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Liban

Ambiance survoltée à la centrale de Zouk

Des dizaines d’élèves se sont joints aux habitants pour protester contre la pollution émanant de ces cheminées tristement célèbres.


Un jeu de mots ironique en arabe sur cette pancarte, qui « remercie » les autorités pour une pollution qui dure depuis une dizaine d’années.

Les cheminées de la centrale électrique de Zouk (Kesrouan) rejetaient hier leur poison comme d’habitude, mais la scène qui se déroulait devant la porte de l’établissement était loin d’être banale. Dès les premières heures du matin, des manifestants ont fait en sorte de bloquer l’accès à cette centrale, et si les employés y sont quand même entrés, il en fallait davantage pour entamer leur détermination. Il n’est en effet pas surprenant que ce site soit sur le radar des protestataires, qui sont dans les rues depuis le 17 octobre pour protester contre la corruption : la modernisation de cette centrale vétuste et très polluante est une revendication de longue date des habitants du Kesrouan.

Ces revendications, Taghrid, une mère de famille manifestant avec un masque sur le visage, les résume très bien. « Je suis là pour mes enfants, on ne peut plus respirer cette fumée toxique, dit-elle. À Zouk, nous avons de la suie continuellement sur nos balcons, ce qui donne une indication de ce que nous respirons. »

Élie, père de famille et chef d’entreprise, a abandonné son appartement à Zouk depuis cinq ans. « L’air y devenait irrespirable, mes enfants ont développé de l’asthme », affirme-t-il. Les maladies sont devenues le pain quotidien de cette population, comme on pouvait le voir sur les banderoles brandies par les manifestants : certaines comportaient des photos d’enfants cancéreux avec des slogans attaquant les politiques gouvernementales. « Nous avons dépensé 30 milliards de dollars non pour lutter contre le cancer mais pour le subventionner », lisait-on sur une pancarte, en référence aux deux milliards de dollars par an de pertes dues au gaspillage dans le secteur de l’électricité.

Rita a les larmes aux yeux. « J’ai trois enfants dont l’aîné est à l’université, dit-elle. Je ne veux pas le voir partir. Je suis là pour crier stop à la pollution et à la corruption. » Joseph, employé, est venu de Yahchouche se solidariser avec la population de Zouk. « Ces cheminées que vous voyez là ne font pas la différence entre les religions ou les catégories sociales, elles nous tuent tous sans discrimination, déplore-t-il. Le Liban a le taux le plus élevé de cancers dans la région et il est classé 138e sur 180 pays en matière de corruption par les organisations internationales. »

« Cela fait quinze ans qu’on nous promet de moderniser cette centrale afin qu’elle puisse fonctionner au gaz naturel au lieu du fuel, renchérit Joe, qui vient de Mtayleb (Metn). En plus, les habitants du Kesrouan payent des factures d’électricité comme les autres et n’ont même pas le courant. Il est temps que cela cesse ! »



(Lire aussi : Place Riad el-Solh, la formidable solidarité des étudiants face à l’« État voyou »)



Participer à l’histoire en développement
Les habitants manifestaient hier dans le calme, scandant les slogans de la révolution. La scène s’est quelque peu animée quand un employé a voulu entrer par la force dans le bâtiment. Mais l’atmosphère s’est carrément électrisée avec l’arrivée progressive de dizaines d’élèves de diverses écoles du Kesrouan et même de la localité voisine de Dbayé, venus protester contre la vétusté de la centrale. Plus tard dans la matinée, ils devaient se déplacer dans la ville de Jounieh, devant le siège d’Ogero (comme ils l’avaient fait la veille) et dans les rues de la ville, récoltant des gestes de solidarité de la part des automobilistes.

« Corrompus, voyous, voleurs de fonds publics ! », « Nous ne voulons plus de vos déchets mais d’un nouveau gouvernement », « Non au dictat du générateur », « Révolution ! », scandaient-ils sur le rythme d’un tambour apporté par l’un d’eux. Peu à peu, ils ont occupé le centre de la manifestation, répandant une bonne humeur contagieuse, sous l’œil protecteur des adultes.

Maribelle et Vanessa viennent d’une école de Dbayé. « Il est plus important pour nous d’être dans la rue qu’en classe, affirme Maribelle. En tant qu’enfants, est-il acceptable que nous soyons en train de respirer une telle pollution ? » « Nous avons laissé nos manuels d’histoire pour participer à l’histoire en développement », renchérit Vanessa.



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commentaires (1)

"la modernisation de cette centrale vétuste et très polluante est une revendication de longue date des habitants du Kesrouan." Non madame Baaklini, pas sa modernisation. Son déplacement pur et simple vers une région non habitée. Une centrale électrique n’a rien à faire à cet endroit devenu surpopulé. Et en plein zoning touristique de surcroit. S’ils fermaient cette centrale, rien qu’avec le prix de vente de ce terrain de 150’000 m2 en bord de mer EDL aurait de quoi financer deux centrales au gaz. Et celà propulserait Zouk au niveau de paradis sur terre...

Gros Gnon

11 h 17, le 08 novembre 2019

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Commentaires (1)

  • "la modernisation de cette centrale vétuste et très polluante est une revendication de longue date des habitants du Kesrouan." Non madame Baaklini, pas sa modernisation. Son déplacement pur et simple vers une région non habitée. Une centrale électrique n’a rien à faire à cet endroit devenu surpopulé. Et en plein zoning touristique de surcroit. S’ils fermaient cette centrale, rien qu’avec le prix de vente de ce terrain de 150’000 m2 en bord de mer EDL aurait de quoi financer deux centrales au gaz. Et celà propulserait Zouk au niveau de paradis sur terre...

    Gros Gnon

    11 h 17, le 08 novembre 2019

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