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À La Une - Analyse

Après l'EI, l'Irak de retour sur la scène diplomatique, à ses risques et périls

"L'Irak apparaît comme un pays très courtisé", dit le géopolitologue Karim Bitar, "mais souvent pour de mauvaises raisons".

Des militaires irakiens célèbrent leur victoire après avoir chassé les jihadistes du groupe Etat islamique de la ville de Dalli Abbas, dans la province de Diyala, le 30 juin 2014. Photo REUTERS/Stringer

En 2014, certains prédisaient son éclatement. Cinq ans plus tard, débarrassé avec son voisin syrien du "califat" jihadiste, l'Irak veut revenir en force sur la scène régionale mais reste tiraillé entre ses alliés américain et iranien, et miné par les fractures internes.

L'Iran et les Etats-Unis sont des ennemis jurés, la Syrie et le Qatar ne se parlent pas, l'Arabie saoudite et l'Iran non plus. Et l'Irak, qui joue les médiateurs, est devenu un "pont", affirme le politologue irakien Ihssan al-Chemmari.

Après plus d'une décennie d'embargo international sous Saddam Hussein, puis 15 ans de violences sanglantes dont une guerre dévastatrice contre le groupe Etat islamique (EI), l'Irak, où les attaques ont aujourd'hui drastiquement baissé, a vu défiler ces derniers mois de nombreux responsables internationaux.

Des chefs de diplomatie américain et iranien au roi de Jordanie, tous sont venus dans ce grand pays pétrolier. Le président français Emmanuel Macron a annoncé qu'il se rendrait cette année en Irak et, selon une source gouvernementale, une invitation a été adressée au président turc Recep Tayyip Erdogan.


(Lire aussi : L’Irak, nouvel « eldorado » diplomatique du Moyen-Orient)


Rôle du "facteur"

Pour un responsable gouvernemental ayant requis l'anonymat, l'Irak endosse le rôle du "facteur". Il y a peu, Bagdad a entrepris une médiation entre le Qatar, un temps fervent soutien de l'opposition à Bachar el-Assad, et le régime syrien, qui tente de réintégrer la Ligue arabe.

Plus récemment encore, dit le responsable à l'AFP, "le conseiller pour la sécurité nationale Faleh al-Fayyadh s'est rendu à Riyad pour remettre un message des Turcs, des Syriens et des Iraniens sur la recomposition régionale".

Tiraillé entre Washington, premier contingent de la coalition internationale antijihadistes, et Téhéran, soutien des paramilitaires qui ont joué un rôle crucial contre l'EI, "l'Irak apparaît comme un pays très courtisé", dit à l'AFP le géopolitologue Karim Bitar, "mais souvent pour de mauvaises raisons". Et les conséquences négatives se font déjà sentir, assure ce spécialiste du Moyen-Orient, dans un pays où les politiciens s'accusent mutuellement d'allégeances à des Etats aux intérêts divergents: l'Iran, les Etats-Unis, la Turquie ou l'Arabie saoudite. "La reconstruction et la consolidation des autorités irakiennes auraient pu être bien plus simples et plus rapides", affirme M. Bitar, si l'Irak n'était pas devenu "un champ de bataille politique, économique et diplomatique après avoir été un champ de bataille militaire".


(Pour mémoire : Abdallah II participe au ballet diplomatique à Bagdad)


Politique "zéro problème"

Les tensions, en premier lieu irano-américaines, sont "bien trop profondes pour que l'Irak puisse prendre l'initiative" dans la région, et le pouvoir irakien doit tenir compte des différentes forces irakiennes aux allégeances et intérêts différents, abonde M. Chemmari.

Aux velléités diplomatiques du gouvernement d'Adel Abdel Mahdi s'opposent ainsi les intérêts du Parlement, dominés par les partis antiaméricains.

La pression pourrait bientôt augmenter sur Bagdad après la visite, le 12 février, du nouveau chef du Pentagone Patrick Shanahan, alors qu'une proposition de loi déposée au Parlement réclame à l'Etat irakien d'ordonner le départ définitif des troupes américaines. "M. Shanahan a demandé au Premier ministre irakien sa position sur la formation d'une possible coalition contre l'Iran", selon le responsable gouvernemental. Cette visite intervenait elle-même dans le sillage de propos du président Donald Trump affirmant qu'il se servirait de l'Irak pour "surveiller l'Iran".

Une telle prise de position du gouvernement irakien ferait voler en éclats la "politique étrangère à zéro problème" qu'espère maintenir l'Irak, prévient Fanar Haddad, spécialiste de ce pays à l'Université de Singapour. Car "des proxies et des alliés irakiens" défendent les intérêts des diverses puissances au sein du pouvoir à Bagdad, note-t-il.


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"Influence majeure"

Ceux-là forceront leur pays à "mécontenter l'Iran ou les Etats-Unis, alors qu'il est contraint de maintenir des relations cordiales avec les deux", confirme M. Bitar. Et ils pourraient faire "perdre les gains diplomatiques", selon M. Haddad, alors que l'Irak vient de reprendre en grande pompe le commerce par voie terrestre avec son voisin jordanien et s'apprête à rouvrir ses poste-frontières fermés depuis près de 30 ans avec l'Arabie saoudite.

Bagdad est aujourd'hui en contact avec toutes les parties en Syrie: de la Russie aux Kurdes en passant par l'opposition au président Assad et la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis. L'Irak a même, ces derniers mois, mené des raids aériens contre l'EI en Syrie à la demande officielle du régime Assad.

Ces canaux de dialogue n'ont échappé à personne, assure une source militaire occidentale. "L'Irak est un partenaire très important", assure-t-elle. "Si la coalition a investi 2,5 milliards de dollars pour former près de 200.000 membres des forces de sécurité irakiennes, c'est parce qu'elle imagine bien que ce pays peut être une (zone d') influence majeure dans la région".


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