Rechercher
Rechercher

Liban - Décryptage

Pourquoi un cabinet de technocrates ne pourrait pas fonctionner aujourd’hui

Le Grand Sérail, siège du gouvernement, dans le centre-ville de Beyrouth. Mohammad Azakir/Reuters

À chaque crise politique que traverse le Liban, la même question ressurgit : la solution se trouverait-elle dans la formation d’un gouvernement de technocrates ? C’est Samy Gemayel, député du Metn et chef des Kataëb, qui a relancé le débat hier sur cette question, lors d’une virulente diatribe au cours de laquelle il a appelé le gouvernement actuel à laisser la place à un cabinet « d’experts ».

Selon plusieurs experts interrogés par L’Orient-Le Jour, un tel cabinet pourrait toutefois difficilement être mis en place dans les conditions actuelles, notamment pour des considérations liées à la politique politicienne et au partage du gâteau politique entre les différents partis au pouvoir. « Ce gouvernement doit s’en aller. Accordez votre soutien à un gouvernement d’experts neutre qui puisse obtenir la confiance de la population et de l’étranger », a lancé Samy Gemayel hier lors d’une conférence de presse au siège du parti à Saïfi. S’adressant aux dirigeants, M. Gemayel a lancé : « Le complot, c’est vous. Le complot, c’est lorsque vous avez scellé le compromis du partage du pouvoir et que vous vous êtes réparti le gâteau et mené le pays vers la situation actuelle. »

Les propos de M. Gemayel interviennent au moment où le pays traverse une grave crise économique et à l’heure où les appels à la démission du gouvernement se multiplient. Dimanche dernier, des centaines de manifestants avaient dénoncé dans la rue cette situation économique délétère. Pour les milieux proches du président de la République, ces manifestations sont le résultat d’une campagne orchestrée visant à mettre en échec le mandat du chef de l’État.

Pour l’ancien député et constitutionnaliste Salah Honein, gouvernement de technocrates ou pas, « posséder des qualités de technocrate devrait être une condition à remplir pour toute personne travaillant dans le domaine politique ». Néanmoins, l’expertise n’est pas une condition suffisante. « Si nous avons des ministres technocrates affiliés à des partis politiques, ils vont forcément suivre leurs directives. Les technocrates qui accèdent au pouvoir devraient avoir une très grande marge d’indépendance pour que cela puisse fonctionner », estime M. Honein. « En outre, ces technocrates, non affiliés à des formations politiques, devraient avoir le sens de la chose publique, être capables de diriger », ajoute-t-il.

M. Honein estime que l’ancien ministre de l’Économie, Bassel Fleyhane (mort des suites de ses blessures lors de l’attentat qui a coûté la vie au Premier ministre Rafic Hariri en février 2005), incarnait l’exemple du technocrate doué pour la politique. « Bassel Fleyhane était un technocrate brillant, qui avait également un sens politique affirmé et l’intelligence du terrain », estime-t-il.Même son de cloche du côté de l’ancien président de la République, Michel Sleiman, qui préconise idéalement « un cabinet d’experts indépendants et non liés à des formations politiques ». « Sauf que le Liban est aujourd’hui gouverné par un cabinet d’union nationale puisque le pays pratique une démocratie dite consensuelle. Les choses étant ce qu’elles sont, j’appelle donc le président de la République à nommer des technocrates indépendants (parmi les ministres relevant de la quote-part du chef de l’État). Ces ministres ne devraient pas, de ce fait, assister aux réunions d’un bloc politique particulier, comme c’est le cas aujourd’hui », ajoute M. Sleiman, dans une critique claire de Michel Aoun et des ministres qu’il a désignés et qui se réunissent avec le bloc parlementaire du Liban fort.


(Lire aussi : Samy Gemayel aux responsables : "Le complot, c'est vous")

« Les technocrates n’auront aucun pouvoir »

Pour l’ancien ministre Boutros Harb, un gouvernement de technocrates serait possible au Liban « à condition que les forces politiques donnent leur aval ». « Mais comme les partis politiques ne sont pas prêts à laisser tomber leur présence au gouvernement et que le pays est dirigé sur une base confessionnelle, un cabinet de technocrates est difficile à mettre en place. Si les forces politiques du pays, notamment celles qui possèdent des armes, ne sont pas d’accord, un tel cabinet n’obtiendra jamais la confiance requise », souligne M. Harb.

« Tout porte à croire qu’une telle option n’est pas possible en ce moment. Les partis politiques auront peur de ne pas avoir le même poids qu’ils ont aujourd’hui au sein du gouvernement. D’ailleurs, je ne sais pas à quel point le Premier ministre Saad Hariri peut être sûr de revenir à la tête d’une nouvelle équipe ministérielle », lance l’ancien député de Batroun.

L’analyste politique Samy Nader est encore plus catégorique. Un tel gouvernement « ne pourrait pas fonctionner au Liban, car les technocrates n’auront aucun pouvoir », affirme-t-il. « Les forces politiques monopolisent la représentation au sein du cabinet aujourd’hui. Ces forces sont elles-mêmes incapables de prendre des décisions autrement que dans une logique distributive. Dès lors, comment pourraient-elles accepter de mandater des technocrates ? Je ne pense pas que les partis politiques au pouvoir soient prêts à le faire car chacun d’eux préserve précieusement sa part du gâteau », souligne l’expert. « Dans les conditions actuelles, tout technocrate désigné à la tête d’un ministère n’aurait pas de liberté décisionnelle », ajoute-t-il.Le seul gouvernement à avoir été formé entièrement de technocrates dans l’histoire du pays a été mis en place en 1970 sous la présidence de Sleiman Frangié. Il avait été qualifié de « gouvernement des jeunes » et le journaliste Ghassan Tuéni, qui faisait lui-même partie du cabinet, l’avait décrit comme étant un « gouvernement des inconnus ». « Des ministres de ce gouvernement avaient essayé de mettre des réformes en œuvre, mais se sont heurtés à beaucoup de difficultés. » À l’époque, le gouvernement était présidé par Saëb Salam qui, lui, n’était pas un technocrate, mais un homme politique traditionnel, précise un expert, ayant tenu à garder l’anonymat. Saëb Salam n’a pas vraiment soutenu les réformes présentées par les ministres et certains ont dû démissionner, à l’instar d’Émile Bitar, ministre de la Santé. »


Pour mémoire 

Les évêques maronites appellent une nouvelle fois à la formation d’un gouvernement de technocrates

Pourquoi l’idée d’un gouvernement de technocrates n’est pas viable

Décentralisation, alternance ou gouvernement de technocrates face à la culture du compromis

À chaque crise politique que traverse le Liban, la même question ressurgit : la solution se trouverait-elle dans la formation d’un gouvernement de technocrates ? C’est Samy Gemayel, député du Metn et chef des Kataëb, qui a relancé le débat hier sur cette question, lors d’une virulente diatribe au cours de laquelle il a appelé le gouvernement actuel à laisser la place à un...

commentaires (14)

Pourquoi se casser la tête, donnons les clés de la baraque à Xi Jing Ping et il nous imposera de l'ordre style General Tao.

Wlek Sanferlou

23 h 28, le 04 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • Pourquoi se casser la tête, donnons les clés de la baraque à Xi Jing Ping et il nous imposera de l'ordre style General Tao.

    Wlek Sanferlou

    23 h 28, le 04 octobre 2019

  • Pourquoi parler de l'arsenal de la résistance libanaise à la place de ceux à qui ça fait mal , très mal . ET JE PARLE AU PRESENT , IF YOU GET WHAT I MEAN ! Si je devais parler au future , je n'ai pas la chance de posséder une boule de cristal comme ceux qui en ont une , mais fabriquée en Chine ou au Viet Nam .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 31, le 04 octobre 2019

  • L’arsenal de la resistence est anticonstitutionel. Il n’est dans aucun text de loi, aucune directive d’etat et aucun article de la constitution. Certains n’ont que sa a la bouche matin midi et soir. Sinon faudra faire avec les sanctions qui font mal qui font mal. La chute fera encore plus mal

    Thawra-LB

    12 h 23, le 04 octobre 2019

  • NOUS N´ALLONS JAMAIS FAIRE UN PAYS AVEC CETTE LANGUE ARABE MEME AVEC DES SUPER TECHNOCRATES

    Azar Claude

    12 h 19, le 04 octobre 2019

  • Technocrates ou informaticiens ou tout ce que veut petit descendant des gemayel , mais qui que se soit il faudrait que ce gouvernement signe dans sa TOTALITÉ QU'ON NE TOUCHERA PAS À L'ARSENAL HYPER PERFORMANT DE LA RÉSISTANCE LIBANAISE DU HEZB. Si cela est POSSIBLE DE FAIRE, demain matin très tôt nous aurons nos technocrates dans le pays . Hey ! What did you expect ?

    FRIK-A-FRAK

    10 h 26, le 04 octobre 2019

  • La malédiction du communautarisme mine ce pays... Mais pouvait il en être autrement... Plus économiquement...sans "partage du gâteau...d'ailleurs minuscule" C'est la ranson pour obtenir "la paix intérieure"... Dans un pays ou des communautés puissantes se regardent "comme des chiens de faïence" Béni soit cet "équilibre numérique" qui vaut la paix intérieure dans ce pays, le seul parmi les voisins qui vit en paix... Et il demeure l'espoir de voir le gâteau prospérer à la faveur des découvertes de petrole

    Chammas frederico

    10 h 04, le 04 octobre 2019

  • LE PARMACIEN OU MEDECIN A LA SANTE,,,,

    michel raphael

    09 h 22, le 04 octobre 2019

  • LES POLITITIENS AUX OUBLIETTES ,,, PLACES AUX ORDRES ET SYNDYCATS,,, NI PARTISAN NI POLITICIENS... --PRESIDENCE DU CONSEILS:::CHAMBRES DU COMERCES ET DE L'INDUSTRIE,, --JUSCTICE;; LORDRES DES AVOCATS,... --AFFAIRE ETRANGERE ::::EMIGRES DE WASHIGTON. --AGRICULUTURE,,AGRICULTEUR... --TRAVAUX PUBLIQUE:::ARCHITECTE ... --FINANCES BANQUIER,... --EDUCATIONS NATIONALES,,ORDRES DES PROFESSEURS... --AGRICULTURE,ING AGRONOME,, ..IMFORMATION A N N U L E R --COMUNICATION :::INGENIEURE... TRANSPORT,,,SYNDICAT DES CHAUFFEURS,,, TOUS DOIVENT ETRE SYNDIQUES EST DOIVENT REPORTER A LEUR SYNDUCAT,,,, LE VICE PRESIDENT NOMME PAR L;EVEQUE DE BEIRUT..

    michel raphael

    09 h 14, le 04 octobre 2019

  • "... au moment où le pays traverse une grave crise économique ..." Vous êtes sûrs que vous avez le droit d’écrire ça?

    Gros Gnon

    08 h 47, le 04 octobre 2019

  • UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES AU LIBAN NE FERAIT AUCUNE DIFFERENCE CAR CHAQUE COMMUNAUTE ET CHAQUE PARTI EN NOMMERAIT UN CERTAIN NOMBRE DE MINISTRES ET LE SYSTEME DIT CONSENSUEL... SYSTEME DE MARCHANDAGE ET DE PARTAGE... Y PREVALERAIT ET PARALYSERAIT UN TEL GOUVERNEMENT. CHAQUE PARTI DICTERAIT AUX SIENS LEUR COMPORTEMENT. IL FAUT UN CHANGEMENT RADICAL ET CA COMMENCE A LA BASE PAR LES ELECTEURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 28, le 04 octobre 2019

  • Certains ministères devraient être gérés par des professionnels du métier et particulièrement ceux des finances et de l'économie. Ces ministres technocrates peuvent être affiliés à des partis politiques et suivre leurs directives. Soit le Liban est en crise soit il ne l'est pas.

    Zovighian Michel

    07 h 52, le 04 octobre 2019

  • "un cabinet de technocrates ne pourrait pas fonctionner". Autrement dit, le Liban est définitivement ingouvernable. Car le gouvernement actuel (comme ceux qui l'ont précédé), formé selon la recette de la macédoine de légumes est évidemment incapable de la moindre réforme capable de sauver le pays.

    Yves Prevost

    07 h 18, le 04 octobre 2019

  • UN TECHNOCRATE ARRIVE AU POUVOIR AU LIBAN ! UNE BELLE BLAGUE. LES TECHNOCRATES ONT FUIENT CE PAYS DEPUIS TÈS LONGTEMPS, LE LIBAN N'EST NI UN PAYS NI UNE NATION. LES GENS NE SE RESSEMBLENT PLUS, NI DE PRES NI DE LOIN. C'EST LA RELIGION QUI COMPTE. LES CHIITES FORMENT LE LIBAN IRANIEN. LES SUNNITES LE LIBAN ARABO/SAOUDIEN. LES CHRÉTIENS SONT DEVENUS DES MERCENAIRES, TRAVAILLANT POUR L'IRAN OU L'ARABIE SAOUDITE. LES VRAIS PATRIOTES SONT ÉCRASÉS COMPLÈTEMENT. ZÉRO CHANCE POUR LEURS ENFANTS. CEUX QUI ONT ENCORE UN PEU LES MOYENS QUITTENT CET ENDROIT, HÉLAS LES AUTRE CRÈVENT SUR PLACE. C'EST LA TRISTE RÉALITÉ. LE LIBAN N'EST PAS UNE NATION ET MALHEUREUSEMENT, NE LE SERA JAMAIS.

    Gebran Eid

    03 h 51, le 04 octobre 2019

  • Les technocrates peuvent aussi représenter des courants politiques, il n'y a pas contradiction. Par exemple, le ministre de la santé actuel est plus technocrate que politique.

    Shou fi

    00 h 17, le 04 octobre 2019

Retour en haut