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Culture - Installation

Quand Ali Cherri (re)met la nature en vitrine

Avec « The Breathless Forest », l’artiste plasticien rappelle aux Beyrouthins le déclin environnemental dont ils sont les témoins... impavides.

Une œuvre en taxidermie et techniques mixtes et aux faux airs de diorama. Photo DR

C’est une œuvre qui s’adresse d’abord aux piétons. À ceux qui aiment sillonner la ville à pied pour en (re)découvrir les coins et recoins les plus secrets. Mais aussi, et surtout, à ceux qui privilégient la marche pour réduire leur empreinte carbone. Même si vous n’appartenez à aucune de ces deux catégories et que vous passez par la rue Pasteur (à Beyrouth, secteur Gemmayzé), prenez la peine de garer votre voiture au niveau de la station d’essence et de traverser la rue en direction de l’immeuble d’en face. Vous y verrez, nichée dans un coin, en renfoncement du rez-de-chaussée, la Vitrine. Conçue par la Beirut Art Residency (BAR) comme une sorte de fenêtre sur rue dédiée aux pratiques contemporaines, elle est mise à la disposition d’artistes locaux afin qu’ils y présentent sans contraintes thématiques ou financières leurs œuvres aux quidams. Cette fois, contrairement aux expositions précédentes, la Vitrine est fermée par une porte opaque à double battant fendue de deux étroites vitres hautes. Il faut donc prendre la peine de s’en approcher pour y découvrir, comme un trésor volontairement dissimulé et qui ne se révélerait qu’aux méritants, un diorama captivant.

Une installation signée Ali Cherri et intitulée The Breathless Forest (La forêt à bout de souffle) exhibant, en trois dimensions et grandeur nature, des antilopes empaillées évoluant dans un paysage aride, aux rares arbres desséchés.

Une atmosphère de dépouillement, de décomposition et de désertification imprègne ce tableau. De ces animaux au regard de verre, qui semblent eux-mêmes observer les passants de cette rue animée, se dégage quelque chose d’insondable et d’envoûtant. Mais aussi de cette mise en scène, soutenue par un jeu de miroirs réfléchissants et d’images de nature montagneuse tapissées en toile de fond, l’impression de se confronter aux profondeurs d’un passé lointain et d’un avenir irrévocable. Les deux invisibles sous le jour de notre présent. Et qui, de manière aussi subtile qu’impromptue, renvoie le spectateur à son inerte responsabilité dans la mort de la nature. Une œuvre qui, derrière son apparence ludique, aiguise la conscience d’un imminent désastre écologique.

Carte de visite

Né en pleine guerre libanaise, Ali Cherri appartient à cette génération d’artistes libanais dont la pratique a été fortement marquée par ce contexte instable. Diplômé en graphic design de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), il a poursuivi avec une maîtrise en arts du spectacle de DasArts, à Amsterdam, en 2005. De quoi apporter à son travail ce côté polymorphe nourri de performances, de cinéma et d’histoire de l’art. Ces multiples références apparaissent dans ses premières vidéos, où son propre corps joue le rôle de pivot dans une composition esthétique raffinée. Entre 2005 et 2014, il s’attache à disséquer les situations géopolitiques du Moyen-Orient, avec un langage visuel très poétique. Plus récemment, ses projets se sont concentrés sur la place de l’objet archéologique dans la construction de récits historiques. Un changement thématique, signe d’un changement philosophique pour l’auteur de The Breathless Forest. Un artiste qui explore aussi la nature en tant que construction enchâssée dans les ordres culturel, symbolique et politique de l’histoire humaine.

C’est une œuvre qui s’adresse d’abord aux piétons. À ceux qui aiment sillonner la ville à pied pour en (re)découvrir les coins et recoins les plus secrets. Mais aussi, et surtout, à ceux qui privilégient la marche pour réduire leur empreinte carbone. Même si vous n’appartenez à aucune de ces deux catégories et que vous passez par la rue Pasteur (à Beyrouth, secteur...

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