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Culture - L’artiste de la semaine

Michel Abboud, une œuvre d’art en soi

Entre l’art et l’architecture, il a refusé de trancher. Après un parcours d’architecte plus que probant, lui valant des prix glanés à la pelle, Michel Abboud dévoile sa deuxième peau à la faveur d’une première exposition libanaise, « Impressions »*...

Michel Abboud. Photo DR

Jusque-là, on avait l’habitude d’associer son nom à la foultitude de projets, les uns plus ambitieux que les autres, qui ne cessent de fourmiller dans les sous-bois de la firme d’architecture SOMA dont il est le fondateur. En évoquant Michel Abboud, on pensait instinctivement à The One, dans l’île Palm al-Jumeira à Dubaï, aux zébrures mouvantes de l’immeuble du Wave beyrouthin, à un rêve de palmiers californiens au cœur desquels naissait une villa démesurée de Beverly Hills, au Shaza Kempinski Hotel à Doha et au Yacht Club à Bakou. Et l’on croquait la Grande Pomme à belles dents, levant les yeux aux nuages que chatouillera bientôt le 45 Park Place, « la première et seule tour de New York à avoir été conçue par un Libanais ». Ce CV bétonné, au propre comme au figuré, et qui avait valu à son propriétaire des prix glanés à la pelle – entre autres, le James Beard Award en 2015, pour le plus beau restaurant aux États-Unis, The Workshop Kitchen Bar, réalisé à Palm Springs, en Californie, et deux Architizer A+ Award en 2016 et 2017 – avait fait qu’on le cantonnait à sa carrière d’architecte dont il n’a cessé de repousser les limites depuis l’obtention d’un master de la Columbia University, à New York, où il réside et travaille.


Le tremplin
Et lorsqu’on le croyait justement reclus dans ses bureaux à deux pas du Madison Square Garden, à l’affût de la prochaine idée qui l’enverra caresser les cieux, voilà qu’on retrouve Michel Abboud au centre d’une première exposition solo libanaise Impressions qu’accueille en ce moment l’Opera Gallery à Beyrouth. Si ce supposé changement de registre peut dérouter de prime abord, le concerné affirme avoir pourtant « commencé à peindre à l’âge de 13 ans, organisé une première expo à 15 ans et j’avais même monté des installations dans le Dôme de Beyrouth. Toutefois, ces tentatives dans l’art n’avaient pas porté leurs fruits à l’époque, raison pour laquelle j’ai choisi la voie de l’architecture qui me passionnait également ». Ne pas croire pour autant que le vertige de ses plans l’ait fait perdre la boussole de l’art. Et de confirmer : « Même dans ma manière de penser l’architecture, je crois que l’art s’y immisçait sans que je ne m’en rende compte. Dans le cadre de mon master à la Columbia University de New York, je prenais beaucoup de plaisir à travailler sur des logiciels qui permettent d’aborder la construction différemment, en créant des bâtiments à partir d’une unité, un objet, une surface ou une courbe qui est dupliquée à partir d’un code informatique. » C’est d’ailleurs en s’essayant à ces logiciels qu’il conçoit des premières sculptures, imbroglio de cubes qui s’érigent en apesanteur, si bien qu’on se demanderait presque comment celles-ci tiennent. Abboud, qui présente ces œuvres dans le cadre d’Impressions, les décrit comme un tremplin entre les deux pans de sa carrière, « comme une manière de combiner art et architecture. J’ai d’ailleurs toujours conçu la technologie comme une forme de spiritualité à laquelle on est soumis. D’où, d’ailleurs, ma sculpture Totem qui matérialise cette contradiction entre la technologie, à laquelle j’ai fait appel pour la création de cette pièce, et l’objet sculptural. Le contraste entre le possible et l’impossible ».



Repenser la peinture
Aiguillonné par le plaisir que lui procurait la création de ces pièces « en dépit des nuits blanches et de devoir jongler entre mes projets et ce retour à l’art », dit-il, le New-Yorkais d’adoption se calfeutre dans le silence de son loft de Tribeca, face à des premières toiles blanches qu’il taloche à la force de ses tripes. De ce combat à mains nues, avec un pinceau comme seule arme, il retient « une sorte de contre-réaction à mon identité d’architecte, tout cet aspect de moi pragmatique, et très technique. Et puis, je me suis vu exorciser tous mes souvenirs de guerre avec lesquels je n’avais pas rompu. C’était un combat non entre la toile et moi, mais entre moi et moi-même ». Sauf qu’en art comme en architecture, fort d’une curiosité qui grésille au fond de son regard opaque, Michel Abboud ne peut s’empêcher d’interroger sa pratique, d’en retourner les codes, avouant à ce propos : « Je pense que nous avons été conditionnés à concevoir la peinture comme un moyen qui permet d’arriver à une finalité. De mon côté, particulièrement ma série Unfolded, je m’intéresse à la pratique elle-même, à la manière d’un Fontana par exemple. » Pour Unfolded (présentée en septembre 2018 à la Hoerle-Guggenheim Gallery, à New York) donc, l’artiste tortille ses canevas blancs, les enduit d’acrylique blanche, métallique ou cuivrée puis les appose sur un autre support, faisant ainsi sortir les toiles de leurs propres corps et brouillant au passage les frontières entre tableaux et sculptures murales. Et comme Abboud avance d’emblée, « je ne suis pas de ces artistes qui pensent qu’il faut se cantonner à un même geste, j’ai besoin à travers chacune de mes séries de surprendre, et me surprendre en premier », il tient à faire cohabiter au cœur de l’espace de l’Opera Gallery ces travaux, avec deux autres séries, Gemini et Impressions qui naissent d’un même geste et corroborent la pensée de leur concepteur : « L’architecte en moi démarre à partir d’une action, d’une technique, d’une manière de faire, et l’artiste en moi lâche la bride à mes émotions qui se retrouvent planquées sur mes toiles. » D’un côté, comme son nom l’indique, Gemini est constituée d’une enfilade de toiles jumelles traversées d’un ouragan de couleurs, semblables à des tests de Rorschach et dont l’une, vierge, prend forme lorsque l’artiste y superpose l’autre, préalablement constellée d’acrylique. De l’autre, Impressions reprend le même principe, celui d’une toile mère qui s’imprime sur une ou plusieurs toile(s) enfant(s), mais toutefois avec un jeu de densité plus subtil(isé), car « la superposition se fait avec moins de pression que dans le cas de Gemini ». Et de conclure : « De ces deux séries, découlent des toiles connectées, dont l’une ne peut pas exister sans l’autre. » En somme, un peu à l’image des deux faces de la personnalité artistique de Michel Abboud.


21 décembre 1977

Naissance à Beyrouth.

1996

Premières installations dans le Dôme de Beyrouth.

2004

Master en architecture de la Columbia University, à New York.

2015

Prix James Beard Award 2015 pour le restaurant The Workshop Kitchen Bar, à Palm Springs, en Californie.

2016

Début de la construction du gratte-ciel new-yorkais 45 Park Place, faisant de Abboud le seul Libanais à réaliser une tour à New York.

2016

Participation à la Biennale de Design House of Today.

2018

Première exposition solo « Unfolded » à la Hoerle-Guggenheim Gallery, à New York.

2019

Première exposition solo libanaise à l’Opera Gallery.


* « Impressions » de Michel Abboud à l’Opera Gallery, avenue Foch, centre-ville de Beyrouth, jusqu’au 1er octobre 2019.




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Jusque-là, on avait l’habitude d’associer son nom à la foultitude de projets, les uns plus ambitieux que les autres, qui ne cessent de fourmiller dans les sous-bois de la firme d’architecture SOMA dont il est le fondateur. En évoquant Michel Abboud, on pensait instinctivement à The One, dans l’île Palm al-Jumeira à Dubaï, aux zébrures mouvantes de l’immeuble du Wave beyrouthin,...

commentaires (2)

IL FAUT UNE EXPLICATION SUR CHAQUE TABLEAU POUR SUPPOSEMENT COMPRENDRE CE QU,IL REPRESENTE. ET QUAND L,ART DOIT ETRE EXPLIQUE IL N,EST PLUS DE L,ART.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 24, le 27 septembre 2019

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Commentaires (2)

  • IL FAUT UNE EXPLICATION SUR CHAQUE TABLEAU POUR SUPPOSEMENT COMPRENDRE CE QU,IL REPRESENTE. ET QUAND L,ART DOIT ETRE EXPLIQUE IL N,EST PLUS DE L,ART.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 24, le 27 septembre 2019

  • Bravo

    Eddy

    09 h 42, le 27 septembre 2019

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