Benjamin Netanyahu ne manque vraiment pas d’amis importants. Après s’être fait offrir sur un plateau, de la part de Donald Trump, la reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne sur le Golan occupé, il a reçu un autre cadeau de la part de Vladimir Poutine, à savoir la dépouille du soldat israélien Zachary Baumel tué au Liban en 1982. À quelques jours des élections législatives, qui se déroulent pour lui dans un contexte difficile, le Premier ministre israélien peut compter sur deux des hommes les plus puissants au monde pour faciliter sa réélection. Compte tenu de l’importance qu’accorde la société israélienne au retour de tous ses soldats, vivants ou morts, le leader israélien va rentrer renforcé de son voyage à Moscou.
Tout semble avoir été programmé pour parvenir à cet objectif. La coopération russo-israélienne pour le rapatriement de la dépouille, baptisée « Chanson douce-amère », a été lancée il y a deux ans. Le fait que l’annonce de la réussite de l’opération ait été faite mercredi dernier, à cinq jours des élections législatives, semble ainsi ne rien devoir au hasard. Benjamin Netanyahu a utilisé cette carte au meilleur moment.
Sa visite, hier, à Moscou, la douzième rencontre officielle entre les deux dirigeants depuis l’engagement russe en Syrie en septembre 2015, lui permet de réaffirmer aux yeux de l’électorat israélien sa stature d’homme d’État, pour qui la porte est grande ouverte chez les dirigeants de ce monde, qu’ils soient rivaux ou non. Ce à quoi ne peuvent pas prétendre ses concurrents puisqu’il domine la scène politique israélienne depuis trois mandats successifs. Il peut aussi courtiser l’électorat d’origine russe qui, avec son million de votants, serait « le plus grand bloc électoral parmi les électeurs juifs du pays », selon le Haaretz.
Mais comme à chaque fois depuis 2015, c’est avant tout un partenaire pour endiguer l’influence iranienne en Syrie que Benjamin Netanyahu est venu chercher à Moscou. La Russie est la clé de la stratégie israélienne en Syrie. « Netanyahu a fait plus de visites à Moscou qu’à Washington ces dernières années, dans un contexte de désengagement des États-Unis du Moyen-Orient commencé sous la présidence de Barack Obama », commente auprès de L’OLJ Anna Borshchevskaya, chercheuse au Washington Institute. Dans un entretien accordé au New York Times en janvier dernier, le chef d’état-major israélien, Gadi Eizenkot, affirmait que l’État hébreu avait effectué des « milliers » de frappes contre des cibles iraniennes en Syrie ces deux dernières années. Moscou, parrain de Damas au même titre que l’Iran, a laissé une fenêtre d’actions aux Israéliens pour effectuer ses opérations tout en définissant ses propres lignes rouges.
(Lire aussi : Le Hezbollah se mure dans son silence après le « cadeau » russe fait à Netanyahu)
Le flou de Poutine
L’incident de septembre dernier dans lequel la DCA syrienne a abattu par erreur un avion de reconnaissance russe avec 15 militaires à son bord après une attaque israélienne dans « la maison russe » dans le nord-ouest de la Syrie semble désormais lointain. Une « source diplomatique » citée hier par le Haaretz aurait affirmé que cet incident est « derrière nous ». La fréquence des raids israéliens avait temporairement baissé au lendemain de cet incident. Depuis décembre dernier, des cibles iraniennes et syriennes ont été visées à Alep, à Damas, et à Qatifa, à 40km au nord-est de la capitale syrienne. L’aéroport de Damas a été visé deux fois en janvier seulement.
Au cours de la dernière rencontre entre les deux dirigeants, en février, Benjamin Netanyahu a assuré que la Russie partageait son objectif de pousser les Iraniens à quitter la Syrie. La Russie n’a jamais officiellement confirmé l’information. M. Netanyahu a tout intérêt à prétendre que Vladimir Poutine est son allié contre l’Iran. Le président russe entretient pour sa part le flou, jouant les arbitres entre les deux puissances. En mai 2018, il affirmait que toutes les forces étrangères doivent se retirer de Syrie. De la même façon, il a clairement laissé le champ libre aux Israéliens pour frapper les positions iraniennes, les relations de Moscou avec Téhéran étant loin d’être au beau fixe. Ces frappes font dans une certaine mesure le jeu des Russes puisque cela permet de réduire l’influence de Téhéran en Syrie. Mais à la suite de l’incident de septembre dernier, Moscou a durci le ton, et a décidé de livrer son système de défense antiaérien S-300 à Damas, ce qui a largement refroidi les relations avec Israël.
C’est un nouveau chapitre qui semble s’ouvrir aujourd’hui. Le président russe a en effet livré à son partenaire israélien la dépouille du soldat tué au Liban, puis récupéré sur le territoire syrien. Cela peut être considéré comme une humiliation pour les Iraniens et pour le Hezbollah. Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il fait ce cadeau à Benjamin Netanyahu ? Qu’a-t-il reçu en retour, à part les chaleureux remerciements du Premier ministre israélien ? « C’est une question de capital politique », estime Anna Borshchevskaya. Autrement dit, le président russe veut montrer qu’il est bien le maître du jeu en Syrie et qu’il peut rendre l’impossible possible.
Un autre élément pourrait donner davantage d’indices sur les objectifs de l’Ours russe. « Nos militaires, avec nos partenaires syriens, ont déterminé le lieu de l’inhumation » du soldat israélien, a expliqué Vladimir Poutine. Le président russe met en avant le rôle des Syriens, qui entretiennent pourtant une propagande très forte contre l’État hébreu, comme pour mieux les distinguer de l’Iran et du Hezbollah. Vladimir Poutine semble vouloir faire comprendre à Israël que l’État syrien doit rester en dehors du conflit de Tel-Aviv avec l’Iran, à un moment de vives tensions autour de la question du Golan, où le Hezbollah se déploierait, selon Israël. Si cela peut être interprété comme un pas supplémentaire de la part de Moscou pour endiguer l’influence iranienne en Syrie, il est toutefois trop tôt pour l’affirmer compte tenu de la position ambivalente de la Russie dans ce dossier.
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"Si cela peut être interprété comme un pas supplémentaire de la part de Moscou pour endiguer l’influence iranienne en Syrie, il est toutefois trop tôt pour l’affirmer compte tenu de la position ambivalente de la Russie dans ce dossier". La chute de cet article dit tout , il faudra arrêter un jour de trop facilement donner le beau rôle à toujours les mêmes , Poutine est l'homme le plus puissant du monde dans la région du M.O , c'est indéniable , MAIS IL L'EST GRÂCE A L'IRAN ET AU HEZB QUI DIRIGENT LES OPERATIONS SUR LE TERRAIN , PENSEZ VOUS QU'IL A LE CHOIX ? ETES VOUS SERIEUX QUAND VOUS DITES QU'IL FERAIT UN CADEAU AUX USURPATEURS EN JOUANT LA CARTE DE LA SYRIE CONTRE L'IRAN ? JE NE LE CROIS PAS . ATTENDONS SCARLETT POUR MIEUX COMPRENDRE CE JEU BEAUCOUP PLUS SUBTIL QUA CA .
11 h 10, le 05 avril 2019