arbid, président du CES

S’il soutient les revendications du mouvement de contestation contre les dirigeants politiques depuis plus de deux mois, le Conseil économique et social, dont la mission consiste à institutionnaliser le dialogue entre l’État et le secteur privé, garde un œil inquiet sur les conséquences de la crise économique et financière que traverse le pays. Contacté par « L’Orient-Le Jour », son président Charles Arbid fait le point sur la situation.

Le président du Conseil économique et social, Charles Arbid, estime que la transformation de l’économie libanaise « prendra du temps ». Photo DR

Les limites structurelles de l’économie libanaise ont éclaté au grand jour en 2019, après plusieurs années de croissance en demi-teinte. Considérez-vous que le point de non-retour a été atteint ?

Ça va effectivement mal à tous les niveaux. Pour les commerces de détail, par exemple, l’activité a reculé de 45 % en décembre par rapport à la même période en 2018, qui accusait déjà une baisse de 15 % comparée à décembre 2017. Or c’est généralement pendant cette période que les commerçants réalisent une importante partie de leur chiffre d’affaires annuel.

L’ensemble des filières du pays sont dans une situation similaire, obligées de jongler entre la baisse de l’activité et la crise de liquidités. Beaucoup d’acteurs ne sont plus en mesure d’honorer leurs engagements financiers. De plus, la situation au niveau du change (les restrictions sur la circulation du dollar et les transferts à l’étranger ont fait jusqu’à présent grimper le cours du dollar dans les bureaux de change de 40 % par rapport au taux officiel, NDLR) pénalise aussi les secteurs productifs qui doivent importer des matières premières pour continuer de travailler. Par conséquent, de nombreuses entreprises seront contraintes de réduire leur voilure dès janvier – quand elles ne l’ont pas déjà fait – soit en licenciant une partie de leurs effectifs, soit en baissant les salaires et les horaires de leurs employés.

C’est malheureusement la nouvelle donne et je ne vois pas de possibilité de retour en arrière.

Une sortie de crise à court terme est-elle encore envisageable ?

Je ne pense pas. L’économie du pays doit se transformer en profondeur et cela va prendre du temps. D’autres pays qui ont subi des crises similaires (la Grèce ou Chypre, par exemple, NDLR) ont en général mis entre trois et cinq ans pour se redresser. Le Liban a longtemps vécu au-dessus de ses moyens et la dégradation de la situation va naturellement affecter les habitudes de consommation et le confort de vie des Libanais. Dans les mois qui viennent, 30 à 40 % des produits vendus dans le pays auront sans doute disparu des étals.

La crise actuelle doit désormais être l’occasion pour les acteurs de l’économie libanaise de s’engager dans la bonne direction, en encourageant l’innovation, en modifiant les habitudes de consommation et en développant très vite l’industrie agroalimentaire pour assurer l’essentiel de nos besoins dans ce domaine.

Une autre priorité consistera à sauvegarder autant que possible les entreprises et les emplois existants en attendant la mise en place d’alternatives viables, pour éviter que la crise économique et financière ne prenne un tournant dramatique, avec une explosion de la pauvreté qui peut menacer la paix sociale.



(Lire aussi : Comment les Libanais comptent-ils passer la Saint-Sylvestre cette année ?)



Mais comment amorcer cette période de transition sereinement alors que le secteur bancaire, lui-même en difficulté, ne semble pas en mesure de financer l’économie, comme en témoigne sa réticence à accorder de nouveaux crédits au secteur privé ou à transférer de l’argent à l’étranger ?

Les banques doivent comprendre qu’elles doivent être flexibles et privilégier le dialogue avec leurs clients en difficulté, notamment les PME. D’un autre côté, il faut aussi trouver des moyens alternatifs pour assurer, ou du moins faciliter, le financement des importations. C’est dans cet optique que le CES a entamé des discussions avec des représentants d’une partie des pays où sont basés les principaux fournisseurs des entreprises libanaises.

L’objectif est de créer des fonds de soutien qui permettraient de garantir le financement d’une partie des importations du pays malgré les restrictions bancaires. Ces fonds pourraient par exemple, sous certaines conditions, régler eux-mêmes la facture d’un fournisseur étranger dans les délais habituels, soit trois mois suivant la livraison des marchandises, pour ensuite être remboursé par la société qui a passé la commande au Liban. Pour l’heure, aucune décision ferme n’a encore été prise.

En novembre, le CES a affirmé avoir pris contact avec des représentants du mouvement de contestation afin de définir une feuille de route rassemblant des initiatives concrètes, répondant aussi bien aux revendications des manifestations qu’à l’impératif de préservation des instituons de l’État. Où en est cette initiative ?

La feuille de route a été publiée un mois après le début des manifestations et liste les revendications par ordre de priorité. Cela commence par demander la formation rapide d’un nouveau gouvernement (le nouveau Premier ministre, Hassan Diab, a été désigné le 19 décembre, NDLR), ainsi que l’organisation de législatives anticipées sous le couvert d’une nouvelle loi électorale plus juste, pour ensuite intégrer la levée du secret bancaire pour les responsables politiques et leurs familles, la lutte contre la corruption et le clientélisme, entre autres. Le texte comprend enfin un volet social, qui préconise la création d’une politique de logement équilibrée, et la mise en place d’une assurance-maladie qui couvre tous les Libanais.

En participant à l’élaboration de cette feuille de route, le CES souhaite affirmer son rôle de trait d’union entre la société civile et les institutions. Il revient maintenant au nouvel exécutif de décider ou non de la mettre en œuvre lorsqu’il sera formé.



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commentaires (3)

QUAND ON VEUT FAIRE UNE SOI-DISANT RÉVOLUTION, IL FAUT Y PENSER À DEUX FOIS : IL FAUT AVOIR À L'ESPRIT QU'UNE RÉVOLUTION DOIT EN GÉNÉRAL SACRIFIER DEUX GÉNÉRATIONS .... ET EN PLUS IL FAUT ÊTRE PRÊTS À LE FAIRE ET PERSÉVÉRER , MALGRÉ LES DÉSASTRES OÙ CELA NOUS MÈNE . UNE RÉVOLUTION EST EN ELLE-MÊME UNE VÉRITABLE CATASTROPHE !

Chucri Abboud

13 h 10, le 30 décembre 2019

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Commentaires (3)

  • QUAND ON VEUT FAIRE UNE SOI-DISANT RÉVOLUTION, IL FAUT Y PENSER À DEUX FOIS : IL FAUT AVOIR À L'ESPRIT QU'UNE RÉVOLUTION DOIT EN GÉNÉRAL SACRIFIER DEUX GÉNÉRATIONS .... ET EN PLUS IL FAUT ÊTRE PRÊTS À LE FAIRE ET PERSÉVÉRER , MALGRÉ LES DÉSASTRES OÙ CELA NOUS MÈNE . UNE RÉVOLUTION EST EN ELLE-MÊME UNE VÉRITABLE CATASTROPHE !

    Chucri Abboud

    13 h 10, le 30 décembre 2019

  • Les crises récentes on été déclenchées soit à cause d'un régime de taux de change fixe (Asie, 1997), ou d'une crise du secteur bancaire (USA, 2008) ou d'une accumulation de dette (Grèce, 2009). Le Liban souffre des trois maux, actuellement.

    Khalil S.

    07 h 33, le 30 décembre 2019

  • J,AI PEUR QU,IL AIT RAISON CAR ON EST HABITUE PAR DE TELS SCENARIOS DES BOYCOTTEURS HABITUELS. LE CHEF ET LE GENDRE A LA TETE DES AUTRES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 16, le 30 décembre 2019

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