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Nos Lecteurs ont la Parole - Nathalie GHAOUCHE

À qui la faute ?

Le drapeau libanais, accroché dans des barbelés, dans le centre-ville de Beyrouth, le 18 novembre 2019. Patrick Baz/AFP

La situation sociale, économique et politique s’aggrave de jour en jour au Liban. Le peuple n’a plus confiance en ses dirigeants qui gouvernent depuis plus de trente ans. Une révolution contre la corruption s’est alors déclenchée le 17 octobre. À qui la faute ? Qui sont les véritables corrupteurs ? Comment faire face à cette épidémie qui a ravagé le pays, du nord au sud, depuis plusieurs années ? Qui faut-il accuser ? Nous suggérons dans ce qui suit un balayage permanent du sommet jusqu’au pied de la pyramide.

Pour commencer, nos chers politiciens sont tellement compréhensifs qu’ils s’attribuent le rôle de la victime sur la scène de la corruption. Les accusations commencent. C’est bien plus facile d’accuser l’autre que de se dénoncer. C’est bien plus facile de voir les erreurs et les maladresses des autres que de bien voir nos fautes, les assumer, s’excuser et s’améliorer. C’est une belle image que font ressortir nos politiciens ! De véritables idoles ! Honnêtement, des fois, on vous plaint ! Vos comptes bancaires sont vides ! Vos dettes augmentent de jour en jour ! Vous travaillez durement sans repos ! Et le peuple se plaint de vos gros efforts ! Mais quelle absurdité ! Ce peuple ne vous mérite pas ! Quel gâchis que vous soyez les gouvernants d’un tel peuple qui ne discerne point votre zèle, votre amour pour la patrie, vos projets, les progrès que vous avez apportés à la nation et vos sacrifices ! C’est injuste ! Ce peuple ne vous mérite absolument pas... D’ailleurs, aucun peuple ne vous mérite. Vous avez tout fait, tout ! Vous nous avez privés de l’électricité, d’une bonne éducation gratuite, d’une eau potable venant de nos riches sources souterraines, de nos droits à la sécurité sociale et à l’indemnité de fin de service, des moyens de transport publics, de nos droits les plus anodins et même du dioxygène. En contrepartie, vous nous avez offert toutes sortes de maladies cardio-vasculaires, psychosomatiques et cancérigènes. Pour cela, on doit vous applaudir, vous remercier, vous idolâtrer et vous laisser tranquilles sur vos trônes majestueux. Vous êtes de véritables héros... les héros de l’ultime corruption.

Puis viennent leurs partisans. Ceux qu’ils nourrissent de haine, de mépris et de dédain envers un autre, ayant un avis différent, une religion différente et appartenant à une région différente. Cependant, ils leur enseignent l’amour inconditionnel envers leur image et leurs idéologies. Ce sont ceux qui leur sont fidèles pour la vie. Ceux qui ne voient que d’un œil. Ceux qui vivent sur les nuages, dans un monde de rêve, un univers féerique, loin de la réalité. On se demande parfois : sont-ils vraiment nos compatriotes ? Ont-ils les mêmes droits ? Ne sont-ils pas eux aussi au chômage ? Ont-ils un salaire autosuffisant qui ne se dissipe pas avant la deuxième semaine de chaque mois ? Ne souffrent-ils pas de maladies mortelles ? Ne paient-ils pas les frais d’hospitalisation ? Ne sont-ils pas concernés par les taxes, les impôts et les prix qui augmentent chaque jour ? Ont-ils les besoins nécessaires à la survie ? Aiment-ils vivre au creux de cette pollution ? Apprécient-ils l’esclavage ? Sont-ils conscients de leur assujettissement ? Qu’est-ce qui les empêche de dire non à la manipulation des politiciens ? Qu’est-ce qui les pousse à les défendre, à frapper, à tuer pour l’amour de tel ou tel dirigeant ? N’ont-ils pas assez de cette odeur nauséabonde de leurs sales affaires ?

L’éducation est l’ultimatum qui mettra fin à la corruption pour de bon. Elle touche certainement les établissements scolaires et les parents. En effet, la corruption ne pourra pas se dissiper du jour au lendemain. C’est un travail long et dur. C’est une tâche très importante à commencer par les plus petits citoyens. Pour mettre fin à la corruption, il faudra donc semer des graines de citoyenneté. Un rôle très important que détiennent non seulement les parents mais aussi les établissements scolaires. La citoyenneté ne peut s’apprendre qu’au sein de cette minisociété. Les élèves, futurs citoyens, doivent connaître leurs droits et leurs devoirs, respecter les règles et la charte de vie, accepter les différences de l’autre qui n’est pas tout à fait différent, bien travailler pour réaliser leurs rêves sans tricher et sans dépendre d’un autre, s’initier au travail de groupe, garder un environnement propre et sain. Ce qui est, malheureusement, non applicable dans la plupart des établissements scolaires au Liban qui, au contraire, applaudissent à la formation de petites cliques selon les religions, les classes sociales et le niveau d’apprentissage. Il y a la bande des populaires, celle des « nerds » et celle des « bullies ». À quoi bon servira un programme surchargé si les élèves ne sont pas aptes à s’intégrer dans la société en tant que bons citoyens ? De plus, au sein de quelques familles, les parents incitent leurs enfants à l’agression, au harcèlement, à la peur de l’autre, aux mesquineries, à la triche, au manque d’hygiène et à l’attachement aux grands postes et à l’argent. On en voit tous les jours. C’est de plus en plus désolant de remarquer cette semence de petites graines prêtes à mûrir et à diriger un pays qui demeurera corrompu. Une image bien réelle et poignante.

En somme, bien que les politiciens soient les accusés du premier plan, ils ne sont pas les seuls coupables dans cette affaire. Au deuxième plan se placent leurs partisans, victimes du suivisme aveugle et de servitude envers leurs dirigeants, qui leur ont donné le pouvoir de gouverner. Au dernier plan se classe la négligence des parents et des établissements scolaires envers l’éducation des futurs gouvernants de pays. Un futur prospère commence avec les nouvelles générations. Initions donc nos jeunes à l’amour de la patrie, au service de la nation et à la citoyenneté pour mettre un terme à la décadence.

Mastérante en langue et littérature françaises à l’Université libanaise

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de « L’Orient-Le Jour ».

La situation sociale, économique et politique s’aggrave de jour en jour au Liban. Le peuple n’a plus confiance en ses dirigeants qui gouvernent depuis plus de trente ans. Une révolution contre la corruption s’est alors déclenchée le 17 octobre. À qui la faute ? Qui sont les véritables corrupteurs ? Comment faire face à cette épidémie qui a ravagé le pays, du nord au sud, depuis...

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