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Nos Lecteurs ont la Parole - par Peter GERMANOS

Observations quant au naufrage des civilisations

Je confesse avoir lu l’ouvrage d’Amin Maalouf Le naufrage des civilisations d’un seul trait. Cela m’a fait l’effet d’un bon single malt. Mais un arrière-goût demeurait.

Au début de son livre, Maalouf parle d’un idéal levantin, j’estime qu’il parlait de son enfance avec nostalgie, puisqu’il n’y a jamais eu d’idéal levantin. Soyons francs et directs, les minorités levantines n’ont jamais vécu une situation idéale. Certaines périodes de l’histoire étaient, peut-être, moins pires que d’autres. Que la famille de l’auteur ait dû faire face aux effets de la décolonisation, tel fut le cas en effet de millions de personnes allant des pieds-noirs en Algérie jusqu’aux boat people au Vietnam. Que Nasser et l’URSS aient fini par détruire les économies du Moyen-Orient et de l’Europe de l’Est n’est plus un secret de polichinelle. Qu’il y ait eu une guerre civile atroce au Liban qui profita à Athènes, Istanbul et Dubaï ne constitue pas un événement déterminant du cours de l’histoire. Que les États-Unis d’Amérique aient instrumentalisé le soi-disant islam politique est une simple histoire de gestion d’empire. Que le pays d’adoption de Maalouf, et je veux dire par là la bien-aimée France, subisse depuis des années les convulsions de la mobilité venant du continent africain demeure un détail dans le mode mondialisé, hyperconnecté et multipolaire qu’est le nôtre.

Exception faite du Mont-Liban, toute la région, et ce depuis le début de l’histoire, faisait partie intégrante d’empires. Il n’y a jamais eu de nations levantines. Ce fut juste une région, une géographie. Quand Israël prit pied sur les rives orientales de la Méditerranée, le phénomène avait bien des antécédents historiques similaires et fut vécu par les peuples levantins comme une résurgence de la colonisation occidentale, une extension de l’empire européen, voire une nouvelle croisade. En effet, les réussites et les tragédies humaines n’ont rien de nouveau.

Ce qu’il y a vraiment de nouveau, c’est que la génération de Maalouf a vécu des transformations humaines et sociétales inouïes et inédites. Avant l’ère de l’auteur, on naissait et mourait dans le même monde. Les choses semblaient être statiques, apaisantes, et les repères stables. L’académicien est né en 1949, la presque totalité des villages levantins vivaient toujours dans le Moyen Âge. À la fin des années cinquante, la région fut témoin du panarabisme conquérant et du début du modernisme. Il faut bien le souligner, un modernisme importé, étranger et sans profondeur. Les décennies suivantes furent pour le Levant des décennies perdues, ainsi que les siècles précédents. Mais il faut bien souligner que ni le Levant ni la France ne constituent aujourd’hui le nombril de l’humanité. Son cerveau et sa force se trouvent aux Amériques, sa démographie et son dynamisme en Asie, son histoire et sa culture en Europe. Les différentes percées dans la médecine, la technologie et l’intelligence artificielle promettent déjà une extension de la durée de vie et une communication du savoir inédite. Le monde est en train, encore une fois, de changer. Parler de naufrage est une opinion qui prête à débat.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Je confesse avoir lu l’ouvrage d’Amin Maalouf Le naufrage des civilisations d’un seul trait. Cela m’a fait l’effet d’un bon single malt. Mais un arrière-goût demeurait. Au début de son livre, Maalouf parle d’un idéal levantin, j’estime qu’il parlait de son enfance avec nostalgie, puisqu’il n’y a jamais eu d’idéal levantin. Soyons francs et directs, les minorités...

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