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Moyen Orient et Monde - Interview express

« Si vous voulez que tout le monde gagne, il faudra dépenser plus d’argent »

« L’Orient-Le Jour » a interrogé Jean-François Amadieu, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Le Premier ministre français Édouard Philippe arrivant pour une réunion avec des représentants des syndicats à l’hôtel de Matignon, à Paris, le 19 décembre 2019. Martin Bureau/AFP

C’est l’une des questions les plus sensibles au sein de la société française : celle des retraites. Quarante-deux régimes différents de retraite existent actuellement dans l’Hexagone. Face à la volonté du gouvernement français de vouloir les réformer, en les convergeant vers un système « universel » – une promesse électorale d’Emmanuel Macron –, syndicats et travailleurs tapent du poing sur la table.

Depuis deux semaines, une intense mobilisation contre ce projet fait rage à travers toute la France. Le secteur des transports publics, notamment en région parisienne, est en paralysie quasi totale, donnant lieu à des heurts et à de gigantesques embouteillages. Les secteurs du commerce et du tourisme, qui sont entrés dans une période stratégique pour leur chiffre d’affaires à l’occasion des fêtes de fin d’année, sont affectés par cette grève. Face à cette situation, tant le gouvernement que les partenaires sociaux peinent à trouver une issue.Le point avec Jean-François Amadieu, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.



(Lire aussi : Macron et les syndicats, deux ans d'histoire très tourmentée)



Pourquoi la question de la retraite est-elle une question aussi sensible en France ? L’est-elle plus que dans d’autres pays en Europe ?

Lorsqu’on parle du système actuel de retraite en France, on en évoque souvent l’origine et le contexte dans lequel il est apparu, à savoir la fin de l’occupation nazie. Qu’il s’agisse d’assurance maladie, d’assurance chômage ou de retraite, la France a développé un système protecteur par « répartition », auquel les Français sont particulièrement attachés et qu’ils refusent de voir remis en cause. L’État joue un rôle central dans l’existence de ce système, même si les partenaires sociaux ont beaucoup œuvré pour sa mise en œuvre. Et si vous regardez dans d’autres pays, comme par exemple la Grande-Bretagne dans le cas de l’Europe, ils n’ont pas ce genre de système.

On dit souvent que la France a l’un des meilleurs systèmes de retraite du monde. Cela est-il vrai ? Y a-t-il des failles ? La réforme du gouvernement peut-elle l’améliorer ?

Notre système de retraite a beaucoup évolué, notamment à partir de 2003. On a retardé l’âge de départ et le nombre d’années de cotisation nécessaires. En comparaison avec d’autres pays, les Français partent généralement plus tôt à la retraite et avec des pensions en moyenne plus élevées. Cela vaut aussi pour le système d’indemnisation chômage.Il y a néanmoins incontestablement des failles et un certain nombre de points sur lesquels il y a des insuffisances. Il est en effet très inégal, notamment en raison des « régimes spéciaux », à savoir des catégories de Français traités différemment que d’autres, et c’est par exemple le cas des professions libérales, commerçantes, les agriculteurs, etc.

L’objectif majeur de la réforme du gouvernement est justement d’éviter les disparités de situation. Cela peut marcher, mais le problème c’est que pour améliorer la situation d’une certaine catégorie de Français, soit vous le faites au détriment d’autres catégories – ce qui implique qu’il y ait des perdants dans le système –, soit vous trouvez des financements pour un système de retraite égalitaire, sans qu’il y ait de perdants. On sait d’ailleurs qu’il va falloir investir pour rendre possible ce système universel que le gouvernement veut mettre en place. Si vous voulez que tout le monde y gagne, il faudra dépenser plus d’argent pendant des années pour les retraites.

Est-ce qu’Emmanuel Macron peut gagner son pari, à savoir mener une réforme des retraites qui plaise suffisamment à son électorat de droite sans pour autant perdre celui de centre-gauche ?

C’est la grande question. Pour le moment, ce qu’il a fait consolide son socle de droite, on le voit dans tous les sondages. Il a très largement perdu son socle d’électeurs de centre-gauche, depuis quelque temps déjà, donc ce n’est pas son objectif actuellement. Il est tout à fait possible pour lui de donner satisfaction à l’électorat de droite en expliquant qu’il a tenu ferme et qu’il ne renoncera pas à mettre en place son projet ; mais il fera dans le même temps des concessions – par exemple sur l’âge de départ à la retraite –, ce qui plaira à celui de centre-gauche. Ces concessions ne se verront pas forcément, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en 2007 avec la SNCF. L’idée est la suivante : vous faites une réforme, il y a des grèves, vous donnez l’impression de vouloir aller jusqu’au bout de ce que vous dites et après vous dépensez beaucoup d’argent pour faire passer la pilule. On se dirige vers ce même scénario avec la réforme de cette année.



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commentaires (2)

ET D,OU VIENDRAIT CETTE MANNE DONT VOUS PARLEZ ? LES CHOSES AVEC UN GOUVERNEMENT NOMME PAR LES MILICES ET LEUR PARAVENT CPL IRONT DE CHARYBDE EN SCYLLA.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 39, le 20 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • ET D,OU VIENDRAIT CETTE MANNE DONT VOUS PARLEZ ? LES CHOSES AVEC UN GOUVERNEMENT NOMME PAR LES MILICES ET LEUR PARAVENT CPL IRONT DE CHARYBDE EN SCYLLA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 39, le 20 décembre 2019

  • L'interview ne précise pas que les "régimes spéciaux" ne concernent que le secteur publique (fonctionnaires, transports publics, EDF, élus, etc.). Ce même secteur publique qui travaille 35 heures par semaine, bénéficie de la sécurité de l'emploi à vie, de 4 à 5 semaines de vacances annuelles... Si le secteur privé bénéficiait des mêmes conditions la France serait en faillite depuis longtemps.

    KAHIL Mirwan

    08 h 23, le 20 décembre 2019

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