La jeune Libanaise Dana Hammoud, qui avait été arrêtée vendredi après une altercation avec la police lors d'une manifestation devant une station-essence à Hamra et qui avait reçu le soutien de dizaines de Libanais de différentes régions du pays, a été relâchée ce matin du poste de police de la rue Baydoun à Achrafieh.
"Je vous remercie tout un chacun parce que vous vous êtes mobilisé en ma faveur. Nous formons tous une seule famille", a lancé la femme de 24 ans, portée sur les épaules de ses proches. "J'ai dû signer un engagement écrit dans lequel je promets de ne plus m'en prendre aux forces de l'ordre. Je leur ai dit que je respecterai les policiers qui me respectent", a expliqué Dana Hammoud. "Je n'ai agressé personne, mais je me défendrai contre quiconque m'agresse.", a-t-elle lancé, sur un ton défiant. "Révolutionnaires, libres, nous poursuivons le combat !", a scandé la jeune femme, en choeur avec ses proches.
Réagissant à cette affaire, la ministre sortante de l'Intérieur, Raya el-Hassan, a tenté d'exprimer une position conciliante. "Je m'adresse aux jeunes pour leur dire que je comprends leur colère. Mais je souhaite qu'ils se montrent compréhensifs envers la pression à laquelle sont soumises les Forces de sécurité. Au final, l'agent des FSI s'inquiète autant pour sa famille. Sa dignité et la vôtre sont liées. De même que son prestige et celui de l’État. S'il a commis une erreur, c'est la justice qui le jugera", a écrit M. Hassan sur Twitter.
Dana Hammoud, qui manifeste régulièrement depuis le début de la révolte populaire le 17 octobre contre la classe politique, participait à un sit-in devant une station-service proche du siège de la Banque du Liban à Hamra, lorsqu'elle a été arrêtée vendredi dans l’après-midi suite à une altercation avec un agent des Forces de sécurité intérieure. Selon l’avocat Ayman Raad, membre du Comité d’avocats de défense des manifestants, dépêché pour prendre la défense de Mme Hammoud, l’altercation entre les deux parties a débuté lorsque la voiture des FSI a coupé la queue pour remplir de l’essence. En faisant marche arrière, la voiture des FSI a cogné une moto qui s’est renversée. Dana Hammoud a alors apostrophé le policier, qui lui a lancé des insultes. Cette dernière s’est certes énervée, mais, toujours selon l’avocat, l’agent des forces de l’ordre l’avait insultée en premier. C’est alors qu’a eu lieu l’altercation et l’arrestation de la jeune femme, qui a d’abord été emmenée au poste de gendarmerie de Minet-el Hosn puis transférée à la caserne Hélou dans une voiture blindée, et puis vers le poste de police dans la rue Baydoun, à Achrafieh.
Les Forces de sécurité intérieure ont publié pour leur part un communiqué donnant leur version des faits. "Une altercation a eu lieu le 29 novembre entre la citoyenne D. H. et une patrouille de la polie de Beyrouth, durant laquelle la jeune femme, en colère, a lancé des insultes et obstrué le passage de la patrouille, en s'interposant face au véhicule de police et en donnant des coups contre la voiture, ce qui a provoqué l'intervention d'un lieutenant pour mettre un terme à cette altercation et calmer la jeune femme. Mais celle-ci l'a agressé lorsqu'on a tenté de la repousser. Elle a été arrêtée sur ordre de la justice et après avoir été interrogée".
La famille de Dana était venue dès hier soir devant la gendarmerie de la rue Baydoun pour réclamer la libération de la jeune femme. "Depuis hier je faisais le tour des gendarmeries à la recherche de ma fille", raconte Samia Abdallah, la mère de Dana Hammoud, à L'Orient-Le Jour. "J'ai attendu et attendu. On me promettait à chaque fois que j'allais voir ma fille. J'avais finalement été autorisée à la voir, mais sans lui parler, à la caserne Hélou, dans le quartier de Mar Elias. Elle a ensuite été emmenée à la gendarmerie de Baydoun, qui n'est pas équipée pour accueillir les femmes", poursuit Samia Abdallah. La mère affirme que sa fille n'a pas subi de mauvais traitements, mais qu'elle a été interdite de voir ses avocats, qui eux, ont dénoncé un "kidnapping".
Dès hier, de nombreux Libanais en colère se sont mobilisé devant les centres de détention, réclamant la libération de Dana Hammoud. Des fermetures de routes dans plusieurs localités de la Békaa, notamment Taalbaya, Saadnayel et Majdal Anjar, ont également eu lieu dans la nuit, en soutien à la jeune femme, selon notre correspondante sur place, Sarah Abdallah.
Lorsqu'une jeune femme est projetée à terre par une brute épaisse en uniforme une seule conclusion s'impose: La mauvaise éducation des chefs se manifeste dans le comportement de leurs subordonnés. Il est très regrettable qu'une certaine frange de notre population continue à trouver des justifications à la brutalité du personnel policier dans des incidents de ce genre.
15 h 49, le 30 novembre 2019