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Santé - Santé

Allergies alimentaires : les spécialistes craignent une épidémie au cours des prochaines années

Des études internationales soulignent une nette augmentation du nombre d’enfants allergiques. L’hygiène est l’une des causes favorisant la maladie.

Selon un sondage téléphonique mené au Liban sur l’allergie alimentaire autosignalée, 16 % des personnes interrogées ont confié être allergiques aux cacahuètes. Les résultats de l’étude ont été publiés dans l’« International Scholarly Research Notices ». Photo Bigstock

Plus qu’une tendance qui consiste pour des raisons diététiques à éliminer un aliment de son régime – le gluten à titre d’exemple – les allergies alimentaires sont un problème de santé majeur, en nette augmentation à l’échelle mondiale notamment parmi les enfants. En Australie, 10 % des enfants âgés de moins de deux ans présentent une allergie alimentaire, selon une étude publiée en 2017 dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology. En Angleterre, ce taux a presque doublé en l’espace de sept ans, passant de 2,5 %, d’après une étude ayant englobé les enfants nés entre 2005 et 2007, à 5,5 % selon une autre étude menée sur les enfants nés entre 2010 et 2011.

Ces chiffres sont alarmants. Et la cause n’est pas génétique, « puisqu’il est impossible de changer ses gènes en l’espace de dix ans ». Elle est plutôt liée à l’environnement « qui joue un rôle dans ce sens depuis au moins la deuxième moitié du siècle dernier », constate le Dr Alessandro Fiocchi, directeur du département d’allergie à l’hôpital pédiatrique Bambino Gesù à Rome, en Italie.

« Cela a été vérifié entre les années 1970-1990 avec les allergies respiratoires qui sont passées de 5 % à près de 30 % dans les pays anglophones comme l’Angleterre, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et les États-Unis avant de gagner d’autres pays », explique-t-il à L’Orient-Le Jour en marge du congrès de l’Organisation mondiale de l’allergie et de la Société libanaise d’allergie et d’immunologie, dont les travaux ont été tenus à Beyrouth. « Nous craignons vraiment une épidémie d’allergie alimentaire au cours des prochaines années », déplore-t-il.

Au Liban, selon une étude menée par les docteurs Carla Irani et Georges Maalouly et publiée dans l’International Scholarly Research Notices, l’allergie alimentaire autosignalée toucherait 4,1 % des enfants et 3,2 % des adultes. L’étude était basée sur un sondage téléphonique effectué auprès de 500 personnes. Elle a montré que 73 % des personnes interrogées étaient allergiques à un seul allergène alimentaire. Les aliments incriminés étaient surtout des fruits (35 %), principalement les fraises et les pêches, suivis des œufs (19 %) et des cacahuètes (16 %).

Changement des habitudes hygiéniques

L’hygiène est l’une des causes menant à une hausse de l’allergie alimentaire. Le Dr Fiocchi souligne dans ce cadre que « les enfants sont moins susceptibles d’attraper des microbiotes intestinaux (bactéries du système gastro-intestinal), en raison de l’eau salubre, sachant que les études ont souligné un lien entre l’abondance de ces microbiotes et la protection contre les allergies ».

Une autre cause reste la taille de la famille, « les allergies étant moins fréquentes chez les enfants d’une famille nombreuse, probablement parce qu’ils sont plus exposés aux bactéries », observe-t-il, soulignant que le risque de développer une allergie alimentaire « est plus élevé durant les deux premières années de vie ». Il est à noter que le risque de développer une allergie augmente chez les enfants dont l’un des parents ou les deux parents sont allergiques.

Il est important de distinguer entre l’allergie alimentaire, qui est une réaction immédiate et exagérée du système immunitaire aux allergènes alimentaires, et l’intolérance alimentaire où la réaction peut se produire plusieurs heures, voire plusieurs jours, après la consommation de l’aliment.

L’allergie alimentaire se caractérise par de fortes douleurs abdominales, une diarrhée, un vomissement, une éruption cutanée, du sang dans les selles, un œdème laryngé (c’est-à-dire au niveau du larynx) entraînant une difficulté à respirer. Dans certains cas très rares, elle peut entraîner un choc anaphylactique (hypotension et dyspnée) qui peut être fatal.

L’intolérance alimentaire, dont la maladie cœliaque (intolérance au gluten et au blé) est la forme la plus fréquente, se traduit par des douleurs abdominales, des ballonnements, une diarrhée ou une constipation.

L’allergie aux blé, lait et œufs se développe généralement au cours des premières années de la vie. « Si elle persiste au-delà de cet âge, l’enfant développera généralement aussi une allergie à un fruit frais, comme le kiwi, le melon, la pastèque, la pêche et l’abricot, ou aux cacahuètes, avance le Dr Fiocchi. Cela est dû aux réactions croisées qui existent entre les pollens et ces fruits, c’est-à-dire au fait que le même allergène existe dans les fruits et les pollens. Ainsi, si une personne est allergique au pollen, elle développera une allergie au fruit qui contient le même pollen. »

Et de préciser : « Généralement, il est recommandé d’éviter l’aliment auquel on est allergique, sachant que certaines allergies, comme celle au lait de vache, aux œufs et au blé, disparaissent. Par contre, l’allergie aux cacahuètes et au poisson persisteront à l’âge adulte. »


Prévention

Selon le Dr Fiocchi, certaines mesures doivent être prises pour prévenir les allergies alimentaires, comme le fait de « favoriser la multiplication des bactéries dans l’estomac, en prenant des suppléments comme les probiotiques ». « Les études ont montré que ces suppléments sont efficaces s’ils sont administrés aux nouveau-nés, mais ils le sont encore plus s’ils sont donnés à la femme durant la grossesse ou à la maman durant l’allaitement, précise-t-il. Il est également important de favoriser l’allaitement le plus longtemps possible. Si la femme ne peut pas allaiter, il est possible de donner à l’enfant des formules spéciales pour prévenir les allergies. Elles sont à base de protéines de lait hydrolysées. Elles stimulent la tolérance, mais non le système immunitaire. Ces formules sont recommandées pour la prévention des allergies chez les enfants à risque. Il est également conseillé de retarder l’introduction des aliments autant que possible. Mais le plus important c’est d’éviter de fumer dans les habitations, parce que la fumée du tabac développe non seulement l’asthme, mais aussi les allergies. Enfin, les études ont montré que le stress durant la grossesse peut favoriser les allergies alimentaires. »

Et le Dr Fiocchi de souligner que jusqu’à une période récente, le traitement consistait à éliminer de la nourriture de l’enfant les aliments à l’origine de son allergie. « Désormais, nous disposons de plusieurs techniques qui aident à soigner ou à induire une tolérance à l’allergie, comme l’immunothérapie orale ou sublinguale, se félicite-t-il. C’est une technique qui consiste à introduire progressivement l’allergène alimentaire selon un protocole médical. »


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