Les travailleuses domestiques soutenues par Amnesty International et Anti Racism Movement, présentent leurs revendications. Photo A.M.H.
Quelques heures après avoir publié un rapport incendiaire dénonçant l’exploitation des travailleuses domestiques migrantes au Liban, et deux jours à peine après les sanglants attentats terroristes du Sri Lanka, Amnesty International lançait mercredi soir, à Beit Beirut, avec son partenaire Anti Racism Movement, une pétition pour l’abolition du système du garant. L’organisation présentait parallèlement les revendications des employées de maison et ses propres recommandations au Parlement et au ministère du Travail. Ce système, mieux connu sous le nom de « kafala », fait de l’employeur le tuteur de son employée de maison, ouvrant ainsi la voie à de graves abus, compte tenu que le travail domestique n’est pas réglementé par le code du travail. À tel point que, pour Amnesty, il s’apparente à de l’esclavage moderne, car il « octroie aux employeurs un contrôle quasi total sur la vie des travailleuses domestiques migrantes ».
Le suicide devient une normalité
Sur les thèmes « Leur maison, c’est ma prison » et « Nous sommes tous une main-d’œuvre, ne laissez pas le système du garant faire la différence », Amnesty International a donné la parole à des travailleuses migrantes, devant un parterre de militants des droits de l’homme. Tour à tour, ces femmes d’Éthiopie, du Sri Lanka, du Cameroun, de Côte d’Ivoire soutenues par leurs consœurs ont raconté leur calvaire, les horaires de travail élastiques sans repos, sans congé hebdomadaire, la maltraitance physique et morale, les passeports confisqués, les salaires impayés, les privations de nourriture et de liberté, le désespoir qui peut pousser à se donner la mort…
« Le suicide d’employées de maison devient une normalité au Liban, déplore Marie, une jeune Éthiopienne. Les gens passent devant les corps disloqués des travailleuses domestiques qui se sont jetées du balcon, leur accordent un regard et continuent leur route, comme si de rien n’était. » Alors qu’en 2008, et en l’absence de chiffres officiels, l’organisation Human Rights Watch établissait qu’au moins une employée domestique décédait chaque semaine au pays du Cèdre, les cas de suicide de ces travailleuses semblent accuser une nette recrudescence depuis le début de l’année 2019. Une situation qui a poussé le nouveau ministre du Travail, Camille Abousleiman, à promettre de s’engager pour améliorer les conditions de travail de la main d’œuvre domestique.
(Lire aussi : Amnesty International exhorte le Liban à mettre fin aux abus)
Le code du travail doit inclure le travail domestique
Car les solutions existent. « Abolissez la kafala », réclament en chœur Amnesty International et les travailleuses migrantes. Au Parlement libanais, les deux parties réclament « la modification du code du travail de sorte qu’il couvre les travailleuses domestiques » et le « droit d’adhérer à un syndicat ». Elles appellent aussi à « ne plus associer leurs permis d’entrée, de séjour et de travail à un employeur spécifique », à être « autorisées à démissionner », à mettre fin à leur contrat, et à changer d’employeur, « sans pour autant se retrouver en situation irrégulière ».
Elles invitent au même titre le ministère du Travail à respecter leurs droits et leurs libertés de mouvement et à sanctionner la confiscation de leur passeport.
« Nous réclamons un contrat juste et équitable, pour nous et nos employeurs », lance Hérat, précisant que « ce contrat doit être aussi rédigé dans la langue des travailleuses étrangères, afin qu’elles puissent le comprendre ». Les travailleuses appellent de plus le ministère à « mettre en place un mécanisme qui prenne sérieusement en charge leurs affaires », à « rendre opérationnelle la ligne verte pour répondre à leurs plaintes » et à les « prendre au sérieux en cas d’abus ». « Nous réclamons d’être indemnisées, en cas de non-paiement de nos salaires, à placer sur liste noire les employeurs abusifs et à fermer les bureaux de placement qui exploitent les travailleuses », martèle encore la jeune femme.
La réponse du ministre du Travail n’a pas tardé. Camille Abousleiman déclare se pencher déjà sur des alternatives, avec l’aide d’acteurs de la société civile.
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commentaires (8)
Aucun libanais n'accepte que sa fille, soit traitée de cette sorte. On le sait, ces traitement sont criminels et intolérables, alors pourquoi on fait subir à ces malheureuses étrangères ce que nous n'aimons pas subir ?
Sarkis Serge Tateossian
23 h 49, le 26 avril 2019