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Spécial Orientation professionnelle / Édition 4

Intelligence artificielle : le boom d’une technologie aux nombreux défis

Si l’intelligence artificielle (IA) a été inventée au milieu du XXe siècle, c’est aujourd’hui qu’elle prend tout son essor. Révolutionnant notre mode de vie, l’IA pourrait bouleverser le marché de l’emploi. L’enjeu est ainsi de développer certaines compétences afin de s’y adapter.

Ne pas avoir d’appréhensions au sujet de l’IA. Photo DR

De la voiture autonome à la reconnaissance faciale, en passant par les moteurs de recherche ou les chatbots, la sélection musicale ou le diagnostic médical, le GPS ou les jeux vidéo, les technologies de l’intelligence artificielle (IA) sont nombreuses et interviennent dans tous les secteurs. « Tout ce à quoi vous pouvez penser a probablement déjà une sorte d’algorithme intelligent. Par exemple, le buzz feed en journalisme utilise des algorithmes astucieux afin de modifier légèrement le titre et l’image de l’article, en fonction du public auquel celui-ci est envoyé », souligne Lukasz Krol, chercheur et coordinateur de projets numériques au Collège d’Europe à Natolin, à Varsovie.

Cette science a pour but de créer des machines ou des processus électroniques qui seront capables de simuler l’intelligence et le comportement humains. Il s’agit d’exécuter des tâches précises et répétitives propres à l’homme. « L’IA stimulera principalement la productivité, en automatisant le travail fastidieux que les humains mettent beaucoup de temps à effectuer et en nous laissant faire la partie créative et “humaine” du travail », indique Christophe Zoghbi, membre de l’organisation internationale City.AI dont la mission est de soutenir et connecter les communautés de l’IA dans le monde.

« L’intelligence artificielle est une série d’algorithmes intelligents et prédictifs qui utilisent beaucoup de données existantes pour en créer de nouvelles. Les gens pensent que l’IA est un sujet réservé aux programmeurs. Mais lorsque nous créons des IA, nous créons des outils du futur qui serviront les gens dans tous les domaines du travail », note Lukasz Krol.

C’est bien avec l’émergence du « deep learning », ou technique de l’apprentissage profond basée sur des réseaux de neurones artificiels, que l’IA a révolutionné notre mode vie. Selon le glossaire de l’IA établi par l’Unesco, « cette technique, domaine de pointe de l’apprentissage automatique, permet à la machine de reconnaître, par elle-même, des concepts complexes tels que des visages, des corps humains ou des images de chats, en épluchant des millions d’images glanées sur internet, sans que ces images soient préalablement étiquetées par des humains ».

Par ailleurs, les algorithmes de traitement des données ont existé depuis les années 50, « mais nous n’avions ni les processus, ni les cartes graphiques, ni les capacités de stockage permettant de collecter suffisamment de données pour rendre utile le travail de l’intelligence artificielle », explique Lukasz Krol, qui est aussi chercheur, conférencier et animateur d’ateliers. « L’une des raisons pour lesquelles nous assistons actuellement à une telle explosion de l’IA n’est donc pas uniquement due au code et aux innovations en matière de programmation, mais bien au fait que nous disposons enfin des capacités matérielles et de l’infrastructure qui nous permettent de réaliser ce type de processus », précise-t-il.

Disparition, émergence ou modification de certains métiers

Parallèlement à ses multiples avantages, l’IA présente plusieurs risques, parmi lesquels la réduction ou la perte d’emplois. Cela est vrai lorsque « les personnes ne peuvent pas s’adapter ou se réinventer assez vite pour acquérir les nouvelles compétences nécessaires au XXIe siècle », souligne Christophe Zoghbi, également fondateur et président de Beirut AI, rattachée à City.AI, et dont la mission est de permettre à chacun de comprendre et d’appliquer l’IA.

Par ailleurs, si plusieurs métiers disparaîtront dans le futur, d’autres domaines seront moins impactés. « Les métiers qui seront les moins touchés sont ceux des sciences humaines parce que la machine n’a toujours pas développé une conscience ni une éthique », affirme Nasri Messarra, conseiller en marketing et communication numériques. Responsable du master en information et communication de l’Université Saint-Joseph, M. Messarra donne l’exemple des grands bureaux de recrutement aux États-Unis qui adoptent des machines pour effectuer une première sélection de CV, mais qui emploient aussi des sociologues et des psychologues pour aider la machine et opérer la sélection finale. De plus, « Facebook a ouvert plusieurs centres qui recrutent des professionnels dans les différents domaines des sciences humaines, parce que c’est ce qui manque à l’intelligence artificielle et c’est le “plus” que la machine ne va pas pouvoir remplacer de sitôt », ajoute-t-il.

De surcroît, selon une étude effectuée par le cabinet McKinsey en 2017, d’autres emplois verront le jour, comme ceux qui répondent aux besoins dans les énergies renouvelables, les services de proximité ou les nouvelles technologies.

En outre, « avec l’IA, des milliers de personnes travaillent dans l’ombre pour que le système fonctionne, comme dans les technologies de l’information ou l’informatique », note Raymond Ghajar, doyen de l’école de génie de la Lebanese American University (LAU). Celui-ci ajoute que les diplômés des secteurs des affaires, de la banque et de la finance exerceront des tâches différentes, vu que l’ordinateur fera ce qu’ils avaient l’habitude de faire. Ainsi, l’IA modifiera les métiers tels que nous les connaissons aujourd’hui, créant de nouvelles tâches.

En outre, d’un point de vue éthique, l’IA présente d’autres défis. Comme l’intelligence artificielle reflète les données et les modèles de comportement que nous générons et que nous lui fournissons, « ces données incluent tant le bien que le mal, comme le sexisme ou le racisme. Ainsi, nous devons comprendre sur quelles données l’intelligence artificielle est basée. Est-ce qu’elle reflète la diversité de notre monde, ainsi que notre société dans son ensemble ? » souligne M. Ghajar.

S’adapter grâce à de nouvelles compétences

Face au développement de l’IA, il s’agit de se préparer à plusieurs niveaux afin de s’adapter aux nouvelles exigences du marché de l’emploi.

D’emblée, en plus de suivre des ateliers de formation, il s’agit « d’apprendre les notions de technologie via des ressources en ligne simplifiées », estime Joe Tekli, professeur assistant en génie informatique à la LAU, spécialisé dans le traitement intelligent des données web (intelligent web data processing). Pour ce vice-doyen intérimaire de l’école de génie de cette université, les étudiants doivent s’engager auprès de leurs professeurs dans des projets en IA, et ce dès le début de leur cursus, et se préparer à entreprendre leur stage portant sur ce sujet.

De plus, « ils devront continuer à apprendre seuls, avec l’aide de leurs mentors qui pourront leur fournir des références plus spécialisées », ajoute Joe Tekli.

Par ailleurs, Christophe Zoghbi souligne qu’« il est probable que la quatrième révolution industrielle va favoriser les personnes possédant de solides compétences en numérique, mais aussi des capacités telles que la créativité et le travail d’équipe que les machines ont du mal à reproduire ». Acquérir davantage de compétences humaines, comme la créativité, la pensée critique ou la collaboration, sera ainsi valorisé. « Les personnes doivent donc continuer à se réinventer, acquérir de nouvelles compétences et suivre le rythme des mutations rapides, si elles veulent réussir dans leurs domaines de travail respectifs », poursuit Christophe Zoghbi.

« Ne pas en avoir peur »

Sur le plan des formations, il s’agit de rallier deux voies. « Aujourd’hui, les jeunes doivent suivre une formation scientifique, mais aussi obligatoirement en sciences humaines, et être polyvalent », affirme Nasri Messarra, donnant l’exemple d’universités à l’étranger qui prodiguent des cursus combinant philosophie, psychologie ou sociologie et analyse de données ou programmation, en délivrant des diplômes d’humanités numériques.

En effet, Lukasz Krol évoque l’interaction des couches techniques et non techniques. En d’autres termes, chacun doit posséder dans son propre domaine une connaissance minimale de l’IA. « Le grand sujet est désormais les études algorithmiques et l’informatique interdisciplinaire. La compétence principale consiste donc dans l’intuition technique. Nous ne pouvons pas traiter la technologie comme une sorte de magie sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. Nous devons plutôt développer une certaine intuition sur le fonctionnement de la technologie. C’est comme conduire une voiture », relève-t-il.

Enfin, alors que nombreux sont ceux qui appréhendent la technologie et l’IA parce qu’ils ne comprennent pas le code, « l’essentiel est de ne pas en avoir peur, d’avoir confiance en soi et d’être prêt à l’accepter. C’est un sujet sur lequel il faut avoir un mot à dire », insiste Lukasz Krol, qui refuse qu’on réduise le débat à propos de l’IA à un niveau purement technologique. « On ne doit jamais se sentir exclu des débats sur l’IA, ce sont des débats sur la société, l’économie et l’avenir. L’intelligence artificielle est un sujet pour tout le monde, il faut alors avoir l’assurance de l’accepter comme tel ! » conclut-il.


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