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Moyen Orient et Monde - Sanctions

L’Iran se rapproche de ses voisins d’Asie centrale

Téhéran n’hésite pas à mettre en avant les liens culturels et historiques qui unissent les pays de la région.

Acculé par les sanctions américaines, l’Iran se tourne vers des pays voisins peu dépendants des États-Unis. En première ligne, les pays d’Asie centrale et l’Arménie. Pour initier un tel rapprochement, Téhéran n’hésite pas à mettre en avant les liens culturels et historiques qui unissent ces pays.

C’est ainsi que le 15 juin dernier, le Tadjikistan et l’Iran se sont mis d’accord pour finaliser la construction d’un tunnel reliant deux villes tadjikes importantes, la capitale Douchanbé à Khodjent. Confié à une entreprise de construction iranienne en 2003 et ouvert en 2006, ce tunnel comportait de nombreux dysfonctionnements qui lui valaient le surnom de « tunnel de la mort » par les Tadjiks. À travers ce tunnel, les deux pays ont souhaité se rapprocher sur le plan économique mais aussi diplomatique, en mettant en avant le « lien civilisationnel » qui les unit.


(Lire aussi : Projet de coalition maritime dans le Golfe : les alliés de Washington pas convaincus)


Nouveaux débouchés économiques

Cette démarche s’inscrit dans une stratégie plus globale de l’Iran qui souhaite se rapprocher de ses voisins proches. Le but étant de chercher de nouveaux débouchés économiques afin de contrer les sanctions américaines. Dans ce cadre, Téhéran renforce ses liens avec les pays d’Asie centrale comme l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan, ou l’Arménie dans le Caucase. Ces États sont en effet moins susceptibles d’être bloqués par les États-Unis.

« Un rapprochement vers les pays d’Asie centrale est logique. Il est plus difficile pour les États-Unis de contrôler les transactions entre l’Iran et ces pays-là car il existe davantage de moyens de contournement, du fait de leur proximité géographique et que certaines banques n’ont pas d’intérêts aux États-Unis, explique Thierry Coville, économiste spécialisé de l’Iran et professeur à Novancia. Le paiement par cash est par exemple une option plus envisageable. »

Un tel rapprochement a déjà eu lieu dans le passé. Lors de la mise en place de nouvelles sanctions américaines entre 2010 et 2012, les niveaux d’échanges de pétrole avaient augmenté entre l’Asie centrale et l’Iran. Les exportations de gaz pourraient elles aussi grimper. En mars 2018, le président iranien Hassan Rohani se rendait au Turkménistan – le seul pays d’Asie centrale à avoir une frontière avec l’Iran – dans le but d’augmenter les échanges en hydrocarbures.


Le transports en première ligne

Le marché des hydrocarbures n’est cependant pas le seul secteur utilisé par l’Iran pour augmenter ses échanges économiques. La ligne ferroviaire en construction, reliant Garmsar à Icheboron, deux villes situées respectivement au sud et au nord de l’Iran, devrait servir de liaison avec le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan pour atteindre ensuite la Russie et la Chine. À travers ce projet ferroviaire, Téhéran cherche à s’inscrire dans la dynamique du projet chinois des routes de la soie, et ce malgré la menace des sanctions américaines.

L’Ouzbékistan a également fait part de sa volonté de renforcer son partenariat avec l’Iran. En novembre 2018, l’ambassadeur ouzbek à Téhéran parlait de faire passer le volume d’échanges entre les deux pays de 400 millions à un milliard de dollars, évoquant les opportunités dans les secteurs de la construction, de l’agriculture, du pharmaceutique et des hydrocarbures. Comme pour le Turkménistan, l’élargissement des voies de communication est une priorité. Ainsi, un projet d’ouverture de ligne aérienne entre l’Ouzbékistan et l’Iran est en cours de discussion. La ligne de chemin de fer qui devrait relier Chabahar, le grand port du sud de l’Iran, avec l’Ouzbékistan est aussi d’une importance stratégique pour les deux pays.

« Diplomatie culturelle »

Les relations entre ces pays d’Asie centrale et l’Iran ne sont pas nouvelles. Dès le début des années 1990, après la chute de l’URSS, Téhéran a modifié son discours, passant d’une rhétorique d’exportation de la révolution islamique à une vision plus pragmatique. « L’Iran se rend de plus en plus compte que son marché naturel est régional. Ce n’est pas l’Europe. Or, pour faire fructifier ces relations, rien de mieux que de mettre en avant les liens culturels et historiques », analyse Thierry Coville.

Dans ce domaine, l’Iran n’hésite pas à utiliser une véritable « diplomatie culturelle » pour se rapprocher de ses voisins centre-asiatiques. « La République islamique d’Iran et l’Ouzbékistan devraient reconnaître leur identité culturelle commune et bâtir leur civilisation moderne sur ce principe », déclarait un haut responsable iranien lors de sa visite en Ouzbékistan en mai dernier.


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Impasse azérie

La mise en avant d’une culture commune ne fonctionne pourtant pas toujours. Les relations entre la République islamique et l’Azerbaïdjan ne sont pas bonnes. Pourtant, les Azéris représentent la minorité la plus importante d’Iran et 85 % de la population de ce pays caucasien est chiite. Il existe aussi une longue histoire commune entre les deux pays puisque Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, était un haut lieu du zoroastrisme, une religion pré-islamique originaire de Perse. L’Iran a d’ailleurs dominé les Azéris jusqu’aux conquêtes russes du XIXe siècle. Aujourd’hui, Téhéran se méfie de ce pays très proche d’Israël, de la Turquie et des États-Unis, et dont les ressources gazières communes en mer Caspienne sont source de tensions. La peur d’une volonté sécessionniste de la minorité azérie d’Iran est également présente.

Pour toutes ces raisons, l’Iran préfère se tourner vers le voisin chrétien arménien. Les relations de ce petit pays avec l’Azerbaïdjan sont aussi très mauvaises, en raison du conflit autour de la région du Haut-Karabakh. L’Arménie apparaît comme un allié fiable pour Téhéran qui y voit une petite porte d’entrée vers l’Europe. L’histoire commune entre les deux pays est aussi mise en avant pour légitimer ce rapprochement entre la République islamique et ce pays chrétien. Tant sous les périodes parthe, sassanide que séfévide, la Perse a toujours eu une influence importante dans le pays.

L’Arménie est aussi vue par l’Iran comme un moyen de conserver des liens forts avec la Russie, elle aussi très présente dans le pays. Un rapprochement entre Moscou et Téhéran s’était opéré dans la région au début des années 2000 pour contrer les partenariats gaziers opérés par la Turquie, les États-Unis et l’Azerbaïdjan. Aujourd’hui, on estime qu’environ 8 000 Iraniens vivent en Arménie et une politique touristique est mise en place entre les deux pays afin d’augmenter les échanges.

Étranglé par les sanctions économiques, l’Iran cherche à se concentrer sur ses voisins proches que sont les pays d’Asie centrale et du Caucase afin de limiter au maximum les dégâts causés par Washington sur son économie. « Ce rapprochement ne suffira pas à maintenir à flot l’économie iranienne, mais il ne fera pas de mal. Les Iraniens sont à la recherche de devises. Tout est bon à prendre. Le régime est dans une logique de tenir jusqu’aux prochaines élections américaines », constate Thierry Coville.




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commentaires (1)

Un proverbe chinois dit que même une montre à l'arrêt dit 2 fois la VÉRITÉ. S'il pleut à l'Ouest, il fait beau à l'Est , le tort des prédateurs occidentaux c'est de croire qu'ils sont incontournables et indispensables avec leurs sanctions stériles , ils sont tombés sur un os , un pays et un peuple fier qui veut disposer de ses ressources et de son destin . Tant pis pour ces PRÉDATEURS mendiants imbus de leur personne et arrogant .

FRIK-A-FRAK

10 h 57, le 20 juillet 2019

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Commentaires (1)

  • Un proverbe chinois dit que même une montre à l'arrêt dit 2 fois la VÉRITÉ. S'il pleut à l'Ouest, il fait beau à l'Est , le tort des prédateurs occidentaux c'est de croire qu'ils sont incontournables et indispensables avec leurs sanctions stériles , ils sont tombés sur un os , un pays et un peuple fier qui veut disposer de ses ressources et de son destin . Tant pis pour ces PRÉDATEURS mendiants imbus de leur personne et arrogant .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 57, le 20 juillet 2019

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