Vingt mois avant l'élection présidentielle, les conservateurs américains serrent déjà les rangs derrière Donald Trump en agitant le spectre du socialisme, avec en ligne de mire ses potentiels adversaires démocrates qui embrassent des idées marquées à gauche.
Le mot socialisme est un peu sur toutes les lèvres de la sphère politique depuis l'adoption par bon nombre de candidats à la primaire démocrate de propositions progressistes, comme le "Green New Deal" pour combattre le changement climatique ou un système de santé universel.
Au CPAC, la grand-messe des conservateurs américains qui se tient chaque année près de Washington, ces dix lettres se sont propagées cette semaine comme une trainée de poudre.
Le socialisme était le thème majeur d'une vidéo projetée jeudi pendant la conférence, avec des attaques contre les figures "démocrates socialistes" les plus connues, le sénateur Bernie Sanders, de nouveau candidat à l'élection présidentielle et surtout Alexandria Ocasio-Cortez, la jeune élue progressiste du Congrès.
Le mot "socialisme" apparaît sur l'écran, accompagné d'une musique angoissante et d'images de violence. Et le narrateur n'y va pas par quatre chemins: les enjeux "comme la gratuité de l'université, la santé gratuite, un temps considéré radicaux, semblent être le lot commun de cette primaire démocrate".
Et la vidéo d'avertir de la tendance de candidats démocrates "à gauche toute", montrant notamment des images de Kamala Harris, Cory Booker, Elizabeth Warren ou Kirsten Gillibrand.
L'alerte n'a pas seulement été donnée sur les écrans. "Sous le couvert de l'assurance maladie pour tous et d'un +Green New Deal+, les démocrates adoptent les mêmes théories économiques usées qui ont appauvri les nations et étouffé les libertés de millions (de gens) au cours du dernier siècle. Ce système est le socialisme", a dénoncé vendredi le vice-président américain Mike Pence, s'exprimant à la tribune de la conférence.
"Nous croyons au rêve américain, non au cauchemar socialiste", a renchéri au même endroit samedi le président Donald Trump devant une foule galvanisée.
Le socialisme à l'américaine s'apparente souvent à la définition marxiste du mot, sensiblement plus à gauche que le socialisme d'Europe de l'Ouest.
Hormis les traditionnelles casquettes rouges "Make America Great Again" (Rendre à l'Amérique sa grandeur) et les pin's "Trump 2020", de nombreux invités arboraient un badge "Socialism SUCKS", le socialisme c'est nul. Une formule qui pourrait bien devenir le prochain thème de campagne du parti républicain.
Avec ce pin's bleu, Elaine Ervin, venue du Tennessee, fait un pari: "Je pense que le socialisme est une plateforme que les démocrates mettent en avant et les républicains vont la contre-attaquer", lance cette soutien de Donald Trump âgée de 71 ans.
Matt Schlapp, le militant à la tête du CPAC, assume de dépeindre les adversaires démocrates de Donald Trump comme des gauchistes radicaux.
"Je pense que c'est très approprié pour les conservateurs de s'opposer au socialisme, absolument", déclare-t-il à l'AFP.
Et les participants sont sur la même longueur d'onde.
"Le socialisme est en hausse avec les millennials (...) donc je suis super inquiet pour ma génération", dit Vish Burra, 27 ans, militant conservateur venu de New York.
Au CPAC, le témoignage explosif de l'ex-avocat de Donald Trump Michael Cohen contre son ancien patron devant le Congrès cette semaine n'inquiète pas plus que ça James Stevens.
Mais le jeune homme de 20 ans avoue qu'il serait ravi que les candidats progressistes continuent à tirer la barre à gauche, ce qui aiderait Donald Trump.
L'establishment démocrate espère voir arriver quelqu'un avec "des opinions davantage démocrates que socialistes parce que le socialisme en soi ne séduit pas vraiment beaucoup de gens", prédit l'étudiant.
Ce candidat, craignent James Stevens et d'autres au CPAC, pourrait être Joe Biden.
Modéré, doté d'une crédibilité impeccable auprès des travailleurs blancs américains, il pourrait bien être ce candidat que les conservateurs pro-Trump redoutent.
"Il a cet attrait", reconnaît le jeune militant Vish Burra.
Pour l'ancien élu au Congrès Tim Huelskamp, la course vers 2020 revient "absolument" à un duel capitalisme-socialisme.
"J'espère qu'ils vont continuer à aller davantage à gauche", dit-il des démocrates. "On va tous les battre."
Une prédiction partagée par le Britannique Nigel Farage, chantre du Brexit et ancien dirigeant du parti europhobe et anti-immigration UKIP, invité à s'exprimer à la conférence outre-Atlantique.
"Faites ressembler les démocrates à des socialistes très à gauche et vous allez gagner" l'élection, parie l'eurodéputé.
Pour mémoire
#Rétro2018 : Trump fait le show, son horizon judiciaire s'assombrit