Le Saint-Siège confie à Aoun son souci « pour l’unité et la stabilité du Liban »

« Le Saint-Siège tient beaucoup à la stabilité et à l’unité du Liban », a déclaré hier le nonce apostolique Joseph Spiteri, reçu hier au palais de Baabda par le chef de l’État, en compagnie du chargé d’affaires Ivan Santus.

Dans ce même esprit, le nonce a endossé la candidature du Liban au projet onusien de création d’une Académie de rencontre et de dialogue entre les hommes.

On sait que le président Michel Aoun avait annoncé au dix-septième sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Erevan (Arménie), avoir présenté aux Nations unies la candidature du Liban pour qu’il devienne le siège officiel de « l’Académie de rencontre et de dialogue entre les hommes ».

Mgr Spiteri a assuré au chef de l’État qu’il appuiera inconditionnellement la candidature du Liban auprès des organisations internationales.

« De par sa société pluraliste et multiconfessionnelle, le Liban est un monde en miniature. Après des années d’épreuves nous avons réussi à dépasser les tentations du “vivre entre soi”. Et le “vivre-ensemble” est notre volonté à tous. L’homme est l’ennemi de ce qu’il ignore et de ceux qu’il méconnaît. Percevoir l’autre avec ses différences et ses ressemblances permet la coexistence. D’où l’urgence de créer des institutions internationales spécialisées dans la formation et la diffusion du dialogue entre les civilisations, les religions et les ethnies qui permettraient d’instaurer une culture de la paix », avait affirmé Michel Aoun à Erevan.

La vocation historique du Liban

« Cette vision des choses correspond à la vocation historique du Liban, celle d’être un message de coexistence entre les différentes composantes de la société libanaise », selon une source proche de la nonciature, en allusion aux tiraillements intra et intercommunautaires qui se manifestent en ce moment sur la scène locale, et en référence notamment aux incidents de Qabr Chmoun.

« En ce qui concerne la référence au Liban-message et au vivre-ensemble, elle n’est pas liée uniquement à ce qui s’est passé récemment, mais certainement aussi à ces développements », a indiqué cette source.

Par ailleurs, le nonce a manifesté au président son souci de voir l’homme primer sur les institutions, dans toute philosophie sociale, en particulier en ce qui touche au débat budgétaire. « Les institutions sont au service de l’homme », a-t-il insisté.

Enfin, le nonce a annoncé au chef de l’État qu’un nouveau chargé d’affaires a été nommé par le Vatican au Liban et que Mgr Ivan Santus rejoindra la secrétairerie d’État du Vatican. Le président Aoun a remercié Mgr Santus pour « les efforts qu’il a déployés pendant son séjour au Liban pour promouvoir les relations libano-vaticanes ».

Apaisement et raidissement

Cela dit, l’apaisement le dispute au raidissement dans l’affaire de Qabr Chmoun. C’est ainsi que le Parti socialiste progressiste poursuit sa tournée auprès des instances chrétiennes du Chouf, dans un effort pour dissiper ce que les déclarations malheureuses du chef du CPL, Gebran Bassil, ont pu raviver comme blessures de la période de guerre ( 1975 -1990). Dans ce cadre, une forte délégation d’édiles et cadres du PSP conduite par Teymour Joumblatt a rendu visite au Couvent du Saint-Sauveur, à Joun, pour y féliciter l’archimandrite Antoine Dib, qui vient d’être élu supérieur général de l’Ordre du Saint-Sauveur. Très familier de l’historique du couvent, implanté au nord de Saïda, ce dernier n’a pas manqué de souligner les liens très forts et très anciens qui le relient au fief joumblattiste de Moukhtara. Une autre délégation du PSP menée par les députés Fayçal Sayegh et Henri Hélou a été reçue par l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Abdelsater.

Contrastant avec cette volonté de raffermissement des liens entre les communautés druze et chrétienne, le président du Parti démocratique, le député Talal Arslane, et le ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, continuent de réclamer avec insistance que l’affaire de Qabr Chmoun soit confiée à la Cour de justice.

« La procrastination ne réussira pas et les solutions politiques ne pourront être recherchées aux dépens du sang des gens... », a notamment déclaré M. Arslane. Une rhétorique que le ministre Gharib a tenue pour sa part devant le président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Abdel Amir Kabalan. Deux des gardes du corps du ministre ont trouvé la mort lors des incidents de Qabr Chmoun, rappelle-t-on, tandis qu’un partisan du PSP a été grièvement blessé. M. Gharib est persuadé qu’il a fait l’objet d’un attentat manqué, ce qui justifie à ses yeux l’examen de l’affaire devant la Cour de justice, une juridiction d’exception sans appel qui examine en particulier les atteintes à la Sécurité de l’État.

Notons que dans le cadre des démarches entourant cette affaire, le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, s’est rendu hier à Khaldé au domicile du chef du PDL, en compagnie du ministre d’État aux Affaires présidentielles Salim Jreissati, et a été vu en début de soirée au Parlement, où il a rencontré le Premier ministre Saad Hariri ainsi que le ministre de la Défense Élias Bou Saab en marge du débat sur le budget. Suite à quoi M. Hariri s’est entretenu avec le ministre de l’Industrie Waël Bou Faour, qui s’est ensuite rendu chez Walid Joumblatt. Auparavant, MM. Bou Saab et Bou Faour avaient eu une prise de bec dans l’hémicycle. « L’armée libanaise est chargée de contrôler les frontières et remplit son rôle, mais il faut lui alléger le fardeau en retirant les miliciens des rues », a dit M. Bou Saab. « Il faut débarrasser l’armée du poids des gens provocateurs et des sectaires », lui a répondu M. Bou Faour, en allusion à la mobilisation massive de la troupe que fait Gebran Bassil dans le cadre de ses tournées dans les régions. « Si seulement vous remplissiez votre rôle de ministre de la Défense », a ajouté le député PSP. Aucun règlement de fond n’aurait donc été jusqu’à présent trouvé à cet épisode, à en croire hier le ministre de l’Éducation Akram Chehayeb, et à ce titre, aucune réunion du Conseil des ministres n’est encore en vue, même si M. Hariri a fait état hier d’une séance la semaine prochaine sur la loi de règlement. À l’issue de la réunion place de l’Étoile, le général Ibrahim a estimé que le climat était « à l’optimisme ». Face à la persistance des deux parties à camper sur leurs positions, il serait question dans ce cadre d’un nouveau processus de compromis fondé sur le transfert du dossier devant le tribunal militaire. Mais M. Arslane affirmait encore hier soir qu’il ne transigerait pas sur la question de la Cour de justice.

Pour mémoire

Aoun remercie le pape pour « l’appui vigilant » qu’il apporte au Liban