La communauté "Mission de vie" et l’Église maronite ont répondu dimanche aux accusations de trafic d'enfants et d'agressions sexuelles sur mineurs, sur fond de polémique judiciaire après l'arrestation vendredi soir de deux religieuses appartenant à cette communauté.
Tout avait commencé avec la diffusion sur Internet d'informations accusant la communauté de vendre des enfants dont elle s'occupe et de couvrir des accusations de harcèlement et de violences sexuelles envers ces enfants. Suivant cette affaire, une décision a été prise par la juge en charge des mineurs de Baabda, Joëlle Abou Haïdar, de transférer 12 jeunes "dont la vie est en danger" vers une autre association, par le biais d'une intervention des forces de sécurité. Dix d'entre eux ont été remis aux autorités mais les deux enfants restants, des nourrissons, ne se trouvaient pas dans l'établissement. L'avocate générale près la cour d'appel du Mont-Liban, Nazek Khatib, a alors émis un mandat d'arrêt contre la présidente de l'association et une autre religieuse, pour avoir enfreint la décision de justice de remettre tous les enfants aux autorités. Les deux religieuses ont ensuite été libérées samedi matin.
"Nous sommes en faveur de la vérité, mais il est inacceptable que des informations non confirmées circulent dans les médias, a affirmé le vicaire patriarcal maronite chargé des affaires juridiques, Mgr Hanna Alwan, lors d'une conférence de presse au siège de "Mission de vie" à Antélias dans le Metn.
"L’Église ne protège personne. Les agressions sexuelles sont l'un des crimes que l’Église combat le plus. L’Église a puni, punit et punira tous les crimes contre l'humanité", a ajouté Mgr Alwan, précisant qu'une commission d'enquête ecclésiastique avait été créée pour enquêter sur cette affaire, avant de parler de la justice.
"Si la justice est intègre, alors l’État va très bien. Mais si la justice est corrompue, alors elle contribue à installer la corruption au sein de la société. Je tiens à saluer les juges, dont la plupart sont intègres, mais lorsque des pressions sont exercées, nous entrons dans ce que l'on peut appeler la corruption judiciaire", a déclaré le vicaire.
Le fondateur de "Mission de vie", le père Wissam Maalouf, a ensuite pris la parole, se disant pour une "justice intègre" et une "enquête juste et transparente". Concernant les accusations de trafic d'enfants, il a affirmé que la communauté "œuvre gratuitement au service des gens", ajoutant que "la décision de justice ne fait aucune mention d'un versement d'argent". "Ce dossier est vide. Toute cette histoire vient du fait qu'une juge a obligé la communauté à remettre les enfants sans qu'aucune enquête n'ait été conduite", a-t-il ajouté.
Cette affaire a fait grand bruit, notamment dans les milieux judiciaires, où différentes figures semblent se faire face dans ce dossier, les uns estimant que l'arrestation des deux religieuses n'était pas justifiée, les autres dénonçant une "mafia de trafic de mineurs" et étant convaincus de l'importance de rendre justice. Certaines voix se sont élevées sur les réseaux sociaux pour dénoncer l'arrestation des deux religieuses, qui auraient été libérées suite à une intervention de la procureure Ghada Aoun.
Le père Maalouf est revenu sur les accusations de violence sur mineurs, notamment contre un chauffeur de bus et une éducatrice. "Le chauffeur de bus qui a frappé un enfant a été convoqué le jour même de l'incident, et l'éducatrice en question a été renvoyée car nous sommes opposés à l'éducation par la violence", a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le fondateur de la communauté a répondu aux accusations selon lesquelles "Mission de vie" donnerait aux enfants de la nourriture avariée. "En réalité, il s'agissait d'une bouteille de ketchup avariée. Qui peut croire que nous servons de la nourriture avariée alors qu'aucun des enfants ne s'est plaint de cela ?", a-t-il déclaré.
Concernant les accusations de projection de films pornographiques, le père Wissam Maalouf, a expliqué qu'un homme avait utilisé le smartphone d'un mineur dont s'occupe la communauté pour regarder ce genre de film".
Raï : "Une campagne orchestrée"
Le patriarche maronite Béchara Raï avait réagi samedi soir à cette affaire, affirmant que "tout ce qui est dit sur les réseaux sociaux se résume à des informations fabriquées qui sont le résultat de disputes entre juges civils". Il a assuré que "toutes les adoptions au sein de la mission se font en vertu des lois de l’Église". "Sans le sit-in qui a eu lieu, les deux religieuses seraient encore en détention", a estimé le prélat maronite.
Il a ajouté que "ce qui s'est passé s'inscrit dans le cadre d'une campagne orchestrée contre l’Église, à travers une personne payée pour cela". "L’Église vit aujourd'hui une persécution", a-t-il poursuivi. "Il est inacceptable que la justice civile s'attaque aux prérogatives de la justice religieuse reconnue par l’État", a conclu Mgr Raï.
Pour sa part, le bureau de l'Unicef au Liban a affirmé sur les réseaux sociaux que "le trafic d'enfants est inacceptable". "Nous suivons avec inquiétude les informations faisant état de maltraitance et de trafic d'enfants au Liban et appelons toutes les organisations locales et autorités nationales à protéger tous les enfants, tout le temps", a-t-il ajouté.
commentaires (5)
En tant que tel, Mission de Vie est absolument au-dessus de tout soupçon. Maintenant, bien sûr il peut y avoir des brebis galeuses, il y en a partout. Les accusations qui sont mentionnées ici sont risibles. Il y en a certainement d'autres pour que cette opération ait été déclenchée. On aimerait savoir lesquelles.
Yves Prevost
17 h 25, le 08 décembre 2019