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La règle de deux

De par sa vocation et sa raison d’être, le Liban était censé représenter, vaille que vaille, un modèle de diversité. Or c’est sous le signe du dédoublement qu’a tendance à se décliner, depuis quelque temps, l’action politique dans notre pays. Tout se passe en effet comme si les incessants travaux d’entretien qu’exige la délicate mosaïque libanaise, riche de 18 communautés, étaient désormais beaucoup trop fatigants et compliqués pour la classe dirigeante : d’où la funeste fortune que connaît, une peu partout, la règle de deux.


Mais quoi de plus tristement normal, au fond, qu’une si galopante progression du mal libanais ? Depuis des années existe, par la grâce du Hezbollah, un État dans l’État, un et un faisant bel et bien deux. Des années durant, le pays est demeuré divisé en deux camps se réclamant l’un et l’autre, à six jours près, du même et fatidique mois de mars. Et quelle illustration plus saisissante de la schizophrénie nationale que la situation d’un Premier ministre contraint par les impératifs d’unité de façade d’inclure dans son gouvernement un parti tenu par la justice internationale pour le meurtrier de son propre père ?


C’est le même Saad Hariri qui réussissait, ces derniers jours, un beau doublé, en marge d’un déplacement de caractère pourtant familial à Washington. De la capitale US, où il a eu néanmoins une série d’entretiens, notamment avec le secrétaire d’État Pompeo, le chef du gouvernement rapporte une brassée de marques de soutien au pays : moisson suivant de peu plus d’un rappel à l’ordre, et qui permet d’espérer que le pays ne souffrira pas des retombées des sanctions américaines frappant la milice pro-iranienne et menaçant même de s’étendre à certains de ses alliés. Du coup, Hariri s’affirme en interlocuteur privilégié des puissances, à commencer par la première de celles-ci : et, par voie de conséquence, en véritable chef de la diplomatie libanaise, domaine assigné au très controversé ministre Gebran Bassil.


Il est vrai qu’en matière de politique étrangère le Liban, écartelé qu’il est entre ces deux pôles d’influence régionaux que sont l’Iran et l’Arabie saoudite, n’en est pas certes à sa première expérience du genre. L’affaire se corse cependant quand, par le fait de ce même ministre des AE, ce problème de dualité, réelle ou supposée, vient affecter le crédit de la présidence de la République. Devant les journalistes qu’il recevait lundi dans sa résidence d’été de Beiteddine, Michel Aoun a tourné en dérision les commentaires faisant de son gendre et successeur à la tête du parti présidentiel le maître effectif du palais de Baabda. Mais il n’a pas levé pour autant l’équivoque (démarches effectivement distinctes ou simple partage des rôles) qui plane sur la responsabilité précise des errements reprochés au régime.


Dualité quand tu nous tiens : quoi qu’il en soit, plus subtile, encore qu’assez transparente, paraît, en comparaison, la répartition des tâches prévalant au sein du tandem chiite. Au Hezbollah les harangues incendiaires, l’intimidation et les pressions, au mouvement Amal et à son chef, le président de l’Assemblée, la conciliatrice pommade.


Tous ou presque sont passés maîtres dans l’exécution du pas de deux. C’est hélas le ballet qui fait un four.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

De par sa vocation et sa raison d’être, le Liban était censé représenter, vaille que vaille, un modèle de diversité. Or c’est sous le signe du dédoublement qu’a tendance à se décliner, depuis quelque temps, l’action politique dans notre pays. Tout se passe en effet comme si les incessants travaux d’entretien qu’exige la délicate mosaïque libanaise, riche de 18 communautés,...