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Nos Lecteurs ont la Parole - par Akram AZOURY

La corruption est une personne morale

La dernière campagne déclarée par les cinq personnes qui gouvernent le Liban visant à arrêter la corruption dans les affaires et les finances publiques devra pour réussir convaincre avant tout l’opinion publique de son objectivité et s’accompagner de trois mesures législatives applicables en premier lieu aux politiciens eux-mêmes : le bénéfice du secret bancaire, les mutations des juges, l’inamovibilité des juges. Une réunion de dialogue national pour rétablir l’État de droit est également nécessaire.

La politique déclarée

La classe politique dénonce unanimement la corruption et déclare sa volonté de la combattre sur deux plans :

- L’assainissement des finances publiques en appliquant simplement les lois existantes que cette même classe qui a constitué le pouvoir a systématiquement violées depuis 1990 par les embauches politiques irrégulières à la fonction publique, les octrois irréguliers entachés de favoritisme de marchés publics, facilités par l’absence de budget de l’État et rendus possibles par la renonciation par le Parlement de son devoir de contrôler le gouvernement.

- La chasse aux fonctionnaires corrompus dans les différents services de l’État et notamment au niveau de la justice, alors que c’est ce même pouvoir politique qui a influencé leur nomination et entravé la mission des organismes de contrôle.

La perception

L’opinion publique est logiquement sceptique concernant la sincérité du pouvoir et craint que cette campagne ne se solde par quelques arrestations visant des boucs émissaires à l’instar d’une campagne identique conduite 20 ans plus tôt au début du mandat du président Lahoud avec les résultats que l’on sait.

L’opinion explique les échecs passés par l’absence de volonté réelle de la part du pouvoir politique puisque ce sont les politiciens eux-mêmes qui sont les ultimes responsables, à différents degrés, des irrégularités dues aux protections confessionnelles et politiques, à l’instrumentalisation des poursuites judiciaires à des fins politiques et vindicatives, à l’indépendance très relative du pouvoir judiciaire normalement compétent pour poursuivre et juger les corrompus du fait de l’interférence politique dans la nomination des juges sous le prétexte du confessionnalisme.

Elle craint que les mêmes causes ne produisent naturellement les mêmes effets que par le passé, c’est-à-dire le maintien de la corruption et de l’incompétence dans la puissance publique.

Le gage de sincérité

Le soutien de l’opinion publique est essentiel pour la réussite de cette campagne renouvelée.

À cet effet, la classe politique devra, en raison des échecs passés et de son propre manque de crédibilité, donner rapidement une preuve concrète de sa sincérité. Cette preuve devra intervenir avant toute arrestation spectaculaire de fonctionnaire par le pouvoir judiciaire.

À défaut, toute mesure judicaire, même justifiée, transformerait un coupable potentiel en martyr de sa confession religieuse ou de son appartenance politique. Pour cela, elle devra rapidement voter et promulguer un amendement à la loi de 1956 sur le secret bancaire excluant toute personne élue ou nommée à un poste public du bénéfice du secret bancaire. La même exclusion devra s’appliquer à leurs conjoints et enfants mineurs. Pour être réaliste dans le contexte libanais, cette exclusion pour avoir une chance d’être votée ne devra s’appliquer que pour l’avenir.

« Loya jirga » à Baabda

Les cinq ou six décideurs politiques qui gouvernent le pays devraient tenir une réunion au palais présidentiel, justifiée par l’urgence de rétablir l’État de droit, à l’issue de laquelle ils déclareraient leur décision de ne plus interférer dans le fonctionnement de la justice. Cette déclaration devra rapidement être suivie du vote de deux textes législatifs : l’un établissant le principe de l’inamovibilité des juges et l’autre rendant les mutations judiciaires décidées par le Conseil supérieur de la magistrature exécutoires sans que la signature des ministres concernés soit nécessaire.

Quant à la nomination des fonctionnaires par les politiciens selon l’appartenance confessionnelle, il faut se rappeler que si l’incompétence et la corruption n’ont pas de confession, la compétence et l’intégrité n’en ont pas non plus. Chaque décideur devra s’engager à ne proposer aux nominations que les meilleurs éléments de sa confession dont la première qualité devra être l’ingratitude envers celui qui les a proposés. Ainsi, les divisions confessionnelles se traduiraient par une compétition pour l’excellence au bénéfice du bien public.

Si l’exécution de ces mesures dans leur ordre chronologique précède les arrestations de suspects par la justice et est suivie de l’établissement de la culture de l’exemplarité au sein des organismes de contrôle existants, les Libanais pourraient alors espérer un résultat même relatif à moyen terme.

Ce serait un bel exemple que les pyromanes repentis deviennent d’excellents pompiers. La corruption au Liban étant toujours une personne morale abstraite.

Ce texte est le courrier d'un lecteur. A ce titre, il n'engage que son auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue de L'Orient-Le Jour.

La dernière campagne déclarée par les cinq personnes qui gouvernent le Liban visant à arrêter la corruption dans les affaires et les finances publiques devra pour réussir convaincre avant tout l’opinion publique de son objectivité et s’accompagner de trois mesures législatives applicables en premier lieu aux politiciens eux-mêmes : le bénéfice du secret bancaire, les mutations...

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