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Portraits de collectionneurs

Afaf Ramzi Saidi, témoignages d’émotions et de quêtes

En mars 2018, disparaissait un grand amoureux de l’art et de la nature, un homme de cœur et d’engagement sans faille, Ramzi Saidi. Afaf Osseiran Saidi partage les souvenirs d’une existence avec cet homme qui fut son partenaire de vie, son compagnon d’aventures et son meilleur ami. Un humaniste et un bienfaiteur dans le microcosme artistique libanais.

Afaf Osseiran Saidi. Photo Anne Ilcinkas

Dans la demeure de Afaf et Ramzi Saidi, les murs n’ont pas de couleurs. Amine el-Bacha, Mohammad Rawas, Omar Onsi, Hussein Madi, Chafic Abboud, Daoud Corm, Aref el-Rayess et tant d’autres leur ont prêté les leurs. Quels que soit l’angle, le coin ou la surface sur lesquels vient se poser le regard, il croise un portrait, une aquarelle, une nature morte, un paysage. Des œuvres de grands maîtres libanais qui se côtoient, se superposent et se soutiennent les unes les autres, sous le regard bienveillant des sculptures de Michel Basbous ou de Sami Rifai posées à même le sol, sur des tables basses ou sur des socles. « Peu importe qu’on ait de la difficulté à circuler, confie Afaf Saidi, j’aime à être entourée de toutes ces oeuvres qui sont le témoignage d’une vie à deux, faite de quêtes et de grands moments d’émotion partagés avec mon époux. »

C’est précisément dans cet espace-là qu’il invitait les artistes, les critiques d’art et les amis à se réunir pour discuter de telle ou telle oeuvre acquise, et partager leurs impressions.

Originaire du village de Jouaya au Sud-Liban (dont il a été vice-président du conseil municipal de 1998 à 2010), Ramzi Saidi est titulaire d’un Bachelor of Arts et d’un Masters en économie de l’Université américaine de Beyrouth (AUB). « C’était un économiste passionné, déclare son épouse, un environnementaliste convaincu, un expert en traduction, du temps où il travaillait en Arabie saoudite, un collectionneur d’art à l’intérêt toujours grandissant et intarissable pour les artistes, un philanthrope, un grand lecteur (il accordait un minimum de deux heures par jour à la lecture) et un producteur d’agrumes (en Zambie où nous avons habité durant quelques années). Nos années en Afrique étaient des années de pur bonheur avec un sentiment de grande liberté ». Et Afaf Saidi d’ajouter : « C’est en Afrique qu’il avait commencé à nourrir sa passion pour l’art et c’est de retour à Beyrouth en 1979, avec quelques toiles sous les bras, que l’aventure de la collection prendra son envol. »

De la nature à l’art

Hormis sa passion pour l’économie et son engouement effréné pour l’art, Ramzi Saidi avait aussi mis ses talents intellectuels et ses ressources au service d’une noble cause : celle de la conservation de la nature, qui représentait pour lui un moyen important de contribuer au bien-être des sociétés humaines. Cofondateur de la Society for Protection of Nature in Lebanon (l’une des premières ONG de défense de l’environnement au Liban) et du Lebanese Environment Forum, il a été l’un des piliers de la conservation de la nature de notre époque. Sa passion pour les oiseaux et la biodiversité l’a amené à créer des mécanismes innovants pour sécuriser cette conservation. Mais l’envie de collectionner des œuvres d’art découle en partie d’un événement en particulier : l’invasion israélienne du Liban en 1982. Il est alors comme investi d’une mission : celle de préserver le patrimoine artistique et culturel libanais et son précieux héritage. L’un des objectifs initiaux de la collection était en effet de représenter les principaux thèmes, aspects et médias de l’art du XXe siècle au Liban. « C’est pour cette raison, précise Afaf Osseiran Saidi, qu’il aimait posséder de chaque artiste toutes les inclinaisons artistiques qui lui étaient propres. »

Ramzi Saidi allait à la rencontre des artistes avec un rêve récurrent, celui de pouvoir un jour réaliser un ouvrage qui regroupe tous les mouvements artistiques du Liban au XXe siècle. « Il lui arrivait, raconte son épouse, de me prendre par la main par des matins qui sentaient le soufre et la fumée pour aller retrouver un artiste émergent et découvrir ses derniers travaux. Nous traversions la ville sous le sifflement des balles, rien ne l’arrêtait quand un nouvel artiste se profilait à l’horizon. » « L’art véritable est celui qu’on a envie d’avoir chez soi, disait-il, celui que l’on aime pour des raisons ni pécuniaires ni décoratives, mais simplement pour des raisons de cœur », rapporte son épouse. Sa collection rassemble des œuvres aux supports innombrables : sur canevas, sur bois, sur toile, sur papier ; aux sujets infinis : nature morte, portrait, paysage, art abstrait ou figuratif ; et aux multiples médiums : huile, aquarelle, acrylique, crayon, encre de Chine. « Il nous est arrivé d’avoir plus de 700 œuvres, confie son épouse, nous en avons beaucoup donné ou offert. »

Ramzi Saidi aimait la différence et la force créatrice sous toutes leurs formes, et ce qu’il affectionnait particulièrement, c’était l’art du portrait. Pour lui, c’était un moyen de décrypter la personnalité du modèle, de dévoiler ses forces et ses faiblesses. Quand il choisissait une œuvre, c’était pour ce qu’elle avait d’indéfectible face au passage du temps.

Il œuvrait à la promotion de l’art libanais, notamment dans le cadre du Committee of Art Center à l’AUB et pour instaurer un musée au sein de cette même université.

Ramzi Saidi et son épouse ont souvent généreusement prêté des œuvres de leur collection à divers événements culturels, participant activement à l’organisation d’expositions d’art en coopération avec des institutions libanaises et étrangères. Il était propriétaire de ce qui est reconnu dans le monde de l’art local comme probablement la plus grande collection privée d’art libanais du pays.

Dans la demeure de Afaf et Ramzi Saidi, les murs n’ont pas de couleurs. Amine el-Bacha, Mohammad Rawas, Omar Onsi, Hussein Madi, Chafic Abboud, Daoud Corm, Aref el-Rayess et tant d’autres leur ont prêté les leurs. Quels que soit l’angle, le coin ou la surface sur lesquels vient se poser le regard, il croise un portrait, une aquarelle, une nature morte, un paysage. Des œuvres de grands...

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