Rechercher
Rechercher

Perles noires

Telle Salomé exécutant la danse des sept voiles, c’est par touches successives que Jared Kushner laisse entrevoir le contenu de son plan de règlement du conflit de Palestine, qualifié de marché du siècle.


Fin juin, dans le royaume de Bahreïn, le gendre et conseiller spécial du président des États-Unis exposait le volet strictement économique de son projet, lequel devra attendre les élections législatives israéliennes de l’automne pour être divulgué dans ses dimensions politique, territoriale et sécuritaire. Mercredi néanmoins, il promettait d’annoncer, dès la semaine prochaine, les étapes suivantes de son programme ; dans une conférence téléphonique avec des médias arabes, il ne craignait pas d’aborder, à cette occasion, un des thèmes les plus sensibles du contentieux, la question des réfugiés.


Envers ces derniers qui, avec leurs descendants, atteignent aujourd’hui le nombre de cinq millions et demi disséminés entre la Cisjordanie-Gaza, la Jordanie, la Syrie et le Liban, Kushner fait preuve d’une compassion qui sonne franchement faux. Invoquant pragmatisme, faisabilité et viabilité, il commence – et nul ne s’en étonnera, à vrai dire – par exclure toute possibilité d’un retour de ces infortunés dans leurs foyers d’origine. Il reproche au monde arabe de n’avoir pas absorbé beaucoup de ces malheureux, alors que les Juifs des pays arabes ont pu se réinstaller décemment ailleurs. Mais au fait, que pense ce jeune et fringant père la morale de ce sidérant racisme dans le racisme actuellement observé en Israël, de ces Juifs d’Éthiopie en révolte contre les discriminations policières que leur vaut leur couleur de peau ?


Toujours est-il que le très spécial conseiller de Donald Trump croit pouvoir assurer que le Liban est favorable à une solution équitable du problème : le Liban où, se lamente-t-il, les réfugiés sont privés d’accès à la citoyenneté et aspirent à plus de droits et à une vie meilleure. Très charitable et méritoire tout cela, Monsieur Kushner, mais pourquoi donc citer le Liban, et nul autre que ce Liban au cœur de pierre et qui, à vous en croire, revient maintenant à de meilleurs sentiments et se laisse gagner par le sens de l’équité ?


Ne serait-ce que pour avoir passé tant de mois à fignoler sa recette miracle, l’enfant chéri de l’administration américaine devrait pourtant savoir que de tous les pays d’accueil, le nôtre, extraordinaire mosaïque de communautés jonglant constamment déjà avec un précaire équilibre communautaire, est précisément le moins bien armé pour subir, sans risques fatals, une telle greffe. Cette rare diversité, qui fait tout à la fois la force et la faiblesse du Liban, ne devrait pas être ignorée, non plus, des mêmes États arabes aux populations homogènes, aux vastes territoires, aux énormes ressources, et qui prêtent une oreille par trop complaisante aux extravagantes thèses de l’Oncle Sam…


Reste le plus étrange, à savoir l’assourdissant silence radio qui a accueilli, à Beyrouth, les dernières perles noires de Jared Kushner. Le fait est que les vaillants serviteurs de l’État sont vraiment trop occupés à recoller les morceaux de la mosaïque, mise à mal par le jeu national de la politique et des armes. Ne les accablez pas trop, allez : simple question… d’équité.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Telle Salomé exécutant la danse des sept voiles, c’est par touches successives que Jared Kushner laisse entrevoir le contenu de son plan de règlement du conflit de Palestine, qualifié de marché du siècle. Fin juin, dans le royaume de Bahreïn, le gendre et conseiller spécial du président des États-Unis exposait le volet strictement économique de son projet, lequel devra attendre les...