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Lifestyle - Art

La collection orientaliste de Philippe Jabre a trouvé son musée

Le nouvel établissement logera dans un domaine englobant une ancienne fonderie de cloches à Beit Chabab.


Actuellement résidence privée, elle sera dans un an un musée ouvert au public. Photos DR

Le duo Gaby Daher et Jean-Louis Mainguy sont chargés de concevoir un musée dédié à la collection d’art orientaliste de Philippe Jabre, qui offrira prochainement ses cimaises à 310 peintures, dont quatre œuvres de David Hockney et Andy Warhol (exposées actuellement dans le cadre de Beirut Art Fair), 1 200 photographies et une centaine d’objets qui s’intègrent à l’esprit de la collection.

Le tandem à l’œuvre pour le musée de la collection de Philippe Jabre est en soi un binôme gagnant. D’une part Gaby Daher, expert en art orientaliste et curateur de la collection Philippe Jabre, à la thématique exclusivement libanaise. De l’autre, Jean-Louis Mainguy, architecte d’intérieur connu pour ses décorations spectaculaires, à la fois romantiques, somptueuses et généreuses, qui va recréer l’espace et en concevoir la scénographie, « tout en laissant les bâtiments dans leur jus », précise-t-il.

Il s’agit en effet de reconvertir une ancienne bâtisse du XIXe siècle, résidence d’été de la famille Jabre à Beit Chabab, et la vieille fonderie de cloches acquise par le collectionneur en « un corps de musée » qui offrirait au total 800 m2 d’espaces d’exposition.

Pour l’exposition ponctuelle de Don McCullin, « le Goya de la photographie de guerre », Jean-Louis Mainguy a choisi de plonger la fonderie dans l’obscurité, la transformant en une « une chambre noire », pour ne donner à voir que les clichés réalisés par le photographe britannique. Les fenêtres placardées de contreplaqué peint en noir, les murs habillés d’enduit noir font ressortir par contraste la pierre des magnifiques arcades de ce bâtiment datant du XVIIIe siècle. En complément des murs, le sol, formé à l’origine de sable et de charbon, a été revêtu de béton brut poli. Ambiance et immersion garanties. Mainguy donne à l’exposition de McCullin toute sa magie artistique.

La fonderie comprend également un premier étage qui sera adjoint au rez-de chaussée. De même, des espaces d’exposition scénographiés seront construits au niveau des terrasses extérieures.


Les storytellers de la collection

À un jet de pierre de la fabrique des cloches, se dresse la maison Jabre. Installée au milieu d’une nature sauvegardée, dans un immense domaine à la végétation luxuriante et aux grands arbres portant çà et là des ombres fraîches, elle est l’endroit par excellence pour les peintres orientalistes des XVIIIe et XIXe siècles qui ont peint un Liban qui n’existe presque plus aujourd’hui qu’à travers leurs fascinantes palettes de couleurs.

Conçue aux alentours de 1860, la maison a été agrandie il y a une vingtaine d’années. Le corps du bâtiment rajouté est pour ainsi dire le jumeau de la structure originale. Il a été réalisé en une symbiose parfaite avec la vieille bâtisse. L’entrée se fait sous une grande voûte en arceau construite dans les normes de l’art par des artisans du Chouf, indique M. Mainguy. L’ensemble d’une surface d’environ 500m2 sera transformé en un espace muséographique, où le parcours, la forme et le contenu seront mis en scène. « Les murs seront nécessairement remodelés. Il faut enduire la pierre apparente pour lui donner une belle surface lisse destinée à recevoir les œuvres. » Il ajoute qu’en contrebas du jardin, il y a des pièces qui peuvent aussi être incluses, ce qui donnera plus d’ampleur aux salles d’exposition. Et d’insister sur le fait que « la maison et la fonderie constituent un seul et unique point de départ pour la collection orientaliste de Philippe Jabre ».

« Ce qui compte pour nous, c’est transmettre le contenu avec des émotions », disent d’une même voix les concepteurs du projet, Jean-Louis Mainguy et Gaby Daher. Les storytellers de la collection de Philippe Jabre ont d’ailleurs réussi à relater dans une magnifique mise en scène le thème « Liban… le voyage », exposition organisée dans le cadre de Beirut Art Fair.


David Hockney et Andy Warhol à l’Arena Seaside

Un cliché de la forêt de cèdres saisie en 1847 par Girault de Prangey, qui a été agrandi 2 000 fois sans qu’il ne perde de sa qualité, enrobe la peau extérieure du stand (30m X 12). « Ce daguerréotype, mis aux enchères par la Bibliothèque nationale de France, avait été acquis par Philippe Jabre », relève le curateur Daher. À l’intérieur, un film tourné dans les années trente déroule l’histoire de Yamilé sous les cèdres. Ce long-métrage qui raconte l’histoire d’amour entre une chrétienne de Becharré et un musulman de Tripoli avait été combattu à l’époque.

L’appel du voyage vient toutefois de l’Allemand Michael Zeno Diemer qui a peint l’arrivée d’un voilier sur la côte libanaise avec à l’arrière-plan le mont Sannine enneigé. Cette belle de 1904 avait occupé une page et demie de la gazette Drouot. Un peu plus loin, la rue al-Moutanabi se dévoile, en clin d’œil à Beyrouth d’hier et … à celui d’aujourd’hui ! Elle est illustrée par deux œuvres exécutées par le Britannique Wilson lors de sa visite dans la capitale libanaise au cours des années cinquante. Au monde du bordel se joignent onze figures en bronze, surprenantes par leur grande finesse et leur aspect érotique très amusant. Considérées comme rarissimes, elles ont été réalisées au XIXe siècle par la maison Bergman, à Vienne. Le lupanar est complété par une projection verticale (sur le sol) d’un reportage sur les maisons closes, réalisé sous le mandat français.

Et voilà deux œuvres de David Hockney, le peintre vivant le plus cher de la planète. Hockney a peint cinq toiles sur le Liban. Deux d’entre elles – une vue de la montagne et le portrait d’un personnage, qui, selon Gaby Daher, a été situé à Beyrouth mais non identifié – ont été acquises par Jabre. Les trois autres se trouvent aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art à New York, au musée d’Oxburg en Allemagne et à Londres chez Hayat Mroueh Palumbo.

Autre épatement devant deux sérigraphies et pas des moindres : sur papier monté sur toile, elles sont signées Andy Warhol. Mais ce n’est ni le portrait de Marilyn ni celui du prince Orange. L’artiste américain met en évidence la violence de l’attentat perpétué contre les marines à Beyrouth, en 1983. Unique. Leur dimension est de 60,9 X 50,8 cm.

Les automates fumeurs de narguilé, dans leur habit d’origine, sont également au rendez-vous. Ces objets exceptionnels, fabriqués par Léopold Lambert, datent de la fin du XIXe siècle, époque d’or de l’orientalisme où les boudoirs turcs étaient l’antre caché des bourgeois occidentaux ! Au menu aussi, des poupées en porcelaine en habit mauresque, fabriquées en France. Quatre personnages libanais en composite datant de 1920. Des affiches d’agences de voyage (Air Liban, PanAm, BOAC, etc) et de tourisme du PLM (Paris-Lyon-Mediterranée).

En attendant l’ouverture du musée de Beit Chabab, l’exposition « Liban… le voyage » est à découvrir d’urgence.


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commentaires (2)

Mais ou peut on voir l’expo Liban....le voyage? Nous venons de faire Beyrouth art Fair et nul trace de ce que vous racontez....’

HIJAZI ABDULRAHIM

22 h 06, le 19 septembre 2019

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Commentaires (2)

  • Mais ou peut on voir l’expo Liban....le voyage? Nous venons de faire Beyrouth art Fair et nul trace de ce que vous racontez....’

    HIJAZI ABDULRAHIM

    22 h 06, le 19 septembre 2019

  • La fonderie de cloches de la dynastie Naffaa à Beit Chabab a coulé des centaines de cloches de tous les calibres à la demande d'églises dans presque le monde entier. Je n'ai pas lu leur nom dans cet article.

    Un Libanais

    16 h 24, le 19 septembre 2019

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