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Culture

Gros plan sur 3 scènes cultes


La scène finale de « For a few dollars more » (1965)

Un homme sort en courant d’une maison blanchie à la chaux et se fait abattre illico presto. Un autre apparaît (Lee Van Clee dans le rôle de Douglas Mortimer) et désarme le tireur. C’est à ce moment-là que le réalisateur Sergio Leone introduit une nouvelle dimension, celle du défi, au son d’une musique similaire à celle d’une berceuse ! Et nous voilà partis pour une scène de « duel géométrique » que Leone affectionne tant, et dans lequel il pose ses personnages selon deux figures : le triangle équilatéral et le cercle dans lequel il vient s’inscrire.


Leone a certes codifié son genre de western. Chez lui, exit toute trace d’élégance clinquante et colorée des westerns du cinéma hollywoodien. L’homme de l’Ouest de Leone est sale, mal rasé, quelquefois édenté. Ses vêtements sont couverts de crasse et de poussière. Autre particularité propre au cinéma de l’Italien : les aphorismes qui tiennent lieu de dialogues. La constante vestimentaire reste le poncho de Clint Eastwood. Ce dernier fera son apparition dans le duel final de For a few dollars more (Pour une poignée de dollars de plus) au moment où la musique semble s’arrêter mais pour repartir de plus belle. L’élément féminin est introduit par la photo sur le médaillon que brandit Eastwood (Manco ou « l’Homme sans nom »). Et soudain, le temps suspend son vol. Cet étirement temporel est entretenu par le cinéaste qui use sans cesse des gros plans sur les visages et sur les mains contrairement aux westerns américains qui préféraient le panoramique et le travelling. Mais, on le sait, le western de Sergio Leone n’a pas de racines américaines. Le réalisateur puisait plutôt dans la tradition théâtrale italienne de l’opéra-bouffe et c’est un peu dans cet esprit-là que se termine la scène.



Le duel de « The Good, The Bad and the Ugly » (1966)

Un gros plan montre des mains qui creusent frénétiquement dans le sable. Le personnage (campé par Eli Wallach) dans le duel final de The Good, The Bad and the Ugly (Le Bon, la Brute et le Truand), dont on ne voit pas encore le visage, use d’une planche de bois (pas très efficace comme procédé) et tout d’un coup, arrêt sur image, et la musique (personnage incontournable chez Leone) fait son entrée accompagnée de Clint Eastwood, la barbe toujours hirsute, l’éternel poncho aux épaules, mâchonnant son cigarillo. Nonchalamment, il jette une pelle à l’homme accroupi. Nous sommes dans un cimetière. Mais à qui va servir ce trou ? C’est alors que le troisième larron, Lee Van Cleef, apparaît. Retour sur les visages de Tuco (Wallach), Angel Eyes (Van Cleef) et Blondie (Eastwood). Ce dernier, avec un sang-froid à toute épreuve, marmonne quelques paroles.


Qui est le bon, qui est la brute et qui est le truand ? La même musique étrange retentit, les mêmes visages moites, le même rythme d’attente, la même attention aux petits détails et cette lenteur qui déstabilise le spectateur. Un triangle formé des trois silhouettes se dessine pour mieux se décomposer et s’inscrire dans la figure que Leone affectionne : le cercle.

Des allers-retours sur les yeux, sur les mains, pour au moins deux minutes, car ce cinéma prétendu d’action est surtout un cinéma contemplatif. Il exprime la volupté d’un homme qui ne se lasse pas de regarder, qui voudrait que le spectacle ne cesse jamais, et qui nous invite à partager avec lui. Et l’humour de Leone vient alors clôturer la scène. À (re)découvrir.



Duel final de « Once upon a time in the West » (1968)

L’Ouest de Sergio Leone est loin des grands espaces westerniens composé de forêts, de prairies, de montagnes, de lacs et de rivières. Son décor se limite au désert. Toujours aride, toujours caniculaire, toujours hostile, bref omniprésent. C’est le cas pour ce duel final de Once upon a time in the West (Il était une fois dans l’Ouest). Sur les cailloux et le sable, le duel prend place. D’une durée de huit minutes trente (aujourd’hui, nombreux sont les spectateurs qui auraient déjà sorti leurs portables), la séquence du duel en apparence classique s’inscrit dans un contexte empreint de gravité car il s’agit de l’assouvissement d’une vengeance. Le génie de Leone est de narrer l’intrigue avec des allers-retours dans le passé pour en expliquer les raisons. Après avoir habitué son spectateur aux arrangements musicaux faits de guitares, de piano, de trompettes, même de cliquetis de cloches ou de percussions évoquant des tirs en rafale, le voilà qui introduit – avec l’aide du compositeur Ennio Morricone – l’harmonica. Et pour cause, elle est l’élément constitutif de l’intrigue et devient indissociable de l’apparition sur écran du personnage de Charles Bronson (nommé d’ailleurs « Harmonica »). On retrouvera le cercle dans une arcade qui encadre la scène de la pendaison ainsi que dans le tracé des pas de Frank (Henry Fonda) qui, ne voulant pas être ébloui par le soleil, trace un rond imaginaire, comme pour représenter un théâtre de l’agonie. Et si les héros bougent la tête avec un retard considérable dans les moments critiques, ce n’est pas seulement pour aiguiser le « suspense ». Ils n’en finissent pas de savourer l’instant. Ils incarnent tous Leone.



La scène finale de « For a few dollars more » (1965)Un homme sort en courant d’une maison blanchie à la chaux et se fait abattre illico presto. Un autre apparaît (Lee Van Clee dans le rôle de Douglas Mortimer) et désarme le tireur. C’est à ce moment-là que le réalisateur Sergio Leone introduit une nouvelle dimension, celle du défi, au son d’une musique similaire à...

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