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Lifestyle - Vient de paraître

Sur les traces d’Henri Eddé, un des grands protagonistes de l’architecture moderne au Liban

Une première étude rédigée par Joseph el-Hourany revient sur l’œuvre de cet architecte urbaniste, audacieux et rigoureux, qui a marqué son époque.


Henri Eddé, en 1965.

Joseph el-Hourany vient de signer la première étude architecturale consacrée aux réalisations de Henri Eddé qui, en sus d’architecte, fut ministre, président de l’ordre des ingénieurs et architectes, secrétaire général de l’Union internationale des architectes (UIA) et président du Comité de l’habitat et de la planification des Nations unies.

L’affaire n’était pas simple, peu d’archives sur le travail de cet architecte urbaniste de la seconde moitié du XXe siècle étant finalement disponibles. Joseph el-Hourany, architecte, urbaniste et professeur à l’Université de Balamand, a relevé le défi avec son ouvrage Henri Eddé, architecte moderne.

À travers ce livre Joseph el-Hourany explore en détail dix résidences, six immeubles, un hôpital (le Sacré-Cœur) et une église conçus par M. Eddé. Pour pallier le manque d’archives, l’auteur, assisté de son épouse Laurice Jabbour et de Paul Boghossian, s’est employé à redessiner les plans des bâtiments sélectionnés.

Le résultat est impressionnant puisque tout est là pour permettre la compréhension de leurs caractéristiques : dessins, coupes, axonométrie détaillée, élévations, types d’espace, matériaux utilisés… auxquels viennent s’ajouter des clichés de façades et de vues intérieures.

L’ouvrage est le résultat d’une scrupuleuse expédition à la recherche des traces qu’Henri Eddé a laissées. Expédition d’autant plus ardue que son bureau avait été pillé et brûlé au début de la guerre civile. Ce qui explique la disparition des archives. Aussi, en parcourant ce livre, peut-on constater l’énorme travail déployé par Joseph el-Hourany pour restituer une œuvre qui, écrit-il, « a enrichi la culture architecturale du Liban d’une nouvelle assisse, en rupture avec la tradition du mandat français et des prototypes désuets de l’architecture traditionnelle ; un ajout resté jusque-là inexploré ».

Un esprit audacieux et volontaire

Parce que c’est bien d’une œuvre qu’il s’agit lorsqu’on aborde la vie professionnelle d’Henri Eddé (1923-2010), personnalité d’envergure qui avançait dans la vie la tête haute, ne se soumettant qu’aux exigences rigoureuses de ses valeurs et de ses principes. Il l’avait bien prouvé, lorsqu’il avait été par deux fois ministre (des Travaux publics et de l’Éducation), sous le mandat du président Sleiman Frangié. Le seul ministre dans l’histoire du Liban à avoir été destitué de ses fonctions parce qu’il avait opté pour le changement et avait décidé de placer l’intérêt public au-dessus de tous les intérêts personnels et catégoriels.

L’homme était notamment connu pour sa liberté d’esprit, sorte de label dont ont hérité ses enfants. Dans une préface magnifique, l’une de ses deux filles, l’écrivaine Dominique Eddé, brosse d’un ton juste et tendrement soutenu un portrait objectif et émouvant de son père, qui éclaire sa singularité, sa complexité, son avant-gardisme et son courage.

Joseph el-Hourany, « architecte » de cet ouvrage, a bien constaté ces aspects de la personnalité d’Henri Éddé. Aussi a-t-il abordé ce projet dans l’esprit qui a marqué le travail de l’architecte lui-même. C’est-à-dire en faisant preuve d’une même audace et d’une rigueur à la hauteur de la sienne. Rigueur dont M. Hourany dit que « dans ses constructions, la rigueur logique se transforme en évidence formelle : elle devient architecture ». Son texte présente et analyse le travail architectural d’Henri Eddé, souligne sa plus-value et sa sympathie pour les courants occidentaux d’avant-garde, en précisant que l’expérience qu’il en a eue « explique aussi, dans sa complexité, le rapport entre son esprit rationnel et une poétique nettement esthétique caractéristique de son génie ».

L’auteur nous apprend que c’est avant ses 33 ans qu’ont été réalisés les dix meilleurs projets de l’architecte Eddé qui « a bien saisi l’opportunité de construire un nouvel espace se situant entre culture occidentale et contexte oriental ».

Il avait donné à la capitale son caractère de cité internationale

Évidemment, on ne saurait évoquer l’architecte disparu sans rappeler la polémique soulevée par ce que Joseph el-Hourany appelle « l’application de son rationalisme » au projet urbain de reconstruction du centre-ville dont il avait été chargé par Rafic Hariri, et décrite par l’auteur comme étant sage, équilibrée et contextuelle. Quand il avait décelé la volonté des décideurs de détourner de leurs objectifs les études qu’il avait établies, Henri Eddé avait claqué la porte. Dans un livre intitulé Le Liban d’où je viens, paru en 1997 aux éditions Buchet/ Chastel, l’architecte Eddé dénonce, sans complaisance, ce « pouvoir acquis et conservé par l’argent », et livre ses observations sur un pays où « la démocratie est bafouée », « la justice dévaluée » et « l’administration réduite à sa plus simple expression ».

Joseph el-Hourany note au passage que la question du plan urbain du centre-ville de Beyrouth mérite, à elle seule, un ouvrage. Il regrette aussi l’absence de toute étude architecturale couvrant la période allant de l’après-mandat français jusqu’au début de la guerre civile de 75. Selon lui, en tout cas, Henri Eddé aura été de ceux qui ont su donner à Beyrouth « son caractère moderne de cité internationale ».

De Yarzé à Beyrouth, il laisse éclater son talent

Les plans et les photos illustrent une architecture fortement inscrite dans son contexte, comme sa maison à Yarzé, ou celle conçue pour Georges et Sonia Abou Adal à Mar Moussa, une sculpture horizontale qui semble naître du paysage et « qui doit sa poésie à l’ordonnance et à la légèreté de ses espaces ». Avec son volume invisible de la rue, la maison réalisée à Baabda pour Antoine Naufal, en 1954, entretient « un rapport remarquable avec son site ». D’autres également font la part belle au paysage : la villa de Nicolas et Nena Trad (1951) ; celle de Pierre et Madeleine Hélou à Hazmieh (1953) ; la maison de Pierre et Emma Wardé à Yarzé dessinée en collaboration avec Maurice Bonfils et Rassem Badran (1963) ; deux maisons à la montagne et d’autres réalisations méconnues du public. Deux cent quinze pages offrent une perspective à la fois historique et technique de ses principaux édifices, dont le centre commercial Byblos, dans le quartier Saïfi, une œuvre moderne créée en 1960 en association avec Pierre el-Khoury et détruite au début de la guerre. L’on s’attardera, aussi, sur l’hôpital du Sacré-Cœur à Hazmieh (1958) réalisé avec l’urbaniste français Écochard, sur le bâtiment de la Bank Beirut and Ryad ainsi que celui de la Banque de l’industrie et de l’habitat, construits respectivement en 1966 et 1967. Des édifices qui illustrent tous les talents d’Henri Eddé. Henri Eddé aurait assurément aimé ce livre qui lui rend hommage, d’abord parce qu’il lui est fidèle. Il lui ressemble par son élégance, sa sobriété, sa rigueur, sa précision, voire par son perfectionnisme, non seulement dans la conception, mais aussi dans le récit de son parcours d’architecte d’un modernisme d’avant-garde.

L’ouvrage Henri Eddé, architecte moderne marque le début d’une collection dédiée aux architectes libanais qui sera publiée par l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) et l’Université de Balamand. Un ouvrage que Joseph el-Hourany signera demain soir, mardi 1er octobre, à 19h30, à l’ALBA.

Joseph el-Hourany vient de signer la première étude architecturale consacrée aux réalisations de Henri Eddé qui, en sus d’architecte, fut ministre, président de l’ordre des ingénieurs et architectes, secrétaire général de l’Union internationale des architectes (UIA) et président du Comité de l’habitat et de la planification des Nations unies. L’affaire n’était pas simple,...

commentaires (1)

Merci pour ce très beau livre.

Brunet Odile

21 h 04, le 11 février 2020

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Commentaires (1)

  • Merci pour ce très beau livre.

    Brunet Odile

    21 h 04, le 11 février 2020

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