Il y a dix-huit ans jour pour jour, le Liban connaissait une grave dérive sécuritaire révélant au grand jour l’étendue de l’appareil sécuritaire libano-syrien et la violence avec laquelle il était disposé à réprimer les opposants à la mainmise politique et militaire de Damas sur le pays.
La répression d’août 2001 était une première riposte à la réconciliation druzo-chrétienne de la Montagne, noyau d’une résistance transcommunautaire face à la tutelle syrienne. Le 7 août 2001, au lendemain de la tournée du patriarche maronite Nasrallah Sfeir au Chouf, qui scellera la réconciliation avec le leader de Moukhtara, Walid Joumblatt, plus de 150 militants aounistes et des Forces libanaises sont arrêtés par des unités de l’armée, notamment des renseignements. Ceux-ci prennent d’assaut et saccagent les locaux respectifs du Courant patriotique libre et des FL à Antélias – le film des rafles est diffusé par la MTV en soirée. Pour la première fois depuis 1994 – année de l’arrestation du chef des FL Samir Geagea –, deux hauts responsables chrétiens sont appréhendés : le général Nadim Lteif, alors représentant officiel du courant aouniste au Liban, et Toufic Hindi, ancien conseiller politique de M. Geagea, arrêté à son domicile devant son épouse et sa fille. Élie Keyrouz, cadre FL qui deviendra député de 2005 à 2018, est appréhendé à Bécharré, en même temps que ses trois enfants en bas âge. L’armée confirme les rafles et fait état de « réunions non autorisées ». Des motifs que les figures de l’opposition définissent comme un retour vers les procédés totalitaires d’une époque révolue. Le 8 août, pendant que Walid Joumblatt exige le limogeage des responsables des arrestations, le patriarche maronite dénonce la répression, et les assises de Qornet Chehwane, par la bouche de Samir Frangié, s’élèvent contre l’État policier. En soirée, nouvelles représailles : sept membres du Parti national libéral sont interpellés au siège du parti où se tenait une réunion préparatoire au sit-in de protestation prévu le lendemain par l’ordre des avocats, devant le Palais de justice.
Ce n’était qu’un avant-goût du déchaînement brutal des SR que subiront les protestataires le 9 août 2001 au cours de ce sit-in : les agents de l’État – et notamment des services de renseignements en civil – passent à tabac jeunes femmes et hommes, partisans (aounistes, Kataëb, FL et PNL) ou indépendants, les traînant, les empoignant, les rouant de coups de pied ou de poing avant de les embarquer. Seront notamment interpellés l’actuel chef des Kataëb, alors étudiant, Samy Gemayel, Amine Assouad, l’avocat Ziad Assouad, l’actuel ministre Fady Jreissati (CPL), alors responsable de la section estudiantine du courant aouniste. Certains sont blessés et transférés à l’Hôtel-Dieu.
Les images de cette journée sont devenues symboliques du bras-de-fer opposant désormais ouvertement l’opposition civile et politique à l’appareil militaire. Plus de retour possible: la bataille se transpose au Parlement. En réprimant l’opposition, cet appareil n’a fait que la catalyser.
Pour mémoire
Jamil Sayyed descendu en flèche par les anciens militants du 7 août
Que reste-t-il de l’héritage des rafles du 7 août 2001 ?
commentaires (6)
Rien que lire ceci. Et voir où on en est aujourd'hui?? Ca fait de la peine.
LE FRANCOPHONE
22 h 41, le 07 août 2019