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Liban - Espaces publics

Lancement d’un concours pour un Bois des pins plus accessible

Des ONG s’associent à l’ordre des ingénieurs et à la municipalité de Beyrouth en vue d’un développement du parc, « poumon vert » de Beyrouth.

Le Bois des pins est en train d’être aménagé progressivement. Photo Nour Braidy

Pour faire du Bois des pins un espace plus accessible et inclusif, l’ONG Nahnoo et l’ordre des ingénieurs ont lancé, en partenariat avec la municipalité de Beyrouth et d’autres ONG, notamment Pomed (Projet sur la démocratie au Moyen-Orient), Beirutiyat et l’Association des urbanistes (UPA), un concours à travers lequel étudiants et professionnels, parmi les architectes, les urbanistes et les paysagistes, sont invités à reconnecter les Beyrouthins à ce parc emblématique.

Cette initiative intervient dix jours après l’inauguration de la première étape du projet de développement de Horch Beyrouth, prévoyant l’aménagement de deux couloirs pour le jogging, avec les balisages adéquats, l’installation de 20 bancs en bois ainsi que dix bennes pour le tri des déchets. Elle avait été menée par le club Rotary Beirut Cedars en partenariat avec la municipalité de Beyrouth.

Le concours lancé par l’ordre des ingénieurs et Nahnoo s’inscrit dans le prolongement de cette dynamique et se justifie amplement par l’histoire récente et mouvementée de cet espace vert. Fermé au public pendant plus de 25 ans, après une timide ouverture à raison d’un jour par semaine en 2015, le Bois des pins, le plus grand espace vert de la capitale, ne devient accessible toute la semaine qu’en 2016. Mais, avec des horaires d’ouverture contraignants et une seule entrée accessible, les difficultés d’accès au parc questionnent la volonté politique d’en faire un espace public vraiment intégré dans le tissu social beyrouthin, d’autant plus que les empiétements sur ce terrain sont nombreux.

Cet espace était durant des siècles une grande forêt de pins. Il a traversé les épreuves du temps, perdant à chaque époque un peu plus de son territoire. Au fil des guerres et de l’urbanisation, la forêt, qui représentait plus de 1 250 000 mètres carrés en 1696 selon les documents historiques, n’en compte désormais que 300 000. Elle est, de plus, encerclée de grands axes de circulation. Pour autant, dans une ville où le nombre de mètres carrés d’espaces verts par habitant est en dessous du seuil minimal fixé par l’Organisation mondiale de la santé, ce lieu représente une bouffée d’air frais pour les habitants.

« C’est un endroit très calme qui se prête bien à l’étude de la philosophie et de la littérature. C’est une chance d’avoir un tel endroit dans cette ville », dit Fadi, assis sur un banc. Ce Libanais travaille de nuit comme chauffeur de taxi-service. Chaque matin, après avoir sillonné les rues bruyantes, il vient là où la végétation étouffe, selon lui, le son des klaxons.

Il y a tout juste trois ans, footing, pique-niques ou flâneries au milieu des pins étaient un luxe réservé à un petit nombre. L’entrée au parc était soumise à une autorisation administrative préalable, une restriction officiellement justifiée par la peur des dégradations et des déchets laissés au sol. La campagne féroce menée sans relâche par la société civile pour obtenir la réouverture du parc a fini par aboutir, mais l’espace n’est toujours pas accessible dans son ensemble au public. Prenant une pause après une séance de footing, Antoine, jeune étudiant, s’insurge contre cet état de fait. « Le parc a été créé pour tous les Libanais, dénonce-t-il. Si les déchets posent un tel problème, il faut placer des agents pour sanctionner directement les pollueurs, afin de les sensibiliser. Restreindre l’accès au parc pour de telles raisons défie toute logique. »


(Lire aussi : Itinéraires de course, bancs et bennes de tri au Bois des pins)


Des barrières invisibles

Officieusement, les restrictions trouvent leur source dans des raisons d’ordre sociopolitique. Bordé par des quartiers souvent défavorisés et abritant des populations diverses, le parc a été un lieu d’affrontement intercommunautaire durant la guerre civile. « La zone du parc est très sensible d’un point de vue sécuritaire, explique à L’Orient-Le Jour Jessica Chemali, directrice exécutive de Nahnoo. De plus, il existe à proximité un camp palestinien, un endroit où les forces armées libanaises n’entrent pas. Si l’excuse officielle pour limiter l’accès au parc est celle des déchets jetés par les visiteurs, la vraie raison est à chercher du côté d’un certain équilibre à préserver. »

Si tous les Libanais peuvent désormais officiellement fréquenter le parc, certaines barrières invisibles en compliquent toujours l’accès. « Les horaires du parc, cette barrière qui le divise en deux, la porte d’accès de Chiyah qui n’est toujours pas ouverte, l’aménagement du parc qui ne favorise pas une large variété d’activités, font partie de ces obstacles, poursuit Jessica Chemali. Il faut accorder aux gens une liberté dans leur usage de l’espace ! » Ce qui n’arrange rien, c’est que ces restrictions sont combinées à la menace permanente de voir l’espace du Bois des pins se réduire encore en raison des empiétements sur le terrain.

Joanna Hammour, membre de Nahnoo, rappelle que le projet d’un hôpital de campagne sur une des parcelles du parc persiste malgré une opposition de la société civile et même de certains responsables politiques. « Sa construction est en cours, affirme-t-elle à L’OLJ. Il y a deux semaines, nous avons appris que les travaux avaient recommencé. Nous avons contacté tous les ministères concernés, aucun n’était au courant de ce qui se passe à ce niveau. »


(Re)connecter les habitants

Le concours lancé est donc plus que jamais nécessaire pour rendre cet espace public plus accessible et inclusif, un lieu où toutes les communautés et milieux sociaux pourraient se retrouver. « Au Liban, en général, les classes favorisées snobent les lieux fréquentés par les gens moins aisés, affirme Antoine, le jeune étudiant, entre deux étirements. Ce parc est un des rares endroits de la capitale dont l’accès est gratuit, et où l’on rencontre des gens de milieux différents. »

Pour Jessica Chemali, faire du Bois des pins un endroit de mixité sociale est tout à fait possible. « Il n’y a qu’à citer en exemple le succès de la plage de Tyr (Liban-Sud), où une population très hétéroclite se côtoie, affirme-t-elle. Il n’y a qu’à propager le bon esprit pour mettre en œuvre les facteurs qui attirent tous les segments de la société, sans négliger l’aspect technique, qui consiste à rendre le parc plus facilement accessible aux piétons. »

Et de poursuivre : « L’idée de ce concours est d’amener les gens à réfléchir aux moyens de reconnecter les habitants au Bois des pins, réfléchir à la manière dont ce parc peut redevenir un symbole et inspirer la culture de la ville. Et il suscite déjà l’engouement ! Dès qu’on a annoncé la compétition, les candidats étaient nombreux à s’enregistrer. »

Attirées par l’histoire mystérieuse et compliquée de ce parc emblématique, une cinquantaine d’équipes au total sont attendues afin de tenter de redonner ses lettres de noblesse au « poumon vert » de Beyrouth.

Les détails du concours peuvent être consultés à l’adresse électronique suivante :

www.horshbeirut.org


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APRES DEBOISEMENT ON REVE DE BOIS DE PINS.

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 37, le 12 octobre 2019

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  • APRES DEBOISEMENT ON REVE DE BOIS DE PINS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 37, le 12 octobre 2019

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