Vous avez exprimé samedi votre appui à une nomination de Nawaf Salam, juge à la Cour internationale de justice. Après le choix de Saad Hariri par Dar el-Fatwa, maintenez-vous votre propre choix ?
Je ne cherche pas à remettre en cause le poids de Saad Hariri dans la communauté sunnite, d’autant qu’il a été confirmé dans les urnes lors des législatives de mai 2018. Pour mesurer ce poids, il n’y avait pas besoin de brûler des noms de candidats tout au long des 55 jours de révolte, ni d’ailleurs que le mufti de la République annonce dimanche le consensus en faveur de sa désignation. Mon choix de Nawaf Salam n’est pas lié à une question de représentativité, mais à une conviction sur la nature que devrait avoir le gouvernement. Or la nomination de M. Hariri à la tête du cabinet sur base des équilibres confessionnels ne peut aboutir qu’à la formation d’un gouvernement techno-politique qui, répercuté par le choix des forces politiques, ne sera au final qu’une réplique à peine améliorée du gouvernement actuel. Les tractations entre ces diverses forces qui cherchent chacune à renforcer ses positions occultent les exigences de la rue et se placent malheureusement dans le cadre classique du système. Même si elles aboutissent à un accord politique, le gouvernement qui en émergera risque d’être très fragile et de ne pas survivre. J’ai donc choisi d’appuyer le profil d’un homme qui, tout en étant dans la mouvance du courant du Futur et satisfaisant ainsi les équilibres communautaires, ouvrirait la voie à la formation d’un gouvernement de spécialistes non partisans.
(Lire aussi: Naufrageurs dans la tempête, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Pourquoi êtes-vous en faveur d’un gouvernement de spécialistes ?
Le seul moyen de sortir de la crise politique, financière et socio-économique est de mettre sur pied un gouvernement non partisan, appuyé dans le même temps par la rue et les forces politiques. C’est-à-dire un cabinet formé de spécialistes qui, sans être partisans, respecteront les équilibres nationaux. Si une telle solution n’est pas adoptée, on risque d’aboutir à une instabilité chronique, voire au chaos.
Un gouvernement entièrement formé de spécialistes serait le seul à même de concilier trois logiques indispensables pour la réussite de l’action gouvernementale : réconcilier les Libanais avec les institutions constitutionnelles; restaurer la confiance de la diaspora, des marchés internationaux financiers et de la communauté internationale ; et bénéficier après l’approbation de la rue d’un soutien des différents courants politiques, en vue d’obtenir la confiance du Parlement. C’est pour la satisfaction de cette dernière condition que j’œuvre personnellement à convaincre les forces politiques de s’orienter vers un gouvernement de technocrates non partisans.
Votre position sur la forme du gouvernement diverge avec celle du groupe parlementaire du Liban fort auquel vous êtes affilié et qui, lui, insiste pour un gouvernement techno-politique. Comment conciliez-vous votre présence au sein de ce groupe avec l’écart de vos points de vue sur ce dossier et bien d’autres ?
Mon alliance avec le Courant patriotique libre (CPL) est faite sur base du respect de l’indépendance de chacune des deux parties et de la divergence de leurs points de vue. J’ai toujours fondé mon action et mes positions politiques sur mes valeurs et constantes nationales, n’ayant pas attendu la révolte du 17 octobre pour rester intransigeant quant à mes convictions sur des questions comme la souveraineté de l’État, les armes du Hezbollah, la lutte contre la corruption et la défense des libertés. De même, lorsque j’ai accédé à l’hémicycle, je n’ai pas voté par exemple pour Nabih Berry et Élie Ferzli à la présidence et la vice-présidence du Parlement, et ce contrairement au groupe du Liban fort. À ceux qui se demandent pourquoi je n’ai pas démissionné de ce bloc, je réponds que je ne veux ni faire de la surenchère populiste ni me présenter en héros du jour, d’autant que même mes opposants les plus farouches n’ont jamais pu m’accuser de participer de près ou de loin à la corruption.
Je veux surtout assumer mes responsabilités en exerçant une pression auprès des forces politiques pour que les demandes de la rue soient concrétisées et traduites en réformes, telle la mise sur pied d’un gouvernement de spécialistes, l’élaboration de lois anticorruption et d’autres réformes structurelles.
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commentaires (11)
En gros : alliance avec le CPL = mercenaires de L’Iran Quittez l alliance CPL et on en rediscutera de vos belles paroles
Jack Gardner
13 h 03, le 11 décembre 2019