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Culture - Design

Carlo et Mary-Lynn Massoud, comme des poissons dans l’oh !

Le frère et la sœur, tous deux designers et artistes, ont (re)croisé leurs chemins pour donner naissance à « Fish », leur sculpture en onyx rose, à la fois surréaliste et sophistiquée, qui a cambriolé les regards du Salone del Mobile de Milan en avril...

Carlo et Marylynn Massoud posant avec leur « Fish », une sculpture-meuble faisant 2,70 mètres de longueur pour 450 kilogrammes, entièrement revêtue de plus de 5 000 disques d’onyx rose iranien. Photos DR

Si, au fil du temps, ils ont, chacun de son côté, fleuri dans des carrières plus que probantes, lui au centre de son design sur lequel souffle un vent de fantaisie et de dérision, et elle dans sa céramique tendre et délurée dont elle ne cesse de repousser les frontières avec sa complice Rasha Nawam, Carlo et Mary-Lynn Massoud se plaisent souvent à mettre leurs quotidiens professionnels en suspens afin de se retrouver. Croiser leurs pratiques, en brouiller les barrières pour mieux déchiffrer le potentiel de leurs quatre mains réunies et, au passage, jouer ensemble comme ils le faisaient quand ils étaient petits. Après une première association qui avait donné naissance à leur série Autopsy pour la Guild Fair de Cape Town en 2015, puis une deuxième dans le cadre d’Elevate, l’édition 2018 de House of Today à Beyrouth, où ils avaient conçu la table Boob Boobie Doo en collaboration avec les Haas Brothers, le frère et la sœur signaient, en avril, leurs troisièmes retrouvailles au sein du Salone del Mobile milanais.


(Pour mémoire : Le beau saut en hauteur de House of Today)

Fantasme créatif

Sous leurs dix doigts, car « c’est à la main que le revêtement de la pièce s’est fait », s’accordent à affirmer les Massoud, jaillissait ainsi Fish, une sculpture-meuble multifonctions dont le squelette, emprunté à celui d’un poisson et faisant 2,70 mètres de longueur pour 450 kilogrammes, est entièrement revêtu de plus de 5 000 disques d’onyx rose iranien. Un simple et définitif « Oh ! » est la première réaction à la vue de Fish, à la fois onirique et magnétique, semblant presque échappé du bestiaire d’une fable enchantée. Interrogés sur la genèse de cette pièce unique, les deux créateurs racontent : « On avait tous les deux l’habitude de créer des pièces de dimensions relativement restreintes. Ça faisait un moment qu’on avait envie de sortir de notre zone de confort pour travailler, ensemble, sur de grandes pièces. » L’occasion rêvée d’assouvir ce fantasme créatif se présentait à eux lorsque la curatrice italienne Maria Cristina Didero, qui avait organisé l’installation des soixante Arab Dolls de Carlo au Armory Show à New York en 2015, les avaient invités à réaliser une pièce pour le Salon du meuble de Milan. « Nous avions déjà commencé notre réflexion autour d’une série de sculptures de grands animaux qui a naturellement découlé sur le poisson, car l’idée était de concevoir quelque chose d’assez sculptural, presque imposant, qui puisse s’adapter au lieu, à ses dimensions, mais aussi et surtout à son caractère », évoque Mary-Lynn Massoud, en référence à l’église désacralisée Oratorio della Passione, datant du XIIIe siècle, où leur Fish a émergé en avril. Car, si la symbolique du poisson se conjugue parfaitement à celle du lieu, elle fait également écho à l’allégorie de la fécondité sur laquelle le tandem avait déjà planché à travers Autopsy, leur série de tabourets et chaises qui s’inspiraient des poupées de fertilité dans les cultures sud-africaines.

Artisanat et technologie

Cela dit, et par-delà la nécessité de brusquer leurs propres limites, d’exploser leurs formats pour en explorer d’autres, plus monumentaux, Carlo et Mary-Lynn Massoud se surprennent même d’avoir « découvert de nouvelles techniques à mesure qu’on travaillait. Surtout parce que les formes du poisson, arrondies et sans angles droits, rendaient le revêtement en onyx extrêmement difficile. On a d’ailleurs dû reprendre l’exercice de zéro, en plein milieu du processus, à cause de cela ». Lequel processus en devenait d’autant plus périlleux qu’il reposait sur l’alliance de deux pans de prime abord antinomiques : artisanat et technologie. Ainsi, le long des quatre mois de création de Fish, le frère et la sœur, aussi gouailleurs que rigoureux, se sont vus jongler entre, d’une part, la conception de la structure du poisson, « réalisée avec le robot CNC à partir d’un dessin sur logiciel informatique », et d’autre part, dans un second temps, le travail de revêtement avec les disques d’onyx rose iranien préalablement découpés. Une fois les 5 000 disques de 5 centimètres de diamètre posés, comme autant d’écailles sur lesquelles se moire la lumière, comme par enchantement, Fish a fait le voyage de Beyrouth vers Milan où elle a cambriolé l’attention de la Design Week, bribe d’étrangeté drôle et poétique qui n’est pas sans rappeler l’univers du couple de sculpteurs Lalanne. « C’était à la fois beaucoup de pression et de satisfaction, d’autant que cette œuvre était la résultante d’un travail à la main, de 10h à 22h, pendant plusieurs semaines, à poser chacun de ces disques. L’investissement physique dans la pièce la rend humaine, d’une certaine manière, et finit par l’empreindre de nous-mêmes », concluent ceux qui promettent de continuer à graver, ensemble, dans la matière, l’étoffe de leur ADN familial.


Pour mémoire 

Génération Orient II : #3 Carlo Massoud, designer, 32 ans

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