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Moyen Orient et Monde - Répression

Virulente attaque des autorités contre « Mada Masr », média égyptien indépendant

Les forces de sécurité ont perquisitionné les locaux du site d’information en ligne après avoir arrêté un des journalistes.

Des policiers égyptiens ont perquisitionné, dimanche, les locaux du média indépendant égyptien, Mada Masr. Archives AFP

Les autorités égyptiennes tentent une nouvelle fois de bâillonner la presse. Quatre journalistes du média indépendant Mada Masr ont été libérés dimanche soir après avoir été interpellés lors d’une perquisition de leurs locaux en début d’après-midi. Cette intervention a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, de nombreuses voix dénonçant la répression de « l’un des derniers symboles du journalisme indépendant en Égypte ».

Cette intervention musclée est intervenue au lendemain de l’arrestation, samedi matin, de Chady Zalat, un journaliste senior qui a rejoint la rédaction en 2014.Depuis l’arrivée au pouvoir de Abdel Fattah al-Sissi en 2014, une vague de répression s’est abattue sur les journalistes, les dissidents et les militants prodémocratie égyptiens. Mada Masr est connu pour ses enquêtes sur la corruption et les questions sécuritaires publiées en arabe et en anglais, ce qui le place dans le collimateur du gouvernement. Le média en ligne couvre notamment la révolution qui secoue le Liban depuis le 17 octobre. La semaine dernière, le site a publié un article selon lequel le fils du président égyptien, Mahmoud, avait été transféré à Moscou pour occuper un poste diplomatique. Sa réaffectation interviendrait après des critiques internes au sein de l’appareil sécuritaire, selon l’article qui cite des responsables émiratis et égyptiens sous couvert d’anonymat, et divulgue des détails sur les agences de sécurité du pays, à un moment où la liberté de la presse en Égypte est menacée. Une publication de trop pour les autorités ?



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Vers 13h30 dimanche, des policiers en civil ont effectué une descente dans les locaux de Mada Masr au Caire, ont détenu quelques heures les employés et confisqué brièvement leurs ordinateurs et téléphones portables. « On ne sait pas combien de personnes étaient présentes, mais une réunion était prévue avec l’ensemble du personnel. Certains ont fui quand ils ont réalisé qu’un raid avait lieu », affirme à L’Orient-Le Jour un journaliste de Mada Masr s’exprimant depuis l’étranger. Leur avocat, Mahmoud Osman, a été empêché d’entrer dans les lieux. Deux journalistes étrangers, un Américain, Ian Louie, et une Britannique, Emma Scolding, tous deux employés à Mada Masr, ainsi que deux autres reporters de France 24, venus interviewer la rédactrice en chef Lina Atallah sur l’arrestation de Chady Zalat, la veille, ont été interrogés. Des représentants de l’ambassade de France ont d’abord été empêchés d’entrer sur les lieux avant de repartir avec les deux correspondants de France 24. « Les policiers se trouvaient déjà dans les locaux lorsque nous sommes arrivés », a expliqué à l’AFP Éric de Lavarene, l’un des deux journalistes français travaillant pour France 24. « Nous avons demandé pourquoi on nous retenait, mais personne n’a répondu », a-t-il ajouté, précisant avoir eu le temps d’appeler l’ambassade de France. Les deux autres journalistes étrangers ont été relâchés. Après plus de trois heures de perquisition, la rédactrice en chef du média, Lina Atallah, ainsi que deux journalistes, Mohammad Hamama et Rana Mamdouh, ont « été emmenés au poste de police Dokki à Gizeh », confirme Mada Masr à L’Orient-Le Jour, avant d’être libérés.



(Lire aussi : Les médias en Egypte dans le collimateur du pouvoir)


Accès via un VPN
C’est au petit matin que, samedi, des forces armées, dont certaines en tenue civile, ont fait irruption sans mandat d’arrêt dans l’appartement de Chady Zalat. Selon Mada Masr, les policiers ont arrêté le journaliste, lui ont confisqué son ordinateur portable ainsi que celui de son épouse, et saisi un certain nombre de documents relatifs à son travail. Plusieurs minutes après l’arrestation, les forces de sécurité, apparemment agitées, sont retournées à l’appartement à la recherche de son téléphone portable. Après l’avoir récupéré, ils ont dit à l’épouse du journaliste qu’ils l’emmenaient au siège de la sécurité de Gizeh. Mais selon l’avocat du média, il n’y aurait pas été emmené. Dans l’après-midi, Mada Masr publiait un communiqué pour dénoncer l’arrestation du journaliste. « En plus de notre profonde préoccupation pour la sécurité et le bien-être de notre collègue, nous considérons son arrestation comme une menace existentielle pour Mada Masr », écrit alors la rédaction.
« Les journalistes n’ont d’autre protection que l’intégrité de leur travail et la valeur que les autres y attachent. Nous sommes tous en danger, et si nous ne nous levons pas, nous serons tous leurs prisonniers », ajoute-t-il.

Le site d’information compte parmi la centaine d’autres bloqués par les autorités égyptiennes ces dernières années et dont l’accès n’est possible pour les Égyptiens que via une application de réseau privé virtuel (VPN). Des journalistes égyptiens sont en détention préventive depuis des années, des correspondants internationaux ont été expulsés et des sites d’information ont été interdits. « On nous demande souvent comment nous sommes encore capables de travailler dans ce contexte de répression et de pressions qui ont forcé la plupart des médias à fermer ou à clairement s’aligner sur le pouvoir, a déclaré Lina Atallah. L’Égypte est classée 163e sur 180 dans l’indice 2019 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, soit deux places de moins que l’année précédente. Les autorités ont arrêté au moins 4 000 personnes depuis septembre dans le cadre d’une vague de répression à la suite de rares manifestations anti-Sissi.


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