Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président russe, Vladimir Poutine, le 4 avril, au Kremlin, à Moscou. Alexander Zemlianichenko/Pool via Reuters
Par-delà sa signification et ses effets escomptés sur les relations russo-israéliennes, la remise des restes de Zachary Baumel, commandant de char du 362e bataillon blindé porté disparu en 1982 au Liban, par la Russie à Israël, n’a suscité aucune réaction de la part du Hezbollah qui se refuse catégoriquement à commenter cette affaire. Le parti a probablement du mal à comprendre pourquoi Moscou, voire même le régime syrien, partenaire présumé de la Russie dans cette opération, aurait consenti à cet échange, sachant qu’il a de tout temps adopté la politique du donnant donnant, notamment dans le cadre d’échanges de prisonniers de guerre ou des dépouilles de combattants ou de soldats.
Hier, la Russie a annoncé officiellement son parrainage de l’opération de recherche qui a abouti à localiser le corps du soldat, un commandant de char qui avait disparu entre le 10 et le 11 juin 1982 lors d’une bataille qui s’était déroulée à la Békaa, dans la localité de Sultan Yacoub, non loin de la frontière libano-syrienne.
Recevant le Premier ministre israélien au Kremlin, Vladimir Poutine a levé une partie du mystère sur l’opération « Chanson douce-amère », révélée mercredi, ayant permis de retrouver la dépouille mortelle de Zachary Baumel. « Nos militaires, avec nos partenaires syriens, ont déterminé le lieu de l’inhumation » du soldat israélien, a expliqué Vladimir Poutine, qui a insisté à mettre en avant la contribution de l’armée syrienne à cette opération.
Les autorités israéliennes affirment qu’elles disposent du corps depuis plusieurs jours et que ce sont des effets personnels du soldat, placés dans un cercueil couvert du drapeau israélien, qui ont été remis hier lors d’une cérémonie organisée au ministère russe de la Défense en présence de M. Netanyahu et du chef d’état-major russe, Valéri Guérassimov.
M. Netanyahu a expliqué avoir demandé à la Russie son aide il y a deux ans pour retrouver les restes de soldats israéliens disparus. « Nous voulons remercier le ministère de la Défense, l’armée russe. Nous n’oublierons pas cet acte. Il entrera dans l’histoire », a commenté le Premier ministre.
(Lire aussi : Poutine : Le corps du soldat israélien disparu au Liban en 1982 a été retrouvé par Moscou et Damas)
Ni Vladimir Poutine ni Benjamin Netanyahu n’ont apporté de détails sur la façon dont les restes de l’ancien commandant de char ont été retrouvés. Le Premier ministre israélien a simplement déclaré que « les soldats russes, au péril de leurs vies, ont ramené les restes de Zachary sur le territoire israélien ». Vladimir Poutine a, lui, déclaré qu’il n’avait « pas été facile » de retrouver ces restes.
Depuis la révélation de cet échange, le Hezbollah observe un mutisme total. Probablement mécontent de voir la Russie offrir un tel cadeau à l’État hébreu, d’autant qu’il est passé maître dans l’art de négocier, indirectement, des échanges de ce type avec Israël pour en tirer un maximum de bénéfice, le parti chiite a choisi de ne pas commenter. C’est ce que nous confirme le bureau de presse du parti, refusant même de commenter les informations relatives à un malaise présumé au niveau de son commandement et de sa base.
« Il doit probablement y avoir un embarras dans les milieux du parti qui ne comprendraient pas pourquoi Moscou a fait preuve de pareille largesse pour les Israéliens, sans rien en échange, du moins immédiatement », commente pour L’OLJ Kassem Kassir, un analyste proche du parti. « La question est de savoir quel sera le prix que compte encaisser la Russie après cette affaire », ajoute-t-il.
Pour l’analyste, aucun désaccord profond n’est cependant à prévoir entre le Hezbollah et les Russes après ce développement, « Moscou étant un partenaire stratégique pour le parti chiite, et cette affaire ne saura entacher cette relation ».
La nouvelle a suscité peu de réactions au Liban, à l’exception d’un tweet lancé hier par l’ancien député Farès Souhaid qui s’est interrogé, sur un ton ironique, sur la manière dont « les services de renseignements israéliens ont réussi à récupérer les restes du soldat ». « Par un miracle peut-être ? Ou bien la moumanaa (l’axe irano-syrien) a tout simplement décidé de tomber dans un profond sommeil cinq jours avant que Netanyahu ne soit reconduit à son poste ? » C’est avec le même sarcasme qu’avait tweeté la veille le chef du PSP, Walid Joumblatt, soulignant que « dans le jeu des nations qui scelle le destin des peuples, la remise de la dépouille mortelle d’un soldat israélien à travers des médiateurs inconnus constitue un cadeau gratuit, mais de valeur, à Netanyahu dans sa course électorale. Bravo au régime syrien, fer de lance de la moumanaa arabe, régionale et universelle ».M. Souhaid, qui constate que le Hezbollah n’a pas bronché après cette opération très médiatisée au niveau international, s’étonne du mutisme dans lequel s’est muré le parti chiite. « Le Hezbollah est sans aucun doute embêté par cette affaire qui survient à la suite d’un concours de circonstances russo-américaines assez surprenant et qui se conclut par deux grands cadeaux faits à Benjamin Netanyahu, à la veille des législatives israéliennes », commente M. Souhaid pour L’OLJ, en allusion à la reconnaissance, il y a une dizaine de jours, par le président américain Donald Trump, de la souveraineté d’Israël sur le Golan occupé.
Autre point « curieux », enchaîne-t-il, la question de savoir pourquoi les services de renseignements iraniens ont été complètement écartés de l’opération, sachant que par le passé, la partie iranienne, via le Hezbollah, n’hésitait pas à effectuer des négociations autour d’échanges de prisonniers par le biais de parties intermédiaires, notamment l’Allemagne.
« Il est clair que le contournement du rôle iranien dans cette affaire démontre l’influence russe ascendante dans la région aux dépens de celle de l’Iran », conclut M. Souhaid.
Lire aussi
Le cadeau de Poutine à Netanyahu : un message aux Iraniens ?
Les frontières terrestres et maritimes et les armes du Hezbollah
Le Golan et les possibilités d’une nouvelle guerre
Nasrallah accuse les Etats-Unis de vouloir pousser les Libanais à la guerre civile
Je veux bien croire tout ce dont je lie ....mais est-ce que cela est raisonnable ? En politique il faut savoir lire entre les lignes... Différents degrés de politiques est appliqués dans le monde... Il y a ceux qui se battent et s'entretuent pour un oui et pour un non.... Il y a ceux qui lapident et massacrent celui ou celle qui montre un attribut... (parfois supposé) Et il y a ceux qui s'accusent des pires agressions et en même temps continuent à échanger économiquement, diplomatiquement voir participer à des projets communs, spatiaux, scientifiques ou autres ... Cela dépend à quel degré de sagesse et d'intelligence nous pouvons s’atteler pour s'agripper sur cette échelle politique. On est des humains et on est sensé se comporter en tant que tel.
23 h 28, le 05 avril 2019