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Économie - Crise

Le secteur touristique désespéré face à l’irresponsabilité des dirigeants

S’ils reconnaissent que les manifestations ont eu un impact certain sur l’activité du secteur, les professionnels du tourisme pointent davantage du doigt la responsabilité des dirigeants du pays. Photo P.H.B.

Seul secteur à afficher des résultats relativement positifs en 2019 dans un contexte de crise économique et financière dont les conséquences ont éclaté au grand jour depuis la fin de l’été, le tourisme libanais est au fond du trou, trois semaines après le début des manifestations massives contre des dirigeants politiques qui ne semblent toujours pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation.

« Le taux de remplissage dans les hôtels ne dépasse pas 10 % à Beyrouth et 5 % hors de la capitale et la quasi-totalité des réservations effectuées sur la période allant jusqu’aux fêtes de fin d’année ont ét annulées. On est loin des standards habituels, même pour du hors-saison », expose à L’Orient-Le Jour un hôtelier proche du syndicat représentant le secteur. Jeudi, le secrétaire général de cette organisation, qui préside également la commission dédiée au tourisme au sein du Conseil économique et social, Wadih Kanaan, avait communiqué des estimations similaires pour Beyrouth. Or en octobre, le taux d’occupation des hôtels quatre et cinq étoiles, publié chaque mois par le cabinet Ernst & Young, gravite habituellement autour de 69 %.

« Effrayant »

La situation n’est guère plus brillante pour le secteur de la restauration. « Hormis quelques quartiers de Beyrouth qui jouxtent le centre-ville (où a eu lieu une importante partie des manifestations, NDLR) et quelques adresses dans des régions du Mont-Liban relativement épargnées par les mouvements sociaux, les restaurants sont littéralement vides », constate le président du syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries, Tony Rami. Les voyagistes arborent les mêmes mines déconfites. « Notre activité a reculé dans des proportions allant de 50 à 60 % par rapport à début octobre et les demandes d’annulation de ticket sont très nombreuses », s’inquiète le président de l’Association des agences de voyages au Liban, Jean Abboud.

S’ils reconnaissent que les manifestations ont eu un impact certain sur l’activité du secteur, les professionnels du tourisme pointent davantage du doigt la responsabilité des dirigeants du pays. « Cela fait trois semaines que les gens manifestent et il n’y a absolument aucun progrès visible dans le processus de formation du gouvernement. Le plus effrayant, c’est qu’ils ne semblent même pas se rendre compte de la gravité de la situation », s’étrangle l’hôtelier précité. Il indique par ailleurs que certains établissements huppés ont même commencé à couper l’électricité dans certaines portions de leurs complexes pour limiter les dépenses, confirmant une anecdote rapportée par certains témoignages concernant un grand hôtel de la capitale.

Plus sobre, la fédération des syndicats touristiques a, elle, rappelé hier dans un communiqué publié suite à une réunion consacrée à la crise « l’urgence de constituer un gouvernement qui rétablisse la confiance du peuple et de la communauté internationale le plus tôt possible ». La fédération a affirmé que le secteur touristique, qui pesait 15 % du PIB en 2018 et fait actuellement travailler 150 000 personnes, était « très endetté » et qu’il avait été percuté de plein fouet par les restrictions récemment imposées par les banques sur plusieurs catégories de services bancaires (voir par ailleurs). Des mesures imposées dans le prolongement de la crise provoquée par la baisse de la quantité de dollars circulant sur le marché, à l’initiative de la Banque du Liban (BDL), depuis la fin de l’été, et qui ont été dénoncées par les professionnels de plusieurs secteurs d’activité cette semaine.

Règlement à l’IATA

Pour le secteur touristique, la restriction des facilités bancaires complique l’ensemble du processus d’approvisionnement entre les hôtels et leurs fournisseurs, qui ne font plus d’avances et veulent désormais être payés comptant, parfois en dollars. Même topo pour certains restaurants qui doivent supprimer certains plats de leurs menus ne pouvant plus importer certains produits. Le propriétaire d’un restaurant à Beyrouth spécialisé dans des plats cuisinés avec de la viande de bœuf importée affirme avoir modifié sa carte pour proposer des sandwiches à la viande de poulet, qu’il achète localement.

La situation des voyagistes est encore plus critique dans la mesure où ils doivent régler avant le 15 novembre plusieurs millions de dollars à l’Association internationale du transport aérien (IATA), une somme qui correspond au total des montants qu’ils doivent verser pour les ventes de billets. « Cette procédure de paiement, qui survient toutes les deux semaines, est centralisée par le Billing and Settlement Plan (BSP), une filiale de l’IATA qui sert de chambre de compensation bancaire entre les compagnies aériennes et agences de voyages agréées. Nous avons déjà alerté l’IATA sur les difficultés que nous rencontrons actuellement pour faire sortir des dollars du pays, et la possibilité qu’un échéancier nous soit accordé est sur la table », affirme Jean Abboud.

Enfin, au-delà des difficultés liées aux restrictions bancaires, une partie des professionnels du tourisme pointent du doigt la mauvaise gestion du pays par les dirigeants politiques ces dernières années. « Les professionnels du tourisme ont cravaché ces dernières années pour continuer de faire tourner ce secteur qui était une des principales sources d’entrée de devises dans le pays, malgré les tensions politico-sécuritaires et les problèmes de gestion du territoire, comme la crise des déchets. Ils sont aujourd’hui nombreux à être écœurés », conclut l’hôtelier précité.

Seul secteur à afficher des résultats relativement positifs en 2019 dans un contexte de crise économique et financière dont les conséquences ont éclaté au grand jour depuis la fin de l’été, le tourisme libanais est au fond du trou, trois semaines après le début des manifestations massives contre des dirigeants politiques qui ne semblent toujours pas avoir pris la mesure de la...

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