Des habitants du village de Bisri (caza de Jezzine), mais aussi de la ville de Saïda et des environs ont effectué samedi un sit-in pour protester contre la construction d’un barrage dans la vallée verte traversée par la rivière du même nom. Les slogans étaient axés autant sur la destruction environnementale qu’entraînerait la réalisation de ce projet titanesque que sur les dangers sanitaires, notamment le fait qu’un tel réservoir à cet endroit signifie que l’eau polluée du Litani, qui rejoindra celle de Bisri, finirait dans les robinets à Beyrouth.
Plusieurs associations et militants ont appuyé le sit-in des habitants, notamment le Mouvement écologique libanais (LEM), représenté par son président Paul Abi Rached, le coordinateur de la campagne pour la préservation de la plaine de Bisri, Roland Nassour, le responsable des relations politiques du Parti des verts, Rabah Maddah, et d’autres personnes.
Ce n’est pas la première manifestation en signe de refus de ce barrage. Déjà, le 7 octobre dernier, des randonneurs venus des quatre coins du pays, à l’initiative du LEM, ont effectué une marche de Mazraet el-Chouf jusqu’à la municipalité de Bisri pour protester contre ce projet, exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction sur six millions de mètres carrés, pour un budget de plus de 1,2 milliard de dollars, assuré par un prêt de la Banque mondiale. Selon des informations confirmées par le LEM et les habitants, l’entrepreneur en charge devra interdire aux habitants et agriculteurs de la plaine l’accès à leurs terrains dès le 14 mars, d’où « une confrontation ouverte » en vue, comme l’ont assuré des manifestants à la MTV.
(Lire aussi : Barrage de Bisri : pour un principe de précaution archéologique)
Une faille responsable du séisme de 1956
Marie Farhat s’est exprimée au nom des manifestants, déplorant l’exécution de ce projet « qui va stocker 125 millions de mètres cubes dans une zone traversée par des failles majeures, notamment celles de Bisri et de Roum (cette dernière est responsable du séisme de 1956), sur une terre karstique sujette à l’érosion, qui ne supporterait pas un tel ouvrage ». Elle a déploré « ce projet qui entraînera l’abattage d’arbres, la destruction de vestiges archéologiques et l’exode de populations, tout ça pour que le Liban soit endetté indéfiniment envers la Banque mondiale ».
« Pourquoi ne réparons-nous pas les canalisations d’eau vétustes, responsables du gaspillage de 40 % de l’eau courante ? » se demande-t-elle. « Beyrouth refuse de s’abreuver de cyanobactéries », ajoute-t-elle, en référence à une algue qui pollue dangereusement le lac artificiel du Qaraoun, alimenté par l’eau du Litani. L’habitante fait ainsi référence au fait que ce barrage fait partie du grand projet de drainage de l’eau de l’Awali, au nord de Saïda, vers la capitale, ce qui signifie que l’eau du Qaraoun et celle de Bisri convergeront vers un seul lac artificiel, avant de prendre le chemin de Beyrouth. Or les cyanobactéries qui polluent irréversiblement le lac du Qaraoun (selon les études de l’expert Kamal Slim, du Conseil national de la recherche scientifique) ne peuvent être filtrées.
Ce projet « sera cause de destruction, d’exode et de paupérisation », a affirmé Marie Farhat, précisant que la superficie qui sera noyée comporte non moins de 52 sites archéologiques, sans compter six millions de mètres carrés de plaines fertiles qui seront inondées, ainsi qu’une église et un monastère démolis. « Nous avons besoin de développement, pas de destruction », a-t-elle lancé.
Plusieurs autres manifestants se sont succédé pour annoncer leur refus de ce projet, qu’ils considèrent comme les poussant à l’exode. À la caméra de la MTV, ils ont parlé d’« expropriation par la force ».
Pour mémoire
Dans la vallée de Bisri, le projet de barrage fait polémique
Une marche anti-barrage de Bisri, à l'occasion de la journée de la Terre (vidéo)
commentaires (4)
Je pense qu'on devrait plutôt vérifier tous les installations existantes et trouver de l'argent pour les maintenir et moderniser. Construire un nouveau barrage ne me semble pas une bonne idée. En plus comme on dit correctement "il faut réparer les canalisations d’eau vétustes" et faire un projet de sauver l'eau et ne pas gaspiller de l'eau à Beyrouth, tout cela en pensant que le Liban est riche en eau: chaque village a plein de sources et souvent il y a belle architecture autour des anciennes sources.
Stes David
20 h 23, le 25 février 2019