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À La Une - Crise

Le PDG du plus grand groupe privé en Algérie en détention provisoire

Le magazine Forbes estime la fortune de Issad Rebrab à 3,8 milliards de dollars, la 1ere d'Algérie et la 6e d'Afrique

Issad Rebrab, PDG du principal groupe privé d'Algérie et première fortune du pays, placé en détention provisoire. Photo AFP / RYAD KRAMDI

L'offensive judiciaire lancée en Algérie contre de puissants patrons depuis la chute du président Abdelaziz Bouteflika a fait une nouvelle victime: Issad Rebrab, PDG du principal groupe privé et première fortune du pays, a été placé en détention provisoire.

L'homme d'affaires est le fondateur de Cevital, un conglomérat affirmant employer 18.000 salariés sur trois continents, dans l'agroalimentaire, le BTP, la sidérurgie, la distribution, l'électronique et l'électroménager. Le magazine Forbes estime sa fortune à 3,8 milliards de dollars, la 1ere d'Algérie et la 6e d'Afrique.

Le Parquet a délivré tard lundi un mandat de dépôt contre M. Rebrab, 74 ans, qui avait été déféré plus tôt dans la journée après avoir été entendu par la gendarmerie, a indiqué l'agence de presse officielle Algérie Presse Service (APS). Il est "soupçonné de fausses déclarations relatives à des mouvement de capitaux de et vers l'étranger, de surfacturation d'équipements importés et d'importation de matériel usagé malgré l'octroi d'avantages bancaires, fiscaux et douaniers" octroyés au matériel neuf, selon APS.

Depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika, sous la pression d'un important mouvement de contestation populaire, la justice a ouvert des enquêtes contre plusieurs hommes d'affaires liés à l'ancien clan présidentiel.

M. Rebrab avait fondé Cevital en 1998, un an avant l'arrivée au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika, sur les bases d'une entreprise sidérurgique, Metal Sider, créée dix ans plus tôt, quand l'économie de l'Algérie était encore profondément étatique.


(Pour mémoire : Nouvelles arrestations d’hommes d’affaires proches de Bouteflika)


Relations tendues

Si ses activités ont prospéré sous la présidence Bouteflika (1999-2019), il entretenait cependant des relations tendues avec le clan présidentiel. Il était en conflit ouvert depuis 2015 avec les autorités, les accusant de bloquer ses investissements en Algérie.

Le ministre de l'Industrie de l'époque Abdeslam Bouchouareb l'avait accusé d'importer et de surfacturer du matériel d'occasion.

En 2016, l'enquête journalistique des "Panama Papers" avait affirmé que M. Rebrab possédait un compte offshore depuis le début des années 1990, ce qui était strictement interdit par la loi algérienne. L'intéressé avait démenti.

Lundi, le PDG de Cevital avait, dans un tweet, nié avoir été arrêté, assurant s'être présenté à la gendarmerie dans le cadre d'une enquête sur le blocage, depuis près d'un an au port d'Alger par les autorités douanières, d'équipements industriels de son entreprise. Cevital n'a pas réagi dans l'immédiat à l'incarcération de son patron.

Le site internet du quotidien algérien Liberté, propriété de Cevital, reste muet mardi sur le placement en détention de M. Rebrab, mais a qualifié son défèrement de "scénario écrit d'avance" dont "l'objectif reste jusqu'ici ambigu et inexpliqué".

Cevital a notamment racheté en France le groupe électroménager Brandt (marques Brandt, De Dietrich, Sauter et Vedette) et le fabricant de portes et fenêtres Oxxo. Il y a également un projet de création d'usine de traitement de l'eau dans les Ardennes (nord-est).

En Italie, il a racheté en 2015 les aciéries de Piombino (ex-Lucchini) avant d'être contraint par le gouvernement italien, qui l'accusait de n'avoir pas honoré ses engagements, de les céder en 2018 à l'Indien JSW Steel.


(Lire aussi : Algérie: le président du Conseil constitutionnel, nouvelle victime de la rue?)


Accélérer les enquêtes

L'Algérie est depuis le 22 février le théâtre d'une contestation inédite qui a contraint Abdelaziz Bouteflika à quitter le pouvoir. Mais les protestataires réclament toujours le départ de l'ensemble de la "mafia" au pouvoir, dénonçant un "système" basé sur la corruption ayant profité à des hommes d'affaires proches du clan présidentiel.

Mardi, une nouvelle manifestation d'étudiants a eu lieu à Alger, certains portant des casques de chantier et une banderole avec le slogan "Bâtissons une Algérie nouvelle". Quatre frères de la discrète mais influente famille Kouninef, propriétaire de l'important groupe KouGC, spécialisé notamment dans le génie civil, l'hydraulique et le BTP, ont également été arrêtés dimanche et déférés devant le parquet mardi, selon les médias d'Etat. La famille est réputée proche de Saïd Bouteflika, frère et puissant conseiller de l'ex-président. Selon APS, les frères Kouninef sont soupçonnés de "non respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics, trafic d'influence avec des fonctionnaires publics pour l'obtention de privilèges et détournement de fonciers et de concessions".


(Pour mémoire : Les Algériens défilent en masse, sans incident, pour un 9e vendredi consécutif)


Début avril, l'ex-patron des patrons algériens, Ali Haddad, propriétaire notamment du 1er groupe de BTP d'Algérie et proche de M. Bouteflika, a été écroué après son arrestation nocturne à un poste frontière avec la Tunisie en possession de devises non déclarées.

Le 16 avril, le chef d'état-major de l'armée, le général Gaïd Salah, de facto l'homme fort de l'Algérie depuis qu'il a contribué à pousser M. Bouteflika à la démission, a appelé la justice à accélérer "la cadence de traitement" dans ses enquêtes sur des personnalités "ayant bénéficié indûment" d'argent public.

Mardi, il s'est réjoui de "la réponse de la justice quant à cet appel (...) qui permettra de rassurer le peuple sur le fait que son argent pillé sera récupéré par la force de la loi et avec la rigueur requise". Il a toutefois appelé les Algériens à ne pas mettre sur le même plan tous les cadres de l'Etat, parmi lesquels figurent selon lui "beaucoup de cadres honnêtes, intègres et loyaux", mettant en garde les manifestants qui ont perturbé récemment des visites ministérielles à l'intérieur du pays.


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