Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Diplomatie

À Washington, une rencontre aux multiples enjeux entre Trump et Erdogan

La Syrie et les missiles S-400 devraient occuper une grande partie des discussions entre les deux présidents.

Le président américain Donald Trump (à gauche) et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Brendan Smialowski, Gianluigi Guercia/AFP

La Syrie, le groupe État islamique, les missiles russes S-400, l’OTAN, Fethullah Gülen… Les sujets de conversation ne devraient pas manquer entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan. Les présidents américain et turc se retrouvent aujourd’hui à Washington, pour une rencontre très attendue, mais aussi potentiellement glaciale, en raison des nombreuses péripéties survenues dans le chapitre des relations américano-turques ces dernières semaines. Mais parmi les nombreux thèmes présents sur la table, trois devraient toutefois sortir du lot.

Le premier concerne les relations bilatérales entre les deux pays, altérées depuis plusieurs années en raison de leurs divergences sur de nombreux dossiers. Il s’agit, pour les chefs de la Maison-Blanche et du Saray (palais présidentiel turc), de préserver une entente sur de bonnes bases à un moment où un sentiment « hostile » à la Turquie s’est récemment développé aux États-Unis, et surtout au sein du Congrès. Les législateurs américains, surtout démocrates, ont vigoureusement condamné l’opération turque en Syrie contre les milices kurdes du PYD (Parti de l’union démocratique), branche politique des YPG (Unités de protection du peuple) considérées comme terroristes par Ankara, et alors soutenues par Washington dans le cadre de la lutte contre le groupe État islamique. Ils ont également reconnu le génocide effectué contre les Arméniens à l’époque ottomane – ce qui constitue une ligne rouge pour Ankara – et évoqué de nouvelles sanctions économiques contre la Turquie pour son offensive en Syrie, mais aussi pour l’achat des missiles russes S-400.

Cette hostilité semble contraster avec la relation qu’entretiennent MM. Trump et Erdogan. Des liens que l’on pourrait qualifier d’« étroits ». M. Trump avait affirmé au mois d’octobre que le chef du Saray était un « leader hors pair » et un « ami ». « La relation Trump-Erdogan est un élément-clé qui a aidé au maintien des relations turco-américaines, crise après crise », estime Soner Cagaptay, spécialiste de la Turquie au sein du Washington Institute, contacté par L’Orient-Le Jour.

« Ce qui compte pour le président Erdogan, ce n’est pas sa relation avec le Congrès américain, mais celle qu’il entretient avec Trump », confirme de son côté pour L’OLJ Birol Baskan, chercheur au Middle East Institute. L’entretien de cette relation passe par une clarification et un renforcement du dialogue autour de nombreuses problématiques, notamment la Syrie, où les deux pays sont engagés et ont de nombreuses divergences.


(Lire aussi : Le vrai-faux départ des Américains de Syrie)



Syrie et S-400 au cœur du débat

La relation américano-turque a pris un nouveau tournant le 9 octobre dernier lorsque Ankara a déclenché les hostilités contre les forces armées kurdes le long de la frontière turco-syrienne. Ces opérations ont été rendues possibles avec le départ des troupes américaines du Nord syrien, sans pour autant que ces dernières ne quittent le pays. Washington a néanmoins tout fait pour que la Turquie suspende son opération une semaine après son déclenchement. Dans une lettre directement adressé au reïs au début de l’opération turque, le chef de la Maison-Blanche a tenté de rappeler son homologue turc à la raison à sa manière, lui conseillant de ne « pas être fou » ou de « jouer au dur », et lui expliquant qu’il ne veut pas « être responsable de la destruction de l’économie turque », le menaçant ainsi de sanctions économiques.

Les 17 et 22 octobre, la Turquie a signé, d’abord avec les États-Unis puis avec la Russie, des accords stipulant le retrait des forces armées kurdes de la « zone de sécurité » réclamée par les Turcs : une bande de 30 km de large le long de la frontière turco-syrienne, et ce en échange de l’arrêt des hostilités. Les mesures visant à mettre en œuvre ces accords n’auraient toutefois pas été appliquées. « Malheureusement, jusqu’à présent, il n’est pas possible de dire que les groupes terroristes se sont retirés de la région », a affirmé M. Erdogan lundi lors d’une conférence de presse à l’aéroport d’Ankara. « Ni la Russie ni les États-Unis n’ont été en mesure de faire partir les groupes terroristes selon le calendrier convenu », a-t-il précisé, ajoutant qu’il fera part de ces informations au président américain lors de sa rencontre avec lui. Pour les analystes, le reïs devrait également profiter de la rencontre pour clarifier l’entente turco-américaine en Syrie. « L’objectif d’Erdogan serait de persuader Donald Trump de rester en Syrie (…) pour une question d’équilibre face à la Russie et l’Iran », estime Birol Baskan. « Seule, la Turquie ne peut pas contenir ces deux pays et atteindre son objectif stratégique », explique-t-il.


(Lire aussi : Apprendre à vivre sans les Américains)



De l’autre côté, en plus des discussions autour de la question syrienne, celles concernant les missiles S-400 – acquis en juillet dernier par la Turquie – devraient aussi remplir une bonne partie de la rencontre entre MM. Trump et Erdogan, compte tenu de la sensibilité du sujet. Car voir des armes, qui plus est le fleuron de la technologie militaire russe, implantées chez un membre de l’OTAN ne peut être supporté par les Américains qui ont pris un certain nombre de mesures. Ankara a déjà été suspendu du programme d’avions de combat F-35 que les États-Unis veulent mettre en place et dans lequel la Turquie était à la fois coproducteur et client. Pour les États-Unis, ces missiles sont incompatibles avec les systèmes d’attaque et de défense de l’Alliance atlantique. Ils craignent un éventuel transfert de technologie qui puisse permettre à la Russie d’accéder à des informations confidentielles relatives au F-35, qui est censé pouvoir échapper aux missiles russes.

La Turquie – qui dément que l’achat des missiles russes compromet son rôle dans l’OTAN – explique que son achat est effectué au nom de la diversification de ses partenaires militaires et continue d’affirmer qu’elle souhaite, malgré son achat des S-400, acquérir des missiles Patriot américains. M. Erdogan a affirmé jeudi dernier qu’il discuterait de l’achat potentiel de ces missiles si une offre appropriée était faite par Donald Trump. « Compte tenu de l’ambiance actuelle, le Congrès américain n’autoriserait certainement pas cette vente, mais symboliquement, ce serait important », note Soner Cagaptay.


Pour mémoire

Les menaces US pourraient être contre-productives

La Syrie, le groupe État islamique, les missiles russes S-400, l’OTAN, Fethullah Gülen… Les sujets de conversation ne devraient pas manquer entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan. Les présidents américain et turc se retrouvent aujourd’hui à Washington, pour une rencontre très attendue, mais aussi potentiellement glaciale, en raison des nombreuses péripéties survenues dans le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut