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Culture - Festival

« J’ai perdu mon corps », ou quand une main dessine les émois de l’âme

Le Grand Prix de la Semaine de la critique ouvre la reprise qui se déroule comme d’habitude au Metropolis Empire Sofil. Cet événement, qui a lieu du 22 juillet au 3 août, est devenu un rendez-vous incontournable grâce à l’Association Metropolis et à l’Institut français.


Un extrait du film d’animation « J’ai perdu mon corps ».

J’ai perdu mon corps est le premier long métrage d’animation de Jérémy Clapin. Il ne devrait pourtant pas être catégorisé ou restreint strictement à un genre. Ni film d’animation pour adultes ni film d’animation tout court, mais un film à la portée poétique et à la dimension qui dépasse le genre, J’ai perdu mon corps a suscité l’engouement du public de Cannes et a décroché le prix Nespresso, c’est-à-dire le Grand Prix de la Semaine de la critique. Section la plus ancienne et la plus exigeante du Festival de Cannes, celle-ci a pour objectif de découvrir et de défendre la jeune création cinématographique en projetant les premières œuvres de nouveaux créateurs.



Une main sectionnée qui se balade

L’héroïne du film est pour le moins singulière. C’est une main coupée. On la voit s’échapper d’un laboratoire de dissection au début du film. Elle suit un but, mais on ignore encore lequel. Le spectateur la suit dans ses aventures et ses mésaventures. On la voit ainsi devenir la proie d’un chien ou de rats enragés, mais elle saute également d’un immeuble à l’autre, d’un train à un métro avec un rythme effréné et haletant. Parallèlement, et à une autre époque, le spectateur assiste à l’enfance de Naoufel, à la perte de ses parents et à son entrée dans la vie adulte. Mais quel rapport au juste entre cette main en cavale et ce jeune homme au regard triste ? Cette main, c’est elle qui relie toute l’histoire. C’est elle qui écrit sur l’écran les lignes du récit. Un récit qui se joue sur deux temporalités qui finissent à la fin par se retrouver. Le passé et le présent se relient grâce à cette main, véritable héroïne à souffle humain.

Pour Jérémy Clapin, ce n’est pas seulement la main qui est le véritable outil du 7e art, mais bien l’ouïe et la vue. D’ailleurs, c’est pourquoi, en proposant à Dan Lévy de composer la musique du film, le réalisateur lui a précisé qu’il en était également le coauteur. Le petit Naoufel est à l’écoute du moindre bruit, tandis que Gabrielle, la fille dont il tombera amoureux plus tard, observe le monde dans ses moindres détails. Clapin, qui avait présenté deux de ses premiers courts-métrages à Annecy, est revenu, après Cannes, projeter son premier long métrage. À cette occasion, il dira : « L’animation a toujours eu du mal à s’installer dans ce territoire-là, du public dit d’“adultes”. Ce qui fait qu’il n’y a que quelques films tous les trois, quatre ans qui arrivent à faire progresser cette cause et à surprendre les spectateurs qui considèrent l’animation comme quelque chose pour les jeunes. Il y a quelques films, comme Persépolis ou Valse avec Bachir, pour rappeler que l’animation peut aussi être utilisée pour un propos mature. Mais beaucoup de ces films sont considérés comme des films pour adultes car ils ont pour sujet la guerre. Toutefois, je trouve qu’il est important, comme c’est souvent le cas au Japon, d’avoir des films qui parlent de la vie quotidienne, pour raconter une histoire adulte sans avoir besoin nécessairement d’être dans un contexte de guerre. »

Adaptée du livre de Guillaume Laurant, Happy Hand, cette fable est à la fois très poétique et très réaliste. Tactile, sonore (la bande originale magnifique est signée Dan Lévy ), mais aussi avec un visuel époustouflant et fluide, puisque noir et blanc et couleurs se relaient ), J’ai perdu mon corps est un film sensuel parce qu’il évoque les cinq sens. Grâce à une main sectionnée, le spectateur vit pleinement des émotions diverses et en est tout remué. On en reste tout bouleversé, même après avoir quitté la salle obscure car le film est puissant par sa charge émotionnelle et sa portée à la fois narrative et pudique.


Programmation de la Semaine de la critique

Lundi 22 juillet

Mardi de 8 à 18h, de Cecilia de Arce (France)

J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin (France).

Mardi 23 juillet

Fakh (The Trap), de Nada Riyadh (Égypte/Allemagne)

The Unknown Saint (Le Miracle du saint inconnu), de Alaa Eddine Aljem (Maroc/France/Qatar).

Mercredi 24 juillet

Ikki illa meint, de Andrias Høgenni (Danemark, 21’)

Tu mérites un amour, de Hafsia Herzi (France).

Jeudi 25 juillet

Kolektyviniai sodai (Community Gardens), de Vytautas Katkus (Lituanie)

Hvítur, hvítur dagur (A White, White Day), de Hlynur Pálmason (Islande/Danemark/Suède).

Vendredi 26 juillet

Naptha, de Moin Hussain (Royaume-Uni)

Vivarium, de Lorcan Finnegan (Irlande/Belgique/Danemark).

Samedi 27 juillet

Programme courts métrages.

Dimanche 28 juillet

Dia de festa (Jour de fête), de Sofia Bost (Portugal)

Litigante, de Franco Lolli (Colombie/France).

Lundi 29 juillet

Abou Leila, de Amin Sidi-Boumédiène (Algérie/France/Qatar).

Mardi 30 juillet

Lucía en el limbo, de Valentina Maurel (Belgique/France/Costa Rica)

Ceniza negra (Cendre noire), de Sofía Quirós Ubeda (Costa Rica/Argentine/Chili/France).

Mercredi 31 juillet

The Manila Lover, de Johanna Pyykkö (Norvège/Philippines)

Nuestras madres (Our Mothers), de César Díaz (Guatemala/Belgique/France).

Jeudi 1er août

Ultimul Drum Spre Mare, de Adi Voicu (Roumanie)

Les héros ne meurent jamais, de Aude Léa Rapin (France/Belgique/Bosnie-Herzégovine).

Vendredi 2 août

Chun jiang shui nuan (Dwelling in the Fuchun Mountains), de Gu Xiaogang (Chine).

Samedi 3 août

Programme courts métrages

Les projections ont lieu à 20h.


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