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Décryptages - Décryptage

Le marché de l’art libanais ne connaît pas la crise

Grâce à un éventail de styles divers et une reconnaissance de plus en plus internationale, les artistes de la région ont la cote. Parmi eux, les Libanais tirent admirablement leur épingle du jeu. Artistes modernes et contemporains sont convoités autant dans les ventes aux enchères que dans les galeries, dont la prolifération traduit un engouement certain pour l’art made in Lebanon, et plus récemment celui produit par les femmes.

Toile d’Huguette Caland qui s’est vendue à 242 569 dollars lors de la dernière vente aux enchères de la maison Sotheby’s, réservée à l’art du Moyen-Orient. Crédit : Sotheby’s

Lorsqu’il s’agit du marché de l’art, le réseau des protagonistes est complexe et les enjeux sont de taille. Au-delà de l’équation économique simple, à savoir la rencontre de l’offre et de la demande, plusieurs facteurs sont à prendre en considération. Il y a d’abord les principaux acteurs de ce marché aux contours volatils : les marchands d’art, les galeristes, les collectionneurs, les mécènes, les fondations institutionnelles et/ou familiales, les maisons de vente aux enchères, et les artistes évidemment. Il y a aussi les « valeurs sûres », les classiques, les « nouveaux venus », ceux dont la production est limitée, les certificats d’authentification, les phénomènes de mode, la valeur historique, le statut social, mais aussi la qualité esthétique de l’œuvre elle-même.

Des prix record enregistrés pour des artistes libanais

Pour Hala Khayat, spécialiste de l’art moderne et contemporain arabe, ainsi que de l’art iranien et turc à la maison d’enchères Christie’s, « souvent le prix d’une oeuvre n’est pas en rapport avec sa qualité, mais avec la rivalité que se livrent les collectionneurs lors d’une vente aux enchères. Se positionner en tant qu’artiste convoité n’est pas une mince affaire, surtout dans un pays dont la production artistique n’a pas été mise en avant historiquement. Pourtant, « le Liban réussit à jouer dans la cour des grands », indique à L’Orient-Le Jour Farouk Abillama, ancien financier passionné d’art libanais qui a récemment fondé sa maison de vente aux enchères à Beyrouth. S’il précise que jusque-là, aucune oeuvre libanaise n’a atteint les prix enregistrés par le peintre égyptien Mahmoud Saïd qu’il cite à titre d’exemple*, il soutient toutefois la thèse selon laquelle « le Liban a encore de la marge de progression ». « Les musées internationaux, à la recherche constante de nouveaux marchés à exploiter, se tournent de plus en plus vers la production artistique du Moyen-Orient, et le Liban est un bon filon à exploiter », résume l’expert.



Pour Ashkan Baghestani, directeur chargé des ventes de l’art contemporain arabe et iranien et de l’art turc auprès de la maison d’enchères britannique Sotheby’s, « l’art libanais est depuis 5 ans celui qui enregistre la plus forte croissance parmi les autres marchés de la région ». Dans un entretien téléphonique avec L’Orient-Le Jour, il souligne que plusieurs facteurs expliqueraient ce phénomène : une base de collectionneurs libanais investis et actifs, un intérêt culturel historiquement ancré dans la société libanaise et une diaspora nantie et fière de son héritage. Selon M. Baghestani, la demande pour les artistes modernes demeure importante. Il cite ainsi à titre d’exemples Saloua Raouda Choucair, Huguette Caland, Chafic Abboud, Paul Guiragossian et Etel Adnan parmi d’autres et précise qu’un certain nombre d’artistes contemporains tels que Walid Raad sont de plus en plus convoités. Lors de la dernière vente aux enchères orchestrée par Sotheby’s les 30 avril et 1er mai de l’année en cours autour de la peinture du Moyen-Orient et de la peinture orientaliste, le total des ventes s’est élevé à 24,4 millions de dollars. Force est de noter que deux artistes libanaises ont enregistré leur prix record lors de cette vente. Il s’agit d’Huguette Caland et Etel Adnan. Le tableau sans titre de la première, qui représente une forme féminine, a été adjugé au prix de 242 569 dollars, soit presque trois fois plus que son estimation de base. Celui d’Etel Adnan s’est vendu à 169 798 dollars, alors que l’estimation de base ne dépassait pas 58 000 dollars. Rappelons à cet effet qu’une partie des oeuvres d’Huguette Caland est actuellement exposée au Tate St Ives, dans le cadre de sa première exposition solo au Royaume-Uni, et se poursuivra jusqu’au 1er septembre.

Rendre hommage aux femmes

Si ces deux artistes sont à l’honneur, ce n’est pas tout à fait par hasard. Depuis un certain temps, les experts s’accordent à dire que les femmes se frayent de plus en plus une place de choix lors de la négociation de leurs oeuvres. Huguette Caland et Etel Adnan bien évidemment, mais aussi Saloua Raouda Choucair, Yvette Achkar, Helen Khal, Nadia Saïkali, pour n’en citer que quelques-unes. « Les collectionneurs s’intéressent de plus en plus aux artistes femmes », explique Farouk Abillama qui soutient que pour la plupart, « elles n’ont pas été appréciées à leur juste valeur dans les années 70-80. Le réveil se fait maintenant autant dans la région que dans le reste du monde ». Un point de vue que partage Hala Khayat, qui souligne non sans fierté que 8 lots de toiles libanaises présentées lors de la vente aux enchères Christie’s du mois de mai sont peintes par des femmes (voir encadré).

Les artistes libanais(es) n’ont donc pas fini de dire leur dernier mot. Le seul frein à la réalisation de leur plein potentiel étant une absence de cadre institutionnel, d’une part, mais surtout un manque affligeant de soutien de la part de l’État…

* « Les Chadoufs » de Mahmoud Saïd a été adjugé en 2010 à Dubaï pour 2,43 millions de dollars.

Lorsqu’il s’agit du marché de l’art, le réseau des protagonistes est complexe et les enjeux sont de taille. Au-delà de l’équation économique simple, à savoir la rencontre de l’offre et de la demande, plusieurs facteurs sont à prendre en considération. Il y a d’abord les principaux acteurs de ce marché aux contours volatils : les marchands d’art, les galeristes, les...

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