Depuis quelques jours, l’archevêché grec-orthodoxe de Beyrouth ne désemplit pas. Tout un cortège de responsables politiques et autres personnalités se sont rendues auprès du métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, pour lui exprimer leur soutien au lendemain des remous provoqués par un tweet offensif le ciblant.
Lancé par un membre du bureau politique du CPL, Wadih Akl, le tweet – dans lequel l’auteur accuse implicitement le métropolite de couvrir des personnes corrompues – a été publié, dimanche dernier, en réaction aux propos tenus plus tôt par Mgr Audi, à l’occasion des Pâques orthodoxes lors d’une messe célébrée à la cathédrale Saint-Georges, au centre-ville de Beyrouth.
Dans son homélie, le métropolite avait appelé à décréter « l’état d’urgence économique » et exhorté les responsables à « contrôler les dépenses et à mettre fin au gaspillage », avant de dénoncer le fléau de la corruption. « Chaque centime volé des caisses de l’État doit être récupéré. Ceux qui fuient l’impôt doivent être cloués au pilori », avait-t-il préconisé. Wadih Akl n’a pas attendu pour envoyer sa réplique, publiant quelques heures plus tard un tweet virulent. « De Sophie Mechleb, jusqu’aux irrégularités et diverses violations survenues à Beyrouth, en passant par l’Eden Bay… Si seulement les discours du métropolite de Beyrouth sur la nécessité de combattre la corruption pouvaient se convertir en actes de réforme touchant ceux qu’ils protègent et ceux qu’il a désignés (au postes qu’ils occupent). » M. Akl faisait allusion, d’une part, à l’affaire de la petite Sophie Mechleb, paralysée à la suite d’une intervention chirurgicale en 2016 effectuée à l’Hôpital grec-orthodoxe relevant de l’archevêché, et le très controversé projet d’Eden Bay Resort, qui a bénéficié d’un permis de construire délivré en 2016 par le mohafez de Beyrouth Ziad Chbib, qui, selon les insinuations de M. Akl, serait « un protégé du métropolite ».
Ces imputations qui ont aussitôt provoqué une levée de boucliers dans l’ensemble des milieux politiques et populaires, et des condamnations tous azimuts ont été considérés « infamants » à l’égard d’une personnalité religieuse de l’envergure de Mgr Audi. Depuis, le défilé de figures politiques, toutes communautés et affiliations confondues, se poursuit, mais aussi des amis et des ouailles venus exprimer leur soutien et leur solidarité avec le métropolite.
Le CPL s’en lave les mains
Mercredi, le CPL a officiellement stigmatisé les propos de M. Akl dont il s’est désolidarisé, soulignant qu’il s’agissait d’une initiative isolée qui ne reflète que l’opinion de son auteur. Dans un communiqué, le vice-président du CPL pour les affaires administratives, Rommel Saber, a précisé que l’avis de M. Akl « ne reflète aucunement la position du CPL », laissant entendre que le courant prendra les mesures nécessaires conformément aux procédures internes et réglementations appliquées au sein du parti.
S’exprimant au nom du CPL, le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, qui a rejoint le cortège de personnalités politiques qui se sont rendues auprès de Mgr Audi, sur une initiative du député de Beyrouth du courant du Futur, Nazih Najm, a repris à son compte la teneur du communiqué de M. Saber, pour se démarquer à son tour des propos de Wadih Akl. M. Bou Saab a stigmatisé « toute tentative de porter atteinte » à l’image et au symbole incarnés par le prélat.
Le chef de l’État, Michel Aoun, a lui aussi dépêché son représentant, le ministre de la Justice, Albert Serhane, auprès du métropolite, pour lui exprimer à son tour son « respect et son soutien » et se démarquer de l’attaque dont il a fait l’objet. Une délégation de députés CPL se rendra mardi prochain auprès du métropolite, pour véhiculer un message similaire et mettre fin à la polémique.
Pour sa part, le vice-président du Conseil des ministres, Ghassan Hasbani, a affirmé mercredi, du siège de l’archevêché, que « la personne qui a tenu ces propos n’est pas une personne ordinaire dans la mesure où elle occupe une fonction politique. Elle doit par conséquent assumer la responsabilité de la teneur de ses propos », a-t-il dit.
Plusieurs personnalités politiques, chrétiennes aussi bien que musulmanes ont élevé la voix pour dénoncer l’attaque contre le métropolite, parmi lesquels l’ancien député Farès Souhaid, l’ex-ministre Achraf Rifi, et l’ancien vice-président de la Chambre Farid Makari.
Selon un cadre des Forces libanaises, le tweet de Wadih Akl « n’est pas innocent et s’inscrit dans le cadre d’une campagne visant à réduire l’influence de Mgr Audi ». Ce responsable place cette campagne dans le contexte de la tension qui existe entre le métropolite de Beyrouth, « connu pour ses positions souverainistes », et le patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche, dont le siège se trouve en Syrie et qui a de bonnes relations avec Moscou. « Sous l’impulsion du président Vladimir Poutine, l’Église russe œuvre en direction de la protection des minorités chrétiennes en Orient, un agenda que le CPL et le chef de l’État, depuis son rapprochement avec la Russie, avalisent pleinement », relève ce cadre.
Une thèse que les milieux de l’archevêché grec-orthodoxe de Beyrouth s’emploient à ignorer. « L’Église de Russie a d’autres chats à fouetter. Il s’agit d’un incident isolé qui a été unanimement dénoncé », affirme une source proche du métropolite.
Pour mémoire
Budget 2019 : Raï et Audi appellent à des mesures d'austérité ciblées
commentaires (7)
Quand on voit le temps que ces messieurs de toutes les appartenances politiques et religieuses passent à: déclarer démentir accuser se visiter: pour excuser celui-ci re-affirmer leur soutien à celui-là on comprend pourquoi et comment rien de concret n'est jamais accompli en temps voulu, et on fait son deuil d'un pays normal et respectable ! Irène Saïd
Irene Said
17 h 41, le 03 mai 2019