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Culture - Rencontre

Quand Cyril Aris filme les longs silences assourdissants de la vieillesse

Son documentaire, long, a été présenté en première au Festival de Karlovy Vary, puis a reçu un prix à Gouna, une mention à Londres, ainsi que le prix du jury au Medfilm Festival à Rome en 2018.

Cyril Aris filme le temps qui passe dans « The Swing ». Photo Michel Sayegh

« La vie se balance entre la souffrance et l’ennui », disait Arthur Schopenhauer... Ce constat un peu triste et cynique dont s’inspire le titre du film documentaire de Cyril Aris, The Swing, évoque cette balançoire demeurée vide dans la maison des grand-parents du jeune cinéaste qui, un jour, a tout abandonné – diplôme et métier d’ingénieur – pour suivre sa voie à l’Université de Columbia. Et sa passion cinéma. C’était en 2012. The Swing est une œuvre intimiste et personnelle qui porte sur le quotidien en huis clos de ce couple de vieux qui vient de perdre sa fille. La famille partage avec Viviane, l’épouse d’Antoine (le grand-père), la responsabilité d’annoncer ou non la disparition de Marie-Thérèse décédée brutalement en Amérique du Sud. « C’est vrai que les metteurs en scène libanais ont en général le syndrome des films de famille, avoue Aris. Pour moi, je trouve qu’on comprend mieux son identité en filmant ses parents. De plus si j’ai réalisé The Swing, c’est parce que je voulais parler de la vieillesse, cette dernière ligne droite avant la mort. Mes grand-parents venaient de perdre leur fille Marie-Thérèse, ce qui représentait un prétexte narratif de plus au film. Enfin, comme on n’est jamais en contrôle total du documentaire, ce dernier laissant toujours une fenêtre ouverte à toutes les possibilités, je me suis retrouvé en cours de route avec les questions initiales que je m’étais posées et qui m’avaient habité dans la confection de ce film. »

Pas de voyeurisme

Le documentaire est donc un portrait intimiste de la vieillesse dont les acteurs principaux sont les grand-parents, décédés depuis, et porté par cette question tout au long du film. Filmer un temps qui passe, mais où il ne se passe rien et où toutes les émotions affleurent, était un défi pour le jeune réalisateur libanais, auteur du court-métrage The President’s Visit en 2014 et producteur du film de Mounia Akl Submarine en 2016. Pour traduire ce huis clos quasi étouffant, il était nécessaire de tourner en quatre tiers avec un mini-DV, cette caméra qui crée une ambiance à la texture nostalgique. Et pas de voyeurisme dans The Swing : au contraire, de la pudeur face à ces personnages du temps qui passe. À ce sujet, Cyril Aris avoue naturellement s’être inspiré du film Amour de Michael Haneke, dans lequel le son procure une charge émotionnelle plus que l’image. « En effet, il n’était pas nécessaire de faire un close-up sur ma grand-mère alors qu’elle pleurait, mais d’éloigner la caméra et de l’entendre pleurer au loin, en évitant tout regard pervers. L’audience est plus réceptive à ces détails-là. »

Malgré le thème de la mort autour duquel s’articule le film, The Swing est néanmoins une œuvre où l’on célèbre l’amour. « Ce documentaire a aidé ma grand-mère à confier ses peines, dit encore le jeune metteur en scène, puisqu’elle se préparait et se maquillait toujours avant le tournage. »

Soixante-quinze heures de rushes entre les saisons d’été et d’hiver pour ce film qui a vu le jour grâce au soutien du fonds AFAC. « Je suis seul maître à bord dans ce film. Et je l’ai voulu ainsi. J’ai été uniquement soutenu par Mounia Akl, qui m’offrait un regard autre et une certaine perspective pour un sujet où j’étais profondément impliqué », reconnaît le jeune homme. Aujourd’hui, c’est MC qui s’occupe de la distribution pour les pays arabes et un distributeur italien le fait pour l’Europe. Mais quel est le sort de The Swing ? « C’est certainement en VOD qu’on aura l’occasion de le voir. » En attendant il est projeté dans le cadre du festival Ayam, le dimanche 31 mars à 21h30 et le mercredi 3 avril à 20 heures, à Ishbilia, Saïda. Il sera également en salle du 15 au 28 avril au Metropolis Empire Sofil.


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