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Nos Lecteurs ont la Parole - par Dr Huguette ABS ABOU-MRAD

Fantômes de la guerre... Allez-vous en !

Combien de journées depuis le début du soulèvement ? Je n’ose plus compter. Toujours rien à l’horizon !

Des journées qui s’égrènent dans une vie fade, celle qui « ressemble à ces soldats sans armes, qu’on avait habillés pour un autre destin » au tournant duquel la boussole a fait défaut. Longues, lourdes, arrogantes. Dès qu’elles furent teintées de sang ce maudit soir du meurtre, ces horribles instants ont arrêté le temps. Flash-back immédiat vers des années sombres, que l’inconscient n’arrive pas à digérer, que la catharsis proposée par le grand film libanais al-Bosta n’arrive pas à apaiser. Il a fallu voir un homme ensanglanté, tué comme un « quelconque », inerte au bord de la route comme un moins que rien, il a fallu entendre les lamentations de son enfant pour que l’ancien scénario – « atrocité chaque jour augmentée » – vienne défiler dans notre présent, raccommodé, mais précaire encore. Excusez ces appréhensions propres à la génération de la guerre. Elles nous ont marqué comme au fer. La cicatrice se cache dans les profondeurs de l’identité libanaise. Celle du peuple debout. Debout et debout. Et encore debout. Mais qui n’a pas oublié.

Arracher ces souvenirs-cauchemars, c’est comme se mutiler d’un membre atrophié. Cela fait mal et soulage à la fois. Oser le faire relève du commando. Et combien l’avons-nous essayé ! Entre-temps, notre quotidien se résume de la sorte : « Malbrough s’en va-t-en guerre ; Madame à sa tour monte, si haut qu’elle peut monter. » Y voit-elle quelque chose ? Que peut voir Madame dans sa tour d’ivoire? Que peut noter cette recluse qui ne se mêle point aux communs des mortels ? Que peut-elle remarquer du haut de son introversion fatale? Et le reste peut mourir lentement en attendant. D’amour ou de haine. Qui s’en soucie vraiment? Le trophée de rareté est accordé à celui qui ose prétendre se soucier du « peuple libanais », longtemps traité comme populace.

Et puis après, ne sommes-nous pas en quelque sorte fautifs ? N’avons-nous pas laissé les choses se faire avec cette manie de l’habituel « advienne que pourra » ? Confinés dans notre confessionnalisme étroit, zone de confort contre la peur, qu’avons-nous préparé pour les générations futures ? Quelles valeurs citoyennes avons-nous montrées ? Quelle détermination patriotique avons-nous nourrie ? Une introspection sincère nous sauvera. Ou la détérioration...

Le sursaut d’octobre nous guette, il nous demandera des comptes ; que lui dire ? Que nous ne savons plus qui nous sommes ni où partir, encore moins à qui et à quoi appartenir ? En ce temps de difficulté miné par un séparatisme politico-social entre applaudisseurs et critiques, j’ose encore rêver d’un peuple qui répondra à la question « et maintenant on va où ? » (Cf. Nadine Labaki) : nous irons… ensemble… redessiner le phénix !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Combien de journées depuis le début du soulèvement ? Je n’ose plus compter. Toujours rien à l’horizon ! Des journées qui s’égrènent dans une vie fade, celle qui « ressemble à ces soldats sans armes, qu’on avait habillés pour un autre destin » au tournant duquel la boussole a fait défaut. Longues, lourdes, arrogantes. Dès qu’elles furent teintées de sang ce maudit...

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