Les ambitions spatiales des Émirats arabes unis continuent de grandir. Après avoir mis l’accent sur sa politique spatiale nationale au cours de ces dernières années, Abou Dhabi a annoncé lundi dernier que le premier astronaute émirati serait envoyé en mission à la Station spatiale internationale le 25 septembre prochain. Alors que 4 022 candidats se sont pressés pour prétendre au poste offert dans une compétition lancée par le Centre spatial Mohammad ben Rached, les heureux élus sont Hazza al-Mansouri, un ingénieur, et Sultane el-Neyadi, un pilote militaire. Abou Dhabi devrait annoncer en mai le nom de celui qui aura le privilège d’être le premier à s’envoler à bord du vaisseau russe Soyouz pour effectuer une mission de huit jours à la Station spatiale internationale en compagnie du commandant russe Oleg Skripochka et du mécanicien de bord américain Chris Cassidy. Le second astronaute devrait le remplacer ensuite.
Abou Dhabi vise haut, alors que ce projet s’inscrit parmi les nombreux objectifs à atteindre pour sa conquête de l’espace. Le programme spatial national des EAU a également pour but de « superviser la réalisation de la première ville scientifique sur la planète rouge dans le cadre du programme 2117 Mars », pour y installer, entre autres, un musée et des laboratoires de recherche. Les Émirats souhaitent notamment lancer un complexe de fabrication de satellites pour atteindre la planète rouge en 2021 et y établir une colonie d’ici à 2117, indique le site du gouvernement émirati.
Étant l’une des puissances économiques majeures dans la région, les EAU « se sont développés en tant que centre important pour la navigation et l’aviation, l’espace est donc en quelque sorte la prochaine étape », explique Jörg Matthias Determann, professeur adjoint à l’Université du Commonwealth de Virginie au Qatar et auteur de Science spatiale et monde arabe (I.B. Tauris, 2018), interrogé par L’Orient-Le Jour. Mettre l’accent sur les sciences et la technologie spatiale « est en partie lié à son ambition de développer une économie de la connaissance, de la diversifier et d’échapper à la seule dépendance au gaz et au pétrole », poursuit-il. Approfondir la maîtrise de l’espace par l’envoi de satellites permettrait aussi aux EAU de devenir plus compétitifs dans le domaine de l’aviation civile, des médias audiovisuels, de mieux contrôler leurs frontières ou encore d’être plus précis dans l’utilisation de drones dans les conflits où ils sont impliqués, par exemple.
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Dirigeants du futur
Lors de l’annonce en 2015 du lancement de la mission « al-Amal » (« espoir » en arabe) visant à envoyer une sonde sans pilote dans l’orbite de Mars, le cheikh de Dubaï et Premier ministre des Émirats arabes unis, Mohammad ben Rached al-Maktoum, avait estimé que ce projet envoyait trois messages. « Le premier concerne le monde entier : que la civilisation arabe a déjà joué un grand rôle en contribuant au savoir humain et le jouera à nouveau », avait-il déclaré. « Le deuxième est pour nos frères arabes : que rien n’est impossible et que nous pouvons rivaliser avec les plus grandes nations dans la course au savoir », avait-il ajouté, avant d’enchaîner que « le troisième est destiné à ceux qui s’efforcent d’atteindre les sommets les plus hauts : ne fixez aucune limite à vos ambitions et vous pourrez même atteindre l’espace ».
Le cheikh Mohammad a notamment inauguré l’Institut supérieur émirati des sciences et technologies en 2006 avant de le fusionner avec le Centre spatial Mohammad ben Rached, une organisation gouvernementale établie en 2015 dont l’objectif est de devenir l’un des leaders dans les domaines des technologies spatiales et de l’innovation, tout en formant une nouvelle génération d’ingénieurs. « La technologie spatiale revêt une dimension symbolique importante car c’est un domaine associé au futur et qui offre une légitimité », souligne M. Determann. « Les pays du Golfe sont souvent perçus comme arriérés ou prémodernes. Mais les dirigeants de Dubaï ou d’Abou Dhabi ne veulent pas être perçus comme des leaders du passé mais comme gouverneurs modernes de l’avenir », poursuit le spécialiste. Selon lui, des avancées dans le domaine spatial permettent également de renforcer le leadership des dirigeants sur le plan interne alors que « s’il y a des critiques venant de l’intérieur, ils peuvent se référer à ce type de réalisation pour montrer comment ils font avancer le pays ».
(Lire aussi : A chaque lancement de fusée, "j'ai trois crises cardiaques")
Nouvelle puissance spatiale
En se voulant à la pointe de la technologie spatiale, les EAU sont en compétition avec d’autres acteurs régionaux, à savoir Israël et l’Iran, qui développent tous deux leurs programmes spatiaux. L’État hébreu a notamment envoyé l’atterrisseur Beresheet le 21 février en direction de la Lune et qui devrait arriver à destination le 11 avril. En cas de réussite, Israël rejoindrait les États-Unis, la Russie et la Chine sur la liste historique des pays ayant atteint la Lune.
Pour parvenir à leurs fins, les EAU multiplient les collaborations. En octobre dernier, une fusée japonaise a transporté le satellite émirati d’observation de la Terre baptisé KhalifaSat, le premier à être entièrement construit par les EAU et dont la mission s’étend sur cinq ans. Un accord a également été conclu quelques semaines plus tard entre l’agence spatiale des EAU et l’agence spatiale nationale de Bahreïn pour contribuer à la formation des équipes spatiales de l’archipel, a rapporté le quotidien émirati The National. Abou Dhabi a également signé un accord avec Paris en février 2018 ayant pour but le développement d’un satellite commun d’imagerie hyperspectrale dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Signe des avancées des EAU, le président du Centre national d’études spatiales français, Jean-Yves Le Gall, avait alors estimé que cet accord « réaffirme la volonté des deux nations d’avancer dans l’espace », précisant que « la France est un acteur-clé de l’espace et les EAU font partie des nouvelles puissances spatiales développant actuellement de nouveaux programmes et missions ».
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Il y a 50 ans l'exploration de l'espace et les missions habitées pour aller vers la l'une ou autres planètes, par les russes et américains générait des questionnements voir des incompréhensions dans cette région du monde... Ils avaient l'impression qu'on touchait le sacré. Je suis heureux que de tels pays participent maintenant à cette belle aventure humaine et scientifique élargissant du coup, leur champs de vision et entrant dans l' universel. Bravo
11 h 49, le 02 mars 2019