Commentant le débat en cours autour de l’élaboration d’une stratégie de défense, un ancien responsable indique que c’est « le commandement de l’armée qui met en place les stratégies militaires, notamment celle qui porte sur la défense nationale, avant d’en notifier le conseil militaire, suite à quoi le ministre de la Défense, c’est-à-dire le pouvoir politique, prend le relais pour expliquer et défendre cette stratégie ». La création d’une instance de dialogue pour élaborer une stratégie défensive à la demande de la communauté internationale et régionale est due à un élément fondamental : la présence d’une faction armée au Liban et la propagation d’armes au sein de la société libanaise sous diverses appellations ou prétextes comme les Brigades de la résistance, la libération, la défense des camps palestiniens ou la protection des déplacés syriens. Selon certains milieux diplomatiques occidentaux, le Liban n’a pas appliqué les résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité relatives au désarmement des milices et au monopole de la violence légitime à travers les institutions sécuritaires et militaires.
Dans son allocution lors du débat de confiance à la Chambre des députés, le député du groupe parlementaire de la Fidélité à la résistance, Ali Ammar, a réclamé la mise sur pied d’une stratégie de défense, fait surprenant de la part d’un député du Hezbollah. Pour rappel, le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, avait à plusieurs reprises affirmé que son parti appliquait la stratégie de défense qu’il avait lui-même exposée en 2006, lors de la conférence nationale de dialogue organisée place de l’Étoile sous l’égide du président de la Chambre Nabih Berry. Après cette date, le Hezbollah n’avait plus jamais accepté de discuter de cette question, affirmant appliquer sa propre proposition. Puis, en 2012, les représentants du parti et certaines forces du 8 Mars avaient paralysé les réunions de la conférence de dialogue pour empêcher la discussion du projet de stratégie de défense élaboré par le président de la République Michel Sleiman. À l’époque, le chef du Courant patriotique libre Michel Aoun avait promis de proposer son propre projet de stratégie de défense sur base de son expérience en tant que commandant en chef de l’armée…
Au lendemain de la formation du nouveau gouvernement, la communauté internationale continue d’appeler à la formation d’une instance de dialogue pour mettre en place une stratégie défensive. Or des milieux politiques proches du président Aoun soulignent que si Baabda ne donne pas suite à cette volonté internationale, c’est pour éviter le clash avec le Hezbollah. Malgré cela, et face aux appels répétés de la communauté internationale dans ce sens, le chef de l’État a annoncé qu’il créerait, au lendemain des élections législatives, une instance de dialogue pour élaborer une stratégie de défense dont découlerait ensuite un cabinet d’union nationale. Michel Aoun a ensuite inversé ses priorités, décidant de former un cabinet d’union nationale appelé à définir une stratégie défensive. Maintenant que le gouvernement a obtenu la confiance à la Chambre, le président de la République prendra-t-il l’initiative de former cette instance de dialogue pour élaborer ladite stratégie ?
Pour un ancien responsable militaire, toute stratégie défensive devrait reposer sur plusieurs concepts. Elle devrait d’abord constituer un état transitoire, non permanent, jusqu’à la capacitation de l’armée en équipements et son développement. Ensuite, elle devrait étudier et déterminer les besoins de la troupe en soutien en cas de percée éventuelle, de manière qu’elle soit capable d’accomplir sa mission. Le gouvernement devrait par ailleurs accepter la demande de l’armée quant à ses besoins afin de faire face à chaque situation et conformément aux demandes formulées par le Conseil des ministres. Les capacités de la résistance devraient également être mises au service de l’armée et sous le commandement de cette dernière. C’est donc exclusivement la troupe qui devrait trancher sur le plan militaire, de sorte qu’elle ne soit pas entraînée dans des confrontations non calculées, inégales, et pour lesquelles elle n’est pas préparée. Enfin, la décision de guerre en Conseil des ministres devrait être naturellement entre les mains du pouvoir politique et non d’une quelconque autre partie. Le Conseil des ministres représente le pouvoir exécutif responsable, et nul ne saurait l’entraîner dans des confrontations non calculées. Les mécanismes établis par l’armée devraient être discutés pour mettre en application la stratégie, dans la mesure où chaque situation possède ses engagements et ses nécessités. Par conséquent, il convient de l’étudier en profondeur.
Pour les milieux souverainistes, le débat sur la stratégie de défense ne vise pas à légaliser la résistance et son arsenal comme ce qui s’est produit en Irak avec le Hached el-Chaabi. Il s’agit de profiter des capacités de la résistance à travers l’État et le commandement de l’armée, et mettre ses capacités au service de la troupe – et non le contraire, comme certains tentent de présenter la situation. La colonne vertébrale de la stratégie de défense est l’État et ses organes militaires et sécuritaires, pas les combattants ou le Hezbollah. Les milieux des Forces libanaises – dont les ministres ont tenté d’intégrer la formule « dans le giron de l’État » à la mention des armes de la résistance dans les débats sur la déclaration ministérielle, mais qui se sont heurtés au refus net des ministres du tandem chiite Amal-Hezbollah – soulignent qu’il est impossible de reproduire au Liban l’expérience du Hached el-Chaabi en Irak. Partant, les armes du Hezbollah ne seront jamais légalisées au Liban sous le prétexte du « droit du peuple à la résistance » mentionné dans la déclaration ministérielle. Les citoyens n’auront pas le droit de brandir les armes sous le slogan de la résistance en dehors des institutions officielles. La stratégie défensive est appelée à rectifier cette erreur et à contenir le chaos des armes, conformément aux résolutions 1559 et 1701, jusqu’à la dissolution des milices et la concentration du monopole de la violence légitime entre les mains de l’armée libanaise.
Pour mémoire
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commentaires (10)
Ah parce que Amal lui n’est pas libanais ?!
Bery tus
05 h 26, le 01 mars 2019